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Hubert Peres, spécialiste de l’Espagne à l’université de Montpellier I, analyse pour « L’Orient-Le Jour » l’attaque perpétrée le 30 décembre À travers le nouvel attentat, ETA a voulu bénéficier d’un effet d’exposition maximum pendant les fêtes

Propos recueillis par C.M. Pour Hubert Peres, spécialiste de l’Espagne à l’université de Montpellier I, l’organisation séparatiste basque, en commettant l’attentat du 30 décembre dernier contre l’aéroport de Madrid, a voulu bénéficier d’un effet d’exposition maximal pendant les fêtes et faire pression sur le gouvernement espagnol. Même si le processus de paix est de nouveau avorté, M. Peres estime qu’à long terme, les négociations avec ETA seront nécessaires. Reste à définir quand, comment et avec quels incidents de parcours. Après avoir tergiversé pendant plusieurs jours, ETA a finalement revendiqué l’attentat, tout en affirmant maintenir la trêve. Cet attentat pourrait-il être une conséquence de divisions au sein du mouvement ? « Depuis le début d’ETA, à chaque fois qu’il y avait des décisions stratégiques importantes, une partie de l’organisation n’était pas d’accord. On savait depuis quelque temps qu’entre le négociateur qui travaillait avec le gouvernement espagnol, un dirigeant historique d’ETA, et les autres membres au sein du bureau politique de l’organisation, il y avait des divergences d’opinions. Cela a toujours été le cas. Mais comme cet attentat a nécessité une préparation logistique importante, on ne peut pas dire que c’était le fait d’une branche minoritaire, d’une dissidence. Cela peut être le résultat de divisions au sein des membres d’ETA qui veulent faire pression sur le gouvernement en renouant avec les attentats et d’autres qui pensent qu’au contraire, il fallait attendre pour voir comment évoluent les négociations. » Comment expliquez-vous cet attentat et son timing ? « ETA a voulu bénéficier d’une exposition maximale au moment des fêtes de Noël. D’ailleurs, une rumeur circule selon laquelle l’attentat était prévu le 24 décembre, le jour du réveillon de Noël. Mais, le 23 décembre, les autorités ont découvert une importante cache d’armes et d’explosifs appartenant à ETA, ce qui a dû faire dérailler leur plan. D’autre part, l’attentat intervient après la première réunion entre ETA et le gouvernement espagnol. L’attentat peut passer comme une forme de pression après la première réunion dont le résultat n’a pas satisfait la direction de ETA. » 1989 et 1999, deux tentatives avortées de négociation. Sommes-nous à nouveau dans ce schéma-là ? « Je pense que la situation est un peu différente. En 1989 et 1999, ETA avait clairement annoncé une rupture de la trêve. Cette fois elle n’a pas annoncé de rupture. Ce qui a rendu la situation plus dramatique encore, ce sont ces deux Équatoriens qui ont été tués à l’aéroport. Je pense que la stratégie d’ETA était de commettre un attentat sans faire de victimes, pour montrer qu’elle n’était pas satisfaite de l’état d’avancement des négociations et qu’elle avait les capacités de frapper, une manière de montrer ses muscles et son impatience. Ce qui n’était pas prévu, ce sont ces morts qui rendent absolument impossible pour le gouvernement espagnol de maintenir la porte ouverte. Quoique dans un premier temps, le Premier ministre José Luis Zapatero n’a pas parlé de rupture mais de suspension des négociations pendant une période. C’est son ministre de l’Intérieur qui a parlé de rupture. Puis peu à peu, le Premier ministre ainsi que toutes les forces politiques ont considéré qu’il n’était pas possible de continuer les négociations après cet attentat meurtrier. » Quelles sont les conséquences politiques pour le Premier ministre Zapatero, qui avait pourtant fait pression en faveur de négociations avec ETA ? « M. Zapatero joue assez gros dans cette affaire parce qu’il a fait du terrorisme basque le grand objectif de son mandat. À l’exception du Parti populaire (PP), les autres partis politiques ont accepté sa politique. Il a réussi à faire voter par le Congrès, en mai 2005, une résolution qui préconise la fin du terrorisme à travers des négociations. Mais les premières réactions ne sont pas vraiment décourageantes pour lui. Le premier baromètre politique, publié après l’attentat, montre que la cote de confiance en Zapatero diminue un peu, celle du PP augmente un peu, mais le PS (Parti socialiste) resterait devant le PP si des élections avaient lieu aujourd’hui. Les sondés désapprouvent davantage l’attitude du PP que la tentative de conciliation du PS du Premier ministre Zapatero. Donc pour l’instant, les conséquences politiques sont relativement contenues. ETA apparaît comme responsable et on ne met pas cet attentat sur le dos de Zapatero. Aujourd’hui, la question est de savoir comment rebondir après cet attentat. De toute façon, il faudra un jour ou l’autre négocier avec ETA. L’organisation basque va, elle aussi, devoir négocier avec le gouvernement espagnol, parce qu’elle ne pourra jamais gagner à travers la violence. En même temps, il existe une partie de la population basque, suffisamment importante mais minoritaire (entre 10 et 15 %), qui appuie les objectifs d’ETA. Donc, on ne se débarrassera pas du terrorisme uniquement par la répression policière. L’organisation est pratiquement exsangue, mais elle s’est relevée et réarmée. À long terme, les négociations seront de toute façon nécessaires. Le problème c’est quand, comment et avec quels incidents de parcours. »
Propos recueillis par C.M.

Pour Hubert Peres, spécialiste de l’Espagne à l’université de Montpellier I, l’organisation séparatiste basque, en commettant l’attentat du 30 décembre dernier contre l’aéroport de Madrid, a voulu bénéficier d’un effet d’exposition maximal pendant les fêtes et faire pression sur le gouvernement espagnol. Même si le processus de paix est de...