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Actualités - CHRONOLOGIE

VIENT DE PARAîTRE - « La petite trotteuse » de Michèle Lesbre Le pouvoir rédempteur des mots

Un titre qui prête à confusion. De prime abord, si vous croisez un titre dans le genre La petite trotteuse, à quoi penserez-vous? Allons, ne faites pas l’innocent. Déjà un petit sourire coquin se dessine sur vos lèvres… Eh bien, si vous frôlent certaines idées incongrues ou polissonnes, hâtez-vous de les chassez… Car avec La petite trotteuse de Michèle Lesbre (édition Sabine Wespieser – 191 pages), il s’agit d’un excellent roman, éminemment littéraire, un peu grave, qui n’a rien à voir avec Histoire d’O et autres fantasmes érotiques… Neuvième roman d’une femme qui est née avec la Seconde Guerre mondiale et qui a obtenu le prix Printemps du roman 2006, ce livre est une longue et douce méditation sur le temps et la mémoire. Les mots, d’un grand pouvoir rédempteur, sont là pour un parcours initiatique. Un parcours où l’image du père et de la famille jette sa lumière et sa part d’ombre sur le passé, le présent et l’avenir… En exergue, cette délicieuse citation d’Odon von Horvath, une parfaite paraphrase de l’ouvrage: «Comme le temps peut devenir tranquille… Et comme tant de choses peuvent aller et venir en silence. Le souvenir par exemple… même le plus lointain.» En effet, c’est bien des souvenirs qu’il s’agit dans cette fiction. Des souvenirs qui hantent, presque fébrilement et dans un désordre clair (pour reprendre la jolie formule «schéhadienne»!), une mémoire. Michèle Lesbre livre le secret de son ouvrage avec ces quelques phrases, écrites avec finesse et sensibilité: «D’un geste machinal, j’avais mis la montre en marche. Le tic-tac a surgi avec une violence inattendue. J’avais cru ne pas survivre à bruit presque imperceptible, cette course inexorable de la petite trotteuse qui me donnait le vertige. Trente ans après sa mort, mon père me quittait de nouveau. La douleur était entrée en moi d’un seul coup.» Voilà la «petite trotteuse», la clef de cette fiction puisant sa source dans les forces vives de la mémoire. Les souvenirs affluent, les interrogations se multiplient, les réponses se ramifient, les énigmes demeurent parfois opaques, les charades n’ont pas toujours les solutions faciles, les ombres chassent la lumière et tout s’enchaîne, immanquablement, par les mots… Les scènes se reconstituent, les images surgissent, la petite fille a de nouveau droit de cité et les parents sont à nouveau là avec leurs petits bonheurs et surtout leurs grandes querelles… Une quête, minutieuse mais un peu désinvolte, s’établit. De maison en bord de mer à un hôtel aux chambres occupées par des inconnus, des pas d’un voisin à ceux d’un père que la vie vous apprend à mieux connaître, l’auteur cède à la pulsion secrète d’une confession quelque peu difficilement retenue. De rendez-vous manqués aux plus profonds des gestes pourtant anodins, Michèle Lesbre s’autoanalyse méticuleusement à travers ce subtil roman des origines. Roman bruissant de vie, émaillé de longues descriptions narratives, habité par un esprit qui cherche les parfums et les voix d’autrefois. Plaisir d’écrire évidemment, mais aussi plaisir de communiquer avec le lecteur invisible, cet ami des jours de déroute et de désarroi, ce confident muet qui vous libère de tout un poids d’ombre, d’indicible, de non-dit… Pour conclure, rien de mieux que la voix si suave et enchanteresse de Michèle Lesbre qui termine son ouvrage par ces phrases, empreintes d’une certaine poésie, à la fois solennelles et lumineuses: «La Loire m’attendait, tout alanguie dans son beau silence. Je suis restée allongée sur un banc de sable, pendant des heures, à suivre les allées et venues des oiseaux qui parfois me frôlaient en passant. J’avais repris la montre de mon père dans la chambre de Pasquier avant de quitter l’auberge et, dès mon arrivée, je l’ai mise à l’eau et regardée couler jusqu’à sa totale disparition. Elle brillait comme la “dauradecoryphne” avant de mourir, c’était un beau naufrage, très lent, très doux.» Edgar DAVIDIAN Ouvrage en vente à la Librairie al-Bourj.

Un titre qui prête à confusion. De prime abord, si vous croisez un titre dans le genre La petite trotteuse, à quoi penserez-vous? Allons, ne faites pas l’innocent. Déjà un petit sourire coquin se dessine sur vos lèvres… Eh bien, si vous frôlent certaines idées incongrues ou polissonnes, hâtez-vous de les chassez… Car avec La petite trotteuse de Michèle Lesbre (édition Sabine...