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Actualités - REPORTAGE

Khattar Abou Diad et Siham Chafak expliquent l’enjeu géopolitique du partenariat Euromed: les relations politico-culturelles dépassent de loin le cadre économique

L’enjeu géopolitique du partenariat Euromed joue un rôle primordial dans les relations entre les deux rives de la Méditerranée, dépassant de loin le but affiché au début du processus de Barcelone visant à créer une zone de libre-échange entre les pays membres de l’UE et les pays MEDA. C’est ce qui ressort des interventions sur la dimension géopolitique des différents accords UE-MEDA données par Khattar Abou Diab, politologue libanais, et Siham Chafak, consultante marocaine, tous deux spécialistes des relations euro-méditerranéennes. Le partenariat Euromed est-il le résultat d’un processus politique ou économique? «Il faut faire un rappel historique des relations euro-méditerranéennes» pour situer la conjoncture actuelle, affirme de prime abord Khattar Abou Diab, explicitant les différentes étapes d’«unités et de ruptures entre les deux rives du bassin méditerranéen». «Pour certains, la rupture a été consommée par la conquête arabo-musulmane, alors que pour d’autres c’est la découverte de l’Amérique qui initia la division entre le Nord et le Sud», précise-t-il, ajoutant que l’intérêt contemporain de l’Europe pour le Moyen-Orient débuta avec l’expédition de Napoléon en Égypte pour protéger la route vers l’Inde. «Il s’agit en fait de contrôler une région-clé considérée comme une réserve et un passage des ressources énergétiques», souligne M. Abou Diab. Les conflits actuels autour du monde arabe poussent à affirmer que «l’histoire se répète» dans «cette zone axiale du globe», relève le politologue libanais, confirmant ainsi les liens existant entre les domaines économique et politique dans les relations entre les pays méditerranéens. De son côté, Siham Chafak explique l’intérêt de l’Europe pour les pays méditerranéens par la concurrence existante entre ses deux importants pôles, à savoir l’Allemagne et la France. «Alors que le gouvernement de Berlin se tourne naturellement vers l’Est pour étendre son influence sur les anciens régimes communistes, Paris ainsi que Rome et Madrid dirigent leurs regards vers le Sud. La proximité et les liens historiques, surtout la période colonialiste, reliant les deux rives pèsent beaucoup sur cette décision», déclare-t-elle. Appuyant cette thèse, M. Abou Diab affirme que, «dans chaque pays arabe, un certain Occident sommeille», avant d’énumérer les différentes positions en faveur du monde arabe prises par l’UE sous l’influence de la France. Quelle est la cause du bilan nuancé du partenariat Euromed? Le premier handicap dans cette relation est le fait que «face à la forteresse Europe, les acteurs arabes se présentent en ordre dispersé», affirme M. Abou Diab. Même son de cloche chez Mme Chafak, qui précise que «les pays du Maghreb ne parlent pas d’une même voix, contrairement à l’adage “l’union fait la force”». Tous les deux insistent ainsi sur le «déséquilibre» des relations entre les deux partenaires. La juriste marocaine justifie par ailleurs la différence de résultats entre les pays du Sud et de l’Est par le fait que «l’obstacle d’adaptation des anciens pays communistes n’existe pas» pour adhérer au système européen. Le second obstacle résulte de «l’incapacité de l’UE à mettre en pratique une politique étrangère commune et présenter une alternative en Méditerranée». La raison de cet échec? M. Abou Diab précise que l’échec relève principalement de la manière dont les pays arabes gèrent leurs relations avec l’Europe, d’une part, et entre eux, d’autre part. «Les pays arabes n’ont pas un esprit de coopération, mais un esprit de vendetta», explique-t-il. «Notre malheur, c’est que nous n’avons pas dépassé notre passé colonial, nous sommes restés dans l’émotionnel», affirme dans le même ordre d’idées Mme Chafak, qui dénonce les liens toujours conflictuels entre les pays colonisateurs et colonisés. Et la solution? «Il faut une volonté politique interne de changement accompagnée d’une diversification au niveau économique pour pouvoir avancer. Les efforts des pays arabes ne sont pas suffisants malgré l’assistance et les mesures d’aide déployées par l’UE», estime Mme Chafak. Mais pour M. Abou Diab, «il faut sortir de la logique émotionnelle dans les prises de décision politiques pour une logique plus rationnelle, surtout dans les rapports entre États». Il préconise ainsi «l’accroissement de la contribution de l’UE dans le développement de ses voisins du Sud». «Il est impossible d’ériger un nouveau mur de Berlin pour séparer l’Europe prospère de l’autre rive de la Méditerranée», conclut-il. Propos recueillis par A. A.
L’enjeu géopolitique du partenariat Euromed joue un rôle primordial dans les relations entre les deux rives de la Méditerranée, dépassant de loin le but affiché au début du processus de Barcelone visant à créer une zone de libre-échange entre les pays membres de l’UE et les pays MEDA. C’est ce qui ressort des interventions sur la dimension géopolitique des différents accords...