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Actualités - CHRONOLOGIE

EXPOSITION - Portraits et lieux par le photographe anglais Alan Gignoux «Homeland Lost»: une autre image de la Palestine

La poignante, l’insupportable nostalgie de la patrie perdue à travers des photographies en noir et blanc. C’est au théâtre al-Madina, et en collaboration avec le British Council, que le capteur d’images Alan Gignoux accroche ses clichés sous le titre tellement évocateur de «Homeland Lost». Signe particulier de l’exposition: elle juxtapose des portraits de réfugiés palestiniens à des images récentes des lieux qu’ils ont quittés en 1948. Pour ne pas perdre de vue les réalités de l’occupation israélienne et les droits bafoués d’un peuple palestinien. Jusqu’au 14 février, de 18h à 21h. C’est une tragédie qui a commencé il y a presque soixante ans. Sans photos. Un peuple entier dépossédé de sa terre, expulsé de son pays, exilé aux quatre coins du monde. Depuis, ce peuple ne cesse de disparaître des regards et de la conscience du monde. En vain on cherchera des photos, des témoignages filmés de maisons dynamitées, de villages détruits, de convois de réfugiés conduits vers les frontières avec leurs enfants sur le dos et quelques baluchons au bras. En vain. Pourtant, en 1948, 480 villages ont été dynamités et 700000 habitants expulsés sur une population d’un million qui habitaient cette terre depuis des siècles. Il fallait faire du slogan une réalité: «Une terre sans peuple pour un peuple sans terre». Et il ne fallait surtout pas de témoins. Le monde a préféré détourner ses yeux comme si la reconnaissance de la tragédie d’un peuple qui sortait à peine des camps de la mort ne permettait pas aux yeux du monde de reconnaître simultanément la tragédie d’un autre peuple qu’on dépossédait de sa terre, de son nom et de son identité. La Palestine et les Palestiniens ont été ainsi occultés, littéralement couverts, recouverts par Israël et ses images nouvelles. Sur les cartes géographiques du monde entier, dans les manuels scolaires, le nom de cet espace entre la Méditerranée et le Jourdain, le Sinaï et les montagnes du mont Hermon a laissé la place au nom du nouvel État d’Israël. La Palestine? Engloutie. Il a fallu une nouvelle guerre en 1967 et 300000 nouveaux réfugiés pour que l’image des Palestiniens réapparaisse de nouveau. «Pour laisser place, très vite après, à l’image stéréotype du combattant au keffieh et à la kalachnikov, indique le photographe anglais. Cette image a fait le tour du monde et a réduit la perception du Palestinien au combattant abstrait, hors contexte, sans réalité sociale, politique ou économique». Comme si après avoir été occultée, l’image du Palestinien ne pouvait laisser place qu’à l’image individuelle figée, jamais liée à un mouvement, à une société. Loin de l’humiliation, de l’intifada, des batailles intestines et de la mort, les photos d’Alan Gignoux replacent l’image des Palestiniens dans un différent contexte. Elles restituent la réalité palestinienne sociale, économique, mais surtout humaine. Le photographe dit avoir passé 18 mois à photographier des Palestiniens dans des camps au Liban, à Amman ou dans les territoires occupés. «Je ne suis pas uniquement allé à la rencontre des réfugiés dans les camps. J’ai voulu montrer également la bourgeoisie, les intellectuels, les médecins, ingénieurs ou sportifs qui ont réussi à s’intégrer parfaitement dans leur terre d’accueil», estime Gignoux. Puis le chasseur d’images est ensuite aller localiser les lieux que chacun de ses sujets avait quittés en 1948 ou en 1967. À travers ses clichés, le Palestinien n’apparaît plus un stéréotype abstrait mais un être vivant, inscrit dans une collectivité et dans un territoire national même si pour le moment il est occupé. Le Palestinien est également un réfugié, qui tient à la clé de sa maison ou à cette poignée de terre (souvenirs rescapés d’une autre vie) comme à la prunelle de ses yeux. Aujourd’hui, Alan Gignoux espère qu’un jour arrivera où deux nations égales cohabiteront sans compromis. Fasciné par la condition humaine, le photographe nous montre à travers cette exposition itinérante (après les territoires occupés et Amman, elle ira au Caire) nous montre la Palestine et les Palestiniens dans une confrontation en trois mouvements: présence-absence-présence. Ou comment un peuple a été «effacé» des photos et comment il a réémergé pour enfin construire sa propre image. Un travail très sobre, aux antipodes du photojournalisme, montrant les cicatrices de la terre, comme un corps blessé, sans personne, ni hommes ni maisons ; pas de slogans, pas de légendes, pas de posture militante, seulement le martyre de cette terre. Et la nostalgie d’un peuple. Maya GHANDOUR HERT
La poignante, l’insupportable nostalgie de la patrie perdue à travers des photographies en noir et blanc. C’est au théâtre al-Madina, et en collaboration avec le British Council, que le capteur d’images Alan Gignoux accroche ses clichés sous le titre tellement évocateur de «Homeland Lost». Signe particulier de l’exposition: elle juxtapose des portraits de réfugiés palestiniens à...