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Le « business de la mort » en plein essor à Najaf

Réputée pour ses rassemblements de millions de pèlerins, la ville irakienne de Najaf, plus important lieu saint de l’islam chiite, est devenue le paradis des croque-morts, dont le commerce est en pleine expansion depuis le début de la guerre en Irak. Avec la multiplication des violences confessionnelles entre communautés chiite et sunnite, des dizaines de corps sont désormais convoyés quotidiennement à Najaf (160 km au sud de Bagdad) pour y être inhumés, faisant la prospérité des entreprises de pompes funèbres et des commerçants de linceuls. Le « business de la mort » n’a jamais été aussi rentable que depuis l’intervention de l’armée américaine en Irak, il y a trois ans et demi, reconnaissent les hommes d’affaires de Najaf. Par tradition, la plupart des musulmans chiites souhaitent en effet être enterrés dans la ville sainte, où un immense cimetière, l’un des plus vastes du monde, baptisé le « cimetière de la paix » (Wadi es-Salam), s’étend sur six kilomètres carrés et abrite plus de cinq millions de tombes. Les personnes décédées y sont inhumées à même le sol, leur cadavre recouvert d’un linceul, communément appelé « mizara » et fait le plus souvent d’un drap de coton blanc. Lors de leur transport vers Najaf, les corps sont, par commodité, placés dans des cercueils qui restent néanmoins la plupart du temps ouverts. Avec les violences, « entre 150 à 200 cercueils arrivent chaque jour dans la ville », comptabilise Majid al-Jashami, 36 ans, directeur de l’un des cinq centres mortuaires de Najaf, où les corps sont lavés et préparés pour l’inhumation. « En nettoyant la moitié de ces cadavres, nous vendons de 75 à 100 suaires par jour », calcule-t-il. Et ces chiffres doublent facilement au lendemain d’accès de violences confessionnelles, comme après les attentats antichiites qui ont fait plus de 200 morts le 23 novembre à Bagdad. Depuis plusieurs mois, le flot de cadavres est tel que les autorités locales ont dû inaugurer un nouveau cimetière, appelé « la nouvelle vallée », dans la ville voisine de Kerbala. Alors que la toilette mortuaire reste monopolisée par cinq sociétés locales, la vente de linceuls est devenue un juteux commerce dans les échoppes de Najaf ou pour les petits vendeurs de rues de la ville. Les familles en deuil, mais également les pèlerins de passage, en prévision de leur propre décès, s’y approvisionnent et achètent le précieux tissu. « Ces linceuls ont quelque chose d’unique, ils sont bénis par la présence du mausolée de l’imam Ali », assure M. Jashami. « Le business est lucratif, les clients, en particulier ceux venus d’Iran, dépensent beaucoup », se réjouit un autre commerçant, Odai al-Bahash. On compte désormais près de 300 magasins et vendeurs spécialisés, en plus des hôtels, qui vendent leurs propres marchandises. Un linceul de base, en coton et fabriqué à Hilla (à environ 200 km au nord de Najaf), se négocie environ 8 000 dinars irakiens (5,5 dollars). Mais les modèles les plus luxueux, faits de soie, enrichis de dentelle et recouverts de versets du Coran, atteignent jusqu’à 50 000 dinars (plus de 30 dollars). Ceux-ci sont généralement confectionnés à la demande, précise M. Bahash. Les affaires marchent, les hommes d’affaires locaux se frottent les mains : « Plus nous avons de morts, plus nous vendons », dit abruptement le commerçant. Hassan ABDEL ZAHRA/AFP

Réputée pour ses rassemblements de millions de pèlerins, la ville irakienne de Najaf, plus important lieu saint de l’islam chiite, est devenue le paradis des croque-morts, dont le commerce est en pleine expansion depuis le début de la guerre en Irak. Avec la multiplication des violences confessionnelles entre communautés chiite et sunnite, des dizaines de corps sont désormais...