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Actualités - REPORTAGE

Des achats massifs pourraient bouleverser la configuration démographique des lieux Les députés de Aley vigilants face aux transactions foncières louches May MAKAREM

Que se passe-t-il dans les cazas de Jezzine et de Aley ? Est-il vrai, comme l’a annoncé la semaine dernière le chef du Parti socialiste progressiste, que des opérations immobilières « secrètes » se font dans ces régions au profit du Hezbollah, dans le but d’assurer une continuité géographique et territoriale à « l’État Hezbollah » ? Dans l’interview accordée à Michel Hajji Georgiou, parue dans « L’Orient-Le Jour » du 10 janvier 2007, Walid Joumblatt avait même accusé le parti chiite de procéder systématiquement à la création d’une nouvelle situation démographique. « Dans la région de Aley, le village de Souk el-Gharb est presque englouti, à moitié acheté. L’objectif est de faire la jonction entre Souk el-Gharb, les villages alentour, Kayfoun et Comatiyé, et la banlieue sud. En d’autres termes, une jonction avec l’État de la banlieue sud, et j’insiste sur l’usage de ces termes, pour couper la région de Aley en deux », avait déclaré Joumblatt. Pourquoi la région de Aley-Souk el-Gharb précisément ? « À cause de sa localisation hautement stratégique », indique une personnalité de la région qui a requis l’anonymat. Cette zone, prisée de la bourgeoise beyrouthine dans les années 60-70, a été durant presque une décennie la scène de combats acharnés, la convoitise des diverses factions militaires qui se disputaient sa conquête. La colline des « Trois huit » (Tlet tmenet) qui la surplombe est restée tristement célèbre dans la mémoire des Libanais qui ont vécu cette période de la guerre. D’une superficie de 50 000 mètres carrés, elle a été vendue l’année dernière à des Arabes du Golfe, pour 16 millions de dollars. Mais il reste le versant destiné à la vente et « Walid Joumblatt a raison de s’en inquiéter parce que ce versant en forte pente, menant de Aïn el-Remmaneh au village de Bmakine en passant par le village de Aïn el-Saydé, présente un point stratégique. Il déploie de vastes superficies où il serait aisé de créer des colonies chiites au sein d’une zone à forte majorité druzo-chrétienne. Son acquisition permettra de relier Comatiyé à Kayfoun (deux localités chiites), de couper, en cas d’intentions belliqueuses, la région en deux et de bouleverser la configuration géographique et démographique des lieux. Joumblatt ne fait que mettre en garde les habitants contre un projet politique qui vise à modifier l’équilibre historique de la région. Les craintes de Joumblatt et de nos députés sont légitimes. Mieux vaut prévenir que guérir », ajoute la source. Celle-ci révèle également que trois autres sites sont convoités : l’hôtel Hajjar, situé à l’entrée des villages de Comatiyé et de Aïtate, le domaine Abdel Rahim Diab niché sur une montagne qui surplombe Beyrouth, et le terrain où s’élevait l’École palestinienne, à Souk el-Gharb. « Des démarches ont été entreprises pour acquérir ces larges parcelles qui permettent de contrôler la route de Ras el-Jabal, relier Comatiyé à Kayfoun et assurer au Hezbollah une continuité géographique allant de la banlieue sud à Kayfoun en passant par Dohat-Aramoun, Aïtate et Souk el-Gharb », explique la source citée. Toutefois, « aucun acte de vente importante n’a été signalé jusqu’à maintenant », déclare M. Samir Salibi, président de la municipalité de Souk el-Gharb, révélant que les présidents des municipalités concernées se sont réunis avec les députés de la région pour discuter des mesures à prendre. Ils se sont promis de rester « vigilants ». Signalons que le versant de la colline des « Trois huit » est divisé en trois lots distincts : le premier, totalisant une superficie de près de 80 000 mètres carrés, fait partie des terrains domaniaux de la municipalité de Aïn el-Remmaneh. Le deuxième appartient à la municipalité de Aïn el-Saydé et le troisième lot, constituant la plus grande parcelle, revient au couvent de Deir el-Chir- Bmakine. Les municipalités de Aley, Souk el-Gharb et Bmakine avaient élaboré une étude, financée par l’Union européenne, pour reboiser la zone et la transformer en réserve naturelle qui serait autant utile à l’homme qu’à son environnement. « Le projet reste en attente, je ne sais pas si nous allons pouvoir le concrétiser », indique par ailleurs M. Wajdi Mrad, membre de la municipalité de la ville de Aley. Il tient aussi à souligner que « la loi autorise tout citoyen libanais à acquérir des terrains là où il le désire, à condition que l’investissement immobilier ne porte pas préjudice à l’équilibre du caza dont la spécificité est fondée sur la coexistence de toutes les communautés ». Mrad précise, en outre, que « la ville proprement dite ne possède que des petites propriétés qui ne peuvent servir qu’à la construction de villas ». Mais en raison de la situation politique qui prévaut dans le pays, « les opérations sont rarissimes, et les superficies des quelques parcelles vendues l’année dernière, dans la région de Aley-Souk el-Gharb, variaient entre 2 000 et 5 000 mètres carrés », dit Maher Hassanieh, un des rares agents immobiliers qui ont accepté de répondre à nos questions. Du côté de Jezzine, « aucun projet suspect n’a été signalé », indique pour sa part M. Saïd Bou Akl, président de la municipalité de Jezzine. Sous le couvert de l’anonymat, un grand propriétaire foncier du caza considère que « dans la région, les terrains qui s’étalent à perte de vue servent non pas à des fins d’implantation, mais à des projets de développement fonciers, destinés aussi bien à l’habitat qu’à la production économique ». « Des centaines de milliers de mètres carrés ont été achetés à Kfar Falous par Rafic Hariri. Depuis des années, Khalil Yassine, un sunnite de Benouati, près de Saïda, achète à Jezzine, Homsieh, Bkassine et ailleurs, des petites parcelles de 20 à 40 000 mètres carrés où il construit des maisons et des usines qui font vivre plus d’une centaine de familles. Les 600 000 mètres carrés acquis par M. Tajeddine, chiite originaire de Tyr, et situés à Saghir et Kotrani, villages druzo-chrétiens limitrophes de la Békaa-Ouest, sont également destinés à des projets de développement fonciers et économiques. Les gens vendent parce qu’ils ont besoin d’argent. Qu’on cesse de nous accuser d’islamiser la terre ou alors que... les autorités des communautés chrétiennes et druzes achètent elles-mêmes les terrains mis en vente. » Voilà une affaire de plus à suivre par ces temps obscurs.
Que se passe-t-il dans les cazas de Jezzine et de Aley ? Est-il vrai, comme l’a annoncé la semaine dernière le chef du Parti socialiste progressiste, que des opérations immobilières « secrètes » se font dans ces régions au profit du Hezbollah, dans le but d’assurer une continuité géographique et territoriale à « l’État Hezbollah » ? Dans l’interview accordée à Michel Hajji...