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L’hommage à Salah Stétié au Centre culturel de Serbie à Paris PARIS, de Marie-Jeanne MATAR-EID

Qu’est-ce qui prédestinait les Serbes à s’intéresser à Salah Stétié? Apparemment, rien. Et pourtant! Leur intérêt fut aussi grand, sinon plus encore que ma surprise. Et pour cause. Pas moins de trois traductions en serbe des œuvres de notre poète, autant à venir encore, l’attribution du prestigieux prix littéraire les Clés d’or de Smederevo (ville serbe médiévale au bord du Danube) et, couronnant le tout, une soirée organisée en son honneur au Centre culturel de Serbie, à Paris, le 22 novembre 2006. Mais enfin pourquoi? Comment comprendre cet intérêt qui se révèle soudain et qui, malgré tout, ne va pas de soi? La question me taraudait, m’interpellait sans cesse durant cette sombre soirée, jusqu’au moment où le dernier des intervenants, le traducteur des œuvres, a pris la parole. C’est alors que tout à coup «la lumière fut»! Mais d’une évidence telle, éblouissante, qu’elle me frappait en plein visage. J’étais d’abord comme figée, puis soulagée par un simple «bien sûr! » Voilà sans doute encore une de ces ruses que l’histoire réserve aux amnésiques, pour donner finalement du sens à toute chose. Mais qu’avait-il dit de si évident, ce brave traducteur, pour qu’il mérite qu’on s’y intéresse? Beaucoup de choses. Décidément, beaucoup. Celle notamment d’avoir rappelé aux nombreux Serbes présents, et au trop peu de Libanais, l’appartenance commune de deux contrées du monde, qui allaient devenir la Serbie et le Liban, à un même Empire ottoman: pour l’une dans ses provinces occidentales et pour l’autre dans ses provinces orientales. «Pour les uns, Constantinople était la capitale, pour les autres ce fut Istanbul», disait-il, sous l’œil attendri d’un Salah Stétié, lequel venait d’évoquer, dans un film projeté, le souvenir d’un père qui a étudié à Istanbul pour devenir haut fonctionnaire et dont la carrière fut brisée par l’histoire et l’effondrement de cet empire. Puis d’évoquer les nombreuses ressemblances entre ces deux pays montagnards et ces deux peuples pluriels, confessionnels, chrétiens, musulmans; pour aboutir délicatement à l’essentiel: la quête identitaire de ces peuples tourmentés par le passé. Et c’est là que, sous un faisceau de lumières, l’édifice a pris enfin forme. Un arc-en-ciel? Non! Un pont. Oui, un pont. Un pont qu’avaient jeté le traducteur, Salah Stétié et sa poésie entre nos deux cultures. Car au lieu de choisir le repli sur soi et le questionnement introverti que provoque souvent la quête identitaire, cette prodigieuse rencontre littéraire proposait à l’inverse de rechercher, de trouver les réponses d’ici dans un ailleurs jamais étranger. Dans un dépassement de soi, libre et non religieux, insufflé par les passeurs de frontières. Voilà comment un Serbe européen d’aujourd’hui pouvait vibrer, se reconnaître dans la poésie chargée d’autrefois et d’autre moi du Libanais, mais non moins arabe Salah Stétié. Voilà comment, sans coup férir, un poète de l’autre rive se faisait livrer les Clés d’or d’une forteresse imprenable sur le Danube, Smederevo. Mais avant l’extinction finale des feux sur les deux bords du fleuve, un dernier coup de projecteur sur cette pierre d’angle sans laquelle le pont ne tiendrait pas: la langue française. En effet, c’est à la faveur de cette langue que la rencontre et l’échange avaient été rendus possibles. Pur hasard? Plutôt témoignage d’un héritage culturel en pleine vigueur, laissé pour la postérité.
Qu’est-ce qui prédestinait les Serbes à s’intéresser à Salah Stétié? Apparemment, rien. Et pourtant! Leur intérêt fut aussi grand, sinon plus encore que ma surprise. Et pour cause. Pas moins de trois traductions en serbe des œuvres de notre poète, autant à venir encore, l’attribution du prestigieux prix littéraire les Clés d’or de Smederevo (ville serbe médiévale...