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Notre responsabilité à tous Fady NOUN

Ce durcissement du clivage entre deux communautés musulmanes déclenché par le sit-in du centre-ville n’est-ce pas, au fond, ce que souhaitent les États-Unis ? Ne sommes-nous pas, inconsciemment, en train de faire le jeu d’Israël, qui cherche désespérément, et opiniâtrement, à provoquer l’effritement du Moyen-Orient en entités ethniques et religieuses ? Nous voyons se produire, sous nos yeux, de nouvelles fissures dans l’édifice libanais, si patiemment composé et défendu des décennies durant ? N’est-ce pas l’anti-Liban message qui se forme, quand nous croyons en fait resserrer la trame du tissu social libanais en rapprochant deux communautés l’une de l’autre ? Car ce rapprochement se fait au prix d’une autre déchirure. Nous n’avons donc rien fait, si un camp l’emporte. Les fervents du sit-in ne cessent de souligner que ce qui est apparu dans le centre-ville n’est rien d’autre que le Liban caché dans les ruelles de la banlieue sud, débarquant soudain sous la lumière des projecteurs. Admettons avec eux que la manifestation a permis à des Libanais de mieux se connaître, de goûter cette façon particulière d’être au monde que nous appelons le Liban. Oui, le Libanais est ce gardien de la révolution tranquille qui fume le narguilé en dissertant du monde, en refaisant la planète, et en embrassant son voisin chrétien et musulman, en lui parlant de sa foi mieux qu’il ne saurait en parler lui-même. Mais cette expérience, somme toute, pourrait aussi bien être faite dans des camps d’été, même si c’est à moins large échelle. Au demeurant, la fraternisation qui se produit au centre-ville est le prolongement de ce qui s’est passé cet été, ce formidable élan de solidarité qui a poussé des milliers de familles chassées de leurs foyers à trouver refuge dans les écoles et couvents du Liban, mais surtout dans les cœurs d’autres Libanais épargnés par la tourmente, par cette guerre injuste dans l’injustice. Mais là s’arrête la comparaison, car la fraternisation de ces quelques semaines a une connotation politique, elle se fait contre un groupe d’hommes symbolisant une politique, une orientation particulière, à laquelle adhèrent des centaines de milliers d’autres Libanais. De ce fait, elle aggrave la cassure politique et sociale, mettant le Liban en danger. Car ce qui se passe au centre-ville a un revers grave : c’est aussi une école de dénigrement de l’autre, de haine, oui, de haine, de mépris de l’adversaire politique, de bassesse. Non, cette expérience ne saurait cristalliser parfaitement la lutte pour le Liban. Ce n’est pas une communauté et une fraction de communauté qui doivent empêcher le Liban de basculer dans le camp américain, mais tous les Libanais, tout comme ce n’est pas le « mur sunnite » qui doit protéger la révolution du Cèdre, mais la foule multiconfessionnelle du 14 Mars. Mais pour revenir à la politique, l’Iran a-t-il intérêt à provoquer le colosse sunnite ? Il y a de la folie, quelque part, à jouer avec ce feu ! Comme il y a quelque chose d’irrationnel qui devrait nous mettre la puce à l’oreille, quand nous entendons un homme affirmer que la disparition d’Israël est « une promesse divine ». Le dire, c’est rejoindre sans s’en douter les chrétiens millénaristes qui encouragent George Bush à poursuivre sa lutte contre ce qu’ils considèrent comme un « axe du mal ». On n’est plus là dans la raison, mais dans l’irrationnel, peut-être même dans le spiritualisme, l’occultisme. Ce ne sont plus deux visions du monde qui s’entrechoquent, mais deux eschatologies, deux théories des fins dernières qui pourraient être de fausses prophéties toutes deux. L’erreur millénariste a été maintes fois dénoncée par l’Église. On n’écrit pas l’histoire à la place de Dieu, sans verser dans les « fables », comme les appelle saint Paul, ces scénarios de la fin des temps aussi dangereux que troublants. « Un des axiomes fondamentaux d’une saine philosophie de l’histoire, écrit Jacques Maritain, c’est que l’histoire du monde progresse en même temps dans la ligne du mal et dans celle du bien. » La perte d’influence du président iranien, celle du président américain, devraient peut-être profiter au Liban de la modération, au Liban cimetière culturel de tous les fondamentalismes, terre de rencontre des cultures et des civilisations. C’est notre responsabilité à tous, à tous, à tous ! Quelles que soient les erreurs passées et la gravité des soupçons nourris de part et d’autre, pour sauver le Liban, aucun sacrifice ne sera trop grand.
Ce durcissement du clivage entre deux communautés musulmanes déclenché par le sit-in du centre-ville n’est-ce pas, au fond, ce que souhaitent les États-Unis ? Ne sommes-nous pas, inconsciemment, en train de faire le jeu d’Israël, qui cherche désespérément, et opiniâtrement, à provoquer l’effritement du Moyen-Orient en entités ethniques et religieuses ?
Nous voyons se produire,...