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ENVIRONNEMENT - Un havre de pêcheurs hiberne en attendant des jours meilleurs Les îles perdues du septentrion nippon pleurent leur or bleu et blanc

«Revenez en été!» Même le fonctionnaire local trouve son île inhospitalière en plein hiver. Rebun, le roc le plus septentrional de l’archipel nippon, un havre de pêcheurs perdu face à l’île russe de Sakhaline, hiberne en attendant des jours meilleurs. Bien improbables, car, comme à Rishiri, l’île jumelle volcanique à la silhouette du mont Fuji, la population grisonnante, les effectifs de pêcheurs et les stocks de poisson autrefois abondants déclinent de conserve. En vingt ans (1985-2005), le nombre des îliens de Rebun est tombé de 5724 à 3410, celui des marins pêcheurs de 857 à 495. À Rishiri, de 5352 à 2951, pour la population, de 796 à 369 pour les pêcheurs. Giflée par les vents, à demi enneigée seulement, l’île de Rebun semble endormie, ses hommes calfeutrés à la maison, à part de petites vieilles en noir et quelques autos silencieuses. La seule animation vient du Boreas Soya, le ferry qui relie Rebun au port de Wakkanai matin et soir, et de sa maigre cargaison de passagers. Sur le quai, l’hôtel du port, grande caserne grise, est fermé. Les touristes botanistes ne reviendront pas avant l’été sur «l’île aux fleurs» (surnom de Rebun), aux falaises noires reflétant les crépuscules boréaux, aux plages parsemées de sites néolithiques de l’ère Jomon (la première civilisation à faire de la poterie), dont un étonnant grand «soleil» de basalte. À la pointe nord de Rebun, à l’extrême bout du monde nippon, le cap Sukoton plonge sur le détroit de La Pérouse, entre Japon et Russie, là où passa l’explorateur français le 15 août 1787 et dépêcha sa dernière relation de voyage – «A-t-on des nouvelles de Monsieur de La Pérouse?» demanda Louis XVI en montant à l’échafaud. La mer est vide. Le long du littoral, à l’extérieur de modestes maisons en bois, sèchent au vent les harengs préparés, protégés des oiseaux prédateurs par des filets. «On constate un long déclin du hareng depuis trente, quarante ans», souligne Mikami Hideshige, dirigeant de l’Association des pêcheurs de Kafuka, la capitale de Rebun. Mais ces dernières années, les autres réserves d’or bleu – du très prisé oursin au «hokke» (une variété locale de maquereau) en passant par le lieu d’Alaska et la morue – sont aussi en forte diminution. «Nous avons des soucis. Les stocks ont baissé de 20 à 30% depuis deux ans», s’inquiète M. Hideshige. «Nous avons fait mauvaise pêche de morue en novembre et décembre parce que la température de l’eau n’est pas assez froide. Depuis deux saisons, les vents froids de noroît ne soufflent pas en août. La mer ne refroidit pas», déplore-t-il. Réchauffement climatique À voir les montagnes pelées blanches et leurs lacs gelés, on ne dirait pas que le climat de Rebun est devenu clément. Pourtant, cet hiver en particulier, l’or blanc fait cruellement défaut, une absence que les météorologues japonais attribuent au phénomène climatique El Nino, un réchauffement récurrent des eaux du Pacifique. «En décembre, il y avait deux fois moins de neige que d’habitude. Quand j’étais enfant, elle atteignait le deuxième étage de notre maison», se souvient un pêcheur, en train d’entretenir son bateau, impeccablement aligné en cale sêche. Et comme l’eau de neige ne descend plus dans la mer, elle manque au plancton, dont le cycle est sérieusement perturbé. «Nous vivons sur les recettes de la saison estivale car la pêche en hiver nous fait perdre de l’argent. Mais il ne nous reste plus rien pour investir», avoue sombrement le représentant des pêcheurs de Rebun.

«Revenez en été!» Même le fonctionnaire local trouve son île inhospitalière en plein hiver. Rebun, le roc le plus septentrional de l’archipel nippon, un havre de pêcheurs perdu face à l’île russe de Sakhaline, hiberne en attendant des jours meilleurs.

Bien improbables, car, comme à Rishiri, l’île jumelle volcanique à la silhouette du mont Fuji, la population grisonnante,...