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Actualités - OPINION

Aimons la vie

«J’aime la vie », lit-on partout. Entendons-nous sur ce qu’est la vie. Nous tous aimons la vie, par opposition à la culture de la mort. Mais qu’est-ce que la culture de la vie ? Fantasmer sur un podium ? Partager à la télévision l’intimité d’une danseuse du Crazy Horse ? Ou supporter des grivoiseries sur les « couillographies » auxquelles devraient se soumettre les hommes ? Est-ce bien ça la vie ? C’est pourtant ce qu’on servait l’autre soir à la télévision. Pour changer, il faut aller voir Apocalypto, le dernier film de Mel Gibson, classé « point noir » par L’Orient-Le Jour, passé complètement à côté du sujet. Suivez le décompte des morts en Irak et en Palestine. Regardez la vidéo de la pendaison de Saddam Hussein, celle du GI abattu par un franc tireur, celle de l’otage égorgé, montez les séquences l’une après l’autre, vous avez Apocalypto puissance 10. Superbement réalisé, Apocalypto nous met le nez dans notre violence. C’est une réflexion sur la civilisation maya, qui pratiquait les sacrifices humains. Une réflexion sur les civilisations qui s’effondrent du dedans, sous le poids de leur manque d’humanité. Il faut faire attention. La culture de la vie, comme celle de la mort, n’est pas ce que nous croyons. La mort et la vie ne sont pas d’abord celles du corps, mais celles du cœur. C’est par le cœur que passe la ligne de fracture séparant la vie de la mort. Là ou Abel et Caïn se battent en nous, l’un pour tuer, l’autre pour adorer. Voilà d’où vient la différence. La culture de la vie et celle de la mort, ce ne sont pas des façons d’être extérieures, mais des manières de comprendre et de définir l’humain comme fin ou moyen. Les historiens définissent le XXe siècle comme l’un des plus barbares de l’histoire de l’humanité. Jean-Paul II le définissait comme le siècle de la révélation de la miséricorde de Dieu dans le Christ, seul miroir où l’être humain connaît pleinement ce qu’il est, qui il est. On connaît le Dieu juste. L’idée de la miséricorde de Dieu va au-delà de la justice. Ou plutôt, elle parfait la justice, car la miséricorde accomplit ce suprême acte de justice qui consiste à « restituer l’homme à lui-même ». C’est à cette image que l’être humain doit se conformer pour se découvrir pleinement. Voilà la ligne de fracture humaine et sociale qui départage la culture de la vie de celle de la mort. La civilisation maya a disparu, physiquement, parce qu’elle était déjà morte, humainement, par la disparition de la miséricorde des âmes, des usages, des lois et règles sociales. Là où meurt la miséricorde triomphe la mort. Cette sanction pourra bien être aussi la nôtre, que l’on s’identifie avec l’Occident ou l’Orient, si nous laissons cette catastrophe se produire dans notre Moyen-Orient en feu, si nous laissons notre inhumanité prendre le dessus dans nos conduites personnelles ou sociales, si nous sacrifions les hommes aux idéologies, qu’elles soient ultralibérales ou totalitaires, si les hommes et les femmes ne sont plus pour nous que des moyens, des sacrifices humains offerts aux divinités qui règnent dans nos esprits et nos membres. C’est l’idée que nous avons de l’homme qui fait la différence entre la vie et la mort. Voilà où gît la haine, où gisent aussi les actes de miséricorde. « La chair est triste », c’est un abîme sans fond. En échange, la culture du sacrifice n’est pas toujours celle de la mort. Il y a une forme de vie qui conduit à la mort et une forme de sacrifice qui conduit à la vie. Tout dépend de ce qui se passe non pas à l’extérieur, mais à l’intérieur. Après tout, qu’est-ce que la croix ? En cette fête de l’Épiphanie, ruissellement de la Lumière et de l’Esprit, sachons faire la part des choses et fixer notre regard sur la réconciliation et le pardon, dont l’absence, au Liban, nous rend malades. Usons de la violence véritable, pardonnons, engageons-nous sur la voie de la « justice réparatrice » dont parlait hier, dans nos colonnes, Desmond Tutu. Réparons ces liens sociaux distendus par l’injustice, la violence, la ruse. Et, pourquoi pas, donnons une leçon d’humanité à nos voisins. Fady NOUN
«J’aime la vie », lit-on partout. Entendons-nous sur ce qu’est la vie. Nous tous aimons la vie, par opposition à la culture de la mort. Mais qu’est-ce que la culture de la vie ? Fantasmer sur un podium ? Partager à la télévision l’intimité d’une danseuse du Crazy Horse ? Ou supporter des grivoiseries sur les « couillographies » auxquelles devraient se soumettre les hommes ?...