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Actualités - OPINION

Responsabilité... générale Badih MOUKARZEL

Au lendemain des événements du mardi noir, l’heure est définitivement au bilan. Bilan lourd de conséquences tant politiques et nationales que juridiques et économiques. Au plan politique se pose la question de la finalité de ces événements. La grève nationale générale annoncée d’avance à coups de discours musclés et de menaces réciproques à peine voilées, lancées de la part tant des opposants manifestants que des légalistes partisans de l’ordre établi, a irrémédiablement ébranlé l’ordre public et social existant sans qu’aucun des protagonistes présents ne soit en mesure d’imposer sa «juste» cause. Aux premiers, le recours à la rue après plusieurs semaines de sit-in et de campement joyeux sur les places publiques, les attroupements et rassemblements sur les voies publiques, qui ont tourné à des émeutes organisées et généralisées, condamnant ainsi l’événement à déboucher soit sur un changement du pouvoir politique en place, soit à échouer dans la prise du pouvoir. Force est de constater que cette grève-émeute n’a pu, jusqu’à l’heure, occuper l’espace politique qui lui était assigné. Aux autres, soucieux de rétablir le peu d’ordre qui reste – ou qui manque –, leur sursaut «spontané» en faveur du maintien de l’ordre, de la liberté de circulation et de travail a conduit droit aux combats de rue généralisés, réduisant ainsi l’espace de liberté et de droit tant revendiqué à un champ de ruine avec leur cortège de lamentations des blessés innocents et de silence des morts inconnus. Les autorités publiques, débordées ou démunies, pourtant censées, elles, rétablir l’ordre tout court, se sont justement ou injustement consacrées à donner la charge nécessaire pour maintenir le désordre établi. Triste constat pour une république dont toutes les composantes se réclament pourtant d’un État de droit, mais qui ne fait que se rapprocher de jour en jour d’un État de non-droit institutionnalisé. Sur le plan national, le bilan est peu édifiant, donnant l’image d’une nation en proie à ses propres démons, avec déjà le spectre d’une guerre civile, voire fratricide ou même parricide. Au bilan juridique et en sus de la responsabilité pénale incombant à tout auteur de crimes et délits commis durant ce mardi noir – encore faut-il pouvoir les identifier –, c’est la responsabilité de l’État du fait des attroupements et des rassemblements qui se trouve posée dans toute son ampleur. Face aux émeutes d’une violence et d’une ampleur inattendues qui ont marqué cette journée, la responsabilité de la puissance publique se trouve pointée du doigt. Les autorités publiques, et avec elles les forces dites de l’ordre, ont quant à elles manifesté une «impuissance publique» caractérisée. C’est de cette impuissance publique que découle leur responsabilité de n’être pas intervenues à temps ou avant. S’agissait-il d’attroupements spontanés ou innocents qu’il aurait fallu de la part de ces forces de l’ordre prévenir et s’assurer que des émeutes violentes et organisées ne soient pas fomentées dans leurs rangs? L’État est civilement responsable des dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés soit contre les personnes, soit contre les biens. La violence se caractérise essentiellement par l’emploi illégal de la force et suppose qu’une résistance lui soit opposée. La force ouverte renvoyant alors à «la force prête à s’exercer», mais qui ne rencontre pas de résistance (pourquoi?). Dans les deux cas de violence ou de force ouverte, également exercées par les manifestants et contre-manifestants, les forces publiques auraient dû intervenir pour éviter tout dérapage. Leur responsabilité se trouve engagée. S’agissait-il, en revanche, d’actions concertées, préparées à l’avance et préméditées comme tout porte à le croire? Certes. Pouvait-on dire, au bout de plusieurs semaines de manifestations et de tensions politiques et sociales, qu’on était face à une simple dérive violente d’un rassemblement à une échelle nationale? Bien sûr que non. Tout était objectivement déjà en place en cette journée annoncée pour qu’éclate une violence préméditée et programmée. Les forces de l’ordre ainsi que les autorités publiques et le gouvernement, à son corps défendant, n’ont rien fait pour circonscrire ces émeutes programmées et orchestrées sur tout le territoire. La responsabilité politique des autorités publiques est ici encore une fois honteusement engagée. Et le combat cessa faute de combattants. Ce n’est que partie remise? Il reste encore un pan de la responsabilité généralisée non encore abordée dans notre chère république, celui de la responsabilité environnementale. Des milliers de pneus et de carcasses de voiture collectés et acheminés (spontanément!) sur la voie publique ont brûlé des heures durant, rendant ainsi l’atmosphère encore plus lourde et mortellement toxique. Le principe du pollueur-payeur que d’aucuns ont brandi dans leur bréviaire électoral vient d’être brillamment illustre. Quand on réclame de tous bords la paternité du bébé, il faut éviter de le jeter avec l’eau du bain! Face à cette faillite généralisée et programmée de l’État libanais, il ne reste au citoyen semblable, éduqué, administré, contribuable qu’une seule issue, la seule voie non encore inflammable (jusqu’à quand?), celle du large! Au feu, au feu, citoyen! Badih MOUKARZEL Avocat Chargé d’enseignement de droit public à l’USJ Article paru le Mardi 30 Janvier 2007
Au lendemain des événements du mardi noir, l’heure est définitivement au bilan.
Bilan lourd de conséquences tant politiques et nationales que juridiques et économiques. Au plan politique se pose la question de la finalité de ces événements. La grève nationale générale annoncée d’avance à coups de discours musclés et de menaces réciproques à peine voilées, lancées de la part...