Rechercher
Rechercher

Actualités

Redescendre sur Terre Élie FAYAD

Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, vient de démontrer une fois de plus combien certains de ses points de repère les plus fréquemment cités peuvent être en contradiction totale non seulement avec les principes élémentaires de la démocratie, mais aussi avec le concept même d’un État souverain. Le droit de porter des armes, « nous le tirons des religions (…), des récits des sages, de l’histoire de l’humanité », a-t-il clamé dans son discours de vendredi dernier. D’abord, une petite parenthèse : s’il est une constante dans l’histoire de l’humanité, c’est précisément qu’on y a tout fait dire aux religions, toutes les religions. Et en particulier les pires choses : de l’Inquisition espagnole et le massacre de la Saint-Barthélémy au prétendu « choc des civilisations », de la mise au ban d’Averroès au règne des talibans, sans oublier les croisades, la haine au nom de Dieu n’a pas fini de traverser les siècles. Au tableau d’honneur de la comptabilité funeste, seules l’araignée hitlérienne et la sanglante utopie lénino-stalinienne ont fait « mieux ». Mais là n’est pas le propos. Fort heureusement, Hassan Nasrallah n’est pas Torquemada et encore moins Oussama Ben Laden. La problématique que suscitent ses références « divines » est loin de mettre l’humanité en danger. Simplement, à un niveau beaucoup plus proche de nous, elle perpétue un malentendu de base sur l’essence même de ce qui fait un État moderne – un État « fort et capable » comme il affirme le souhaiter lui-même –, ce qu’en l’occurrence devrait être l’État libanais. Jusqu’à nouvel ordre, le Liban n’est pas une théocratie. Il est censé être régi par une Constitution terrestre, et comme dans toutes les Constitutions terrestres des États modernes, la souveraineté, la diplomatie, les stratégies défensives y sont exclusivement attribuées aux instruments de l’État. Invoquer les religions pour les mettre implicitement au-dessus des Constitutions, comme le fait sayyed Nasrallah, est au cœur du malentendu. Dans l’esprit de tout croyant, à quelque religion qu’il appartienne, Dieu est bien entendu supérieur à tout. Il se trouve cependant que la vie publique d’un État comme le Liban, ses institutions, ses contrats sociaux, sa justice, continuent d’obéir à des critères qui, sans s’opposer à la divinité, restent modestement à caractère humain. En démocratie, le Hezbollah a peut-être le droit d’aspirer à changer cet ordre-là. Il n’a pas le droit d’agir comme si ce changement a déjà eu lieu. Plus loin dans son discours, Hassan Nasrallah affirme qu’il ne demanderait pas l’autorisation de porter des armes à ceux qui recevaient des armes d’Israël ni à ceux qui n’ont jamais ouvert le feu sur Israël. Par ces propos, le secrétaire général vise bien évidemment certaines fractions libanaises facilement identifiables. Il oublie cependant que si l’on quitte les frontières libanaises, une certaine République considérée comme étant le principal bailleur de fonds et fournisseur du Hezbollah avait notoirement bénéficié dans les années quatre-vingt de la manne israélienne en termes d’armements et autres pièces de rechange. Mais c’est peut-être un autre « mensonge » du « Grand Satan » ! Revenons alors, encore une fois, à une dimension plus modeste. C’est tout simplement au peuple libanais que Hassan Nasrallah devrait demander l’autorisation de porter des armes ! Au peuple qui, comme vous et moi, n’a jamais reçu d’armes ni d’Israël, ni de Syrie, ni d’Iran, ni d’ailleurs ! Au peuple qui n’aspire peut-être pas, comme il a semblé le suggérer dans la première partie de son discours, à libérer la Palestine historique et anéantir l’État hébreu. Ou peut-être que si ! Le Hezbollah – comme d’ailleurs tout le monde – devrait s’essayer au jeu de la démocratie. Qu’il propose un référendum sur ses armes. On saura alors qui détient la majorité dans le pays.
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, vient de démontrer une fois de plus combien certains de ses points de repère les plus fréquemment cités peuvent être en contradiction totale non seulement avec les principes élémentaires de la démocratie, mais aussi avec le concept même d’un État souverain.
Le droit de porter des armes, « nous le tirons des religions (…),...