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Actualités - CHRONOLOGIE

ANALYSE Un Louvre à Abou Dhabi : pourquoi le malaise ?

La crainte d’un musée «Disneyland», le risque de trop prêter des œuvres fragiles, la tentation d’en faire commerce ajoutés à un malaise diffus des conservateurs sur leur statut expliquent en partie la levée de boucliers contre le projet d’un Louvre à Abou Dhabi, selon des personnalités du monde de l’art interrogées par l’AFP. Les raisons de ce «vrai signal d’alarme» sont multiples et d’autant plus difficiles à cerner par les protestataires eux-mêmes que le contenu précis de l’accord bientôt signé par la France et Abou Dhabi n’est pas divulgué. Les grandes lignes en sont néanmoins connues. Un musée baptisé Louvre, conçu par l’architecte Jean Nouvel, ouvrira en 2012 à Abou Dhabi, à la demande de l’émirat, que les grands musées français alimenteront en œuvres et en expertise sur la base d’un accord de vingt ans. À la clé, 700 millions d’euros, selon Le Monde. Le financement, dont le montant n’est pas précisé officiellement, sera reversé aux musées, assure le ministre français de la Culture et de la Communication Renaud Donnedieu de Vabres. Initié mi-décembre par une tribune libre dans Le Monde, le flot des protestations ne tarit pas depuis. Hier, la pétition «Les musées ne sont pas à vendre» comptait 3800 signataires. Il ne s’agit pas, assurent-ils, d’une querelle des Anciens qui joueraient les «vierges effarouchées», selon l’expression de Jack Lang, face aux Modernes s’adaptant à la mondialisation. «L’idée d’ouverture et de circulation va de soi pour la très grande majorité des conservateurs», affirme Geneviève Gallot, directrice de l’Institut national du patrimoine (INP) qui forme les conservateurs de musée et coopère depuis trois ans avec l’Afrique, la Chine et le Maroc. «Un Louvre à Lens est tout à fait défendable, le projet à Atlanta est intéressant mais c’est le projet Abou Dhabi qui inquiète», ajoutent plusieurs autres personnalités qui s’interrogent: «Un troisième projet pour le Louvre, mais avec quelles œuvres?» Il y a «l’idée fausse que les sous-sols du Louvre regorgent de chefs-d’œuvre que l’on ne montre pas. Ce n’est pas vrai. Cela veut dire qu’on va décrocher des œuvres dans les salles», dit Jean-René Gaborit, ancien patron du département des sculptures du Louvre, pour qui «le Louvre n’est pas un Disneyland indéfiniment reproductible». «Organiser quatre expositions par an, c’est un effort dément. Les rotations des œuvres seront plus grandes, les risques seront plus grands et il y aura un phénomène d’escalade, dit-il, car les gens en voudront pour leur argent, au sens littéral du terme.» Et pas question de refuser. «Quand la Joconde est partie au Japon en 1974, tous les conservateurs étaient contre, dit M. Gaborit, mais quand un ministre exige, il faut se soumettre ou se démettre.» Il «y a un sentiment de commercialisation qui risque de prendre le pas sur le service public», ajoute le directeur d’un grand musée de région qui ne veut pas être cité. Les «collectivités territoriales risquent de prendre modèle sur cette démarche nationale», dit-il. «Si IBM dit un jour à mon maire “j’ai besoin de 50 tableaux du musée pour une réception, je vous fais un chèque de tant”, qu’est-ce qu’on fera? On aura du mal à résister à ces démarches-là. Ce n’est qu’une crainte, mais c’est quelque chose qu’on voit un petit peu venir», dit-il. «Quelles équipes vont y travailler?» ajoute un autre responsable en évoquant le «déficit» actuel de conservateurs surchargés de travail. Sans compter la grogne de ceux, en régions, qui voient grignoter leurs compétences scientifiques et professionnelles au profit de personnes moins qualifiées ou de hauts fonctionnaires. Fabienne FAUR (AFP)
La crainte d’un musée «Disneyland», le risque de trop prêter des œuvres fragiles, la tentation d’en faire commerce ajoutés à un malaise diffus des conservateurs sur leur statut expliquent en partie la levée de boucliers contre le projet d’un Louvre à Abou Dhabi, selon des personnalités du monde de l’art interrogées par l’AFP.
Les raisons de ce «vrai signal d’alarme» sont...