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Le prix à payer pour passer devant ou derrière la caméra est élevé en Afghanistan Ces « femmes de mauvaise vie » qui rêvent de ressusciter le cinéma à Hérat

À Hérat, ville sans cinéma de l’ouest de l’Afghanistan où les femmes continuent d’aller lourdement voilées, Rahima, Rita, Mariam ou Monirah ont toutes « la mauvaise réputation » pour avoir un jour décidé de passer « du côté du rêve » et de devenir comédienne. « Être comédienne en Afghanistan, ça ne rapporte rien d’autre qu’une mauvaise réputation. Mais quelqu’un doit bien le faire. Qu’est-ce qu’un pays sans culture, sans histoire pour rêver, sans cinéma ? » s’exclame Rita Hosseini. Les cheveux teints, des yeux en amande soulignés de khôl, cette veuve qui élève seule ses deux jeunes enfants dit travailler comme plongeuse dans un restaurant pour gagner sa vie. « Le cinéma, c’est pour l’art et le plaisir. » Un plaisir qui coûte parfois cher. Dans le bureau exigu de l’antenne locale de la maison de production publique Afghan Film, Mariam Hachémi affirme avoir déjà tenté de se suicider pour en finir avec un mari « trop pauvre » et une famille qui « fait pression » pour qu’elle abandonne le métier d’actrice. « Des cousins et un frère ont coupé toute relation avec moi », assure cette toute jeune femme. Pour le directeur d’Afghan Film à Hérat, Fridoon Fakhery, « le problème, c’est notre gouvernement qui n’accorde aucune importance à la culture ». « Les films, la culture, sont le meilleur moyen de changer les mentalités et le regard que portent les hommes sur les femmes. Mais nous n’avons pas d’argent et devons composer avec un équipement désuet. » Afghan Film a produit depuis deux ans à Hérat une vingtaine de films pour la télévision, selon M. Fakhery. Assis au milieu d’acteurs et d’actrices sur un sofa défoncé, il déplore que la ville d’Hérat, « ce haut lieu de culture pendant des siècles », « ne dispose pas même d’un cinéma » et encore moins d’un théâtre. L’édifice a été détruit, comme la plupart des cinémas au pays, pendant la guerre civile qui a opposé factions et ethnies de 1992 à 1996. Télévision et cinéma ont ensuite été bannis par les talibans qui ont terrorisé jusqu’en 2001 la majeure partie de l’Afghanistan avec leur régime fondamentaliste. Les Afghans ont depuis renoué avec le cinéma de Bollywood dont les films musicaux, mettant en vedette de jeunes Indiennes aux formes rondelettes, passent en boucle à la télévision ou dans les cinémas de Kaboul. Mais à Hérat, ville de 250 000 habitants sise aux portes de l’Iran, c’est plutôt le cinéma iranien qui faisait rêver enfant Monirah Hachémi, qui a passé de longues années réfugiée dans ce pays avec sa famille. « Je suis rentrée en 2004. Je ne le regrette pas. La condition des femmes est meilleure en Iran, mais seulement pour les Iraniennes », dit en riant cette jeune femme de 21 ans qui préside l’Association cinématographique des femmes d’Hérat, la seule du genre en Afghanistan. Cette association, affiliée à Afghan Film, a été mise sur pied il y a un an et demi pour venir en aide aux comédiennes, qui n’ont souvent aucune formation, et comprend 31 membres, selon elle. « C’est très mal vu d’être comédienne en Afghanistan. On considère que c’est mal pour une femme, mais je crois que ce que je fais est pur. Et j’ai de la chance puisque mes parents me soutiennent », explique-t-elle. Monirah caresse aujourd’hui le rêve de tourner, « en tant que réalisatrice », l’histoire d’une amie qui s’est suicidée à l’âge de 15 ans parce que « ses parents voulaient la marier contre son gré à un homme de 45 ans ».

À Hérat, ville sans cinéma de l’ouest de l’Afghanistan où les femmes continuent d’aller lourdement voilées, Rahima, Rita, Mariam ou Monirah ont toutes « la mauvaise réputation » pour avoir un jour décidé de passer « du côté du rêve » et de devenir comédienne. « Être comédienne en Afghanistan, ça ne rapporte rien d’autre qu’une mauvaise réputation. Mais quelqu’un...