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Actualités - OPINION

Le jour se lève…

Le vent du 14 mars souffle à nouveau et tout Libanais, tout patriote, devrait se sentir concerné par ce qui se passe, plutôt que dégoûté d’une situation apparemment sans issue. Justifiant la réunion du Conseil des ministres, en l’absence des ministres chiites, le ministre de l’Information affirmait l’autre jour, à la télévision, que le Liban n’est pas « une fédération de communautés », que chaque ministre, après son élection, cesse de représenter sa communauté, pour représenter tout le peuple libanais. Exactement comme pour les députés. Redisons-le tout haut, tout fort, tout nettement : le Liban est un seul peuple, une seule nation qui porte un message de pluralisme et de liberté unique au monde ; d’une vocation à l’universel qu’il est libre de mener à bien ou, à Dieu ne plaise, de compromettre. Voilà de quoi il s’agit. Ce n’est pas la communauté chiite qui n’est pas représentée au gouvernement, mais le Hezbollah et Amal, c’est-à-dire des courants politiques. Le président de la Chambre a d’abord conseillé au Premier ministre de nommer des ministres chiites pour remplacer ceux qui avaient démissionné. C’était peut-être une boutade ou de l’ironie. Mais il est certainement des personnalités chiites de premier plan qui assureraient une relève tout à fait honorable des ministres démissionnaires. Ils ne représenteraient pas le courant politique majoritaire au sein de leur communauté, mais ils représenteraient certainement leur communauté. Tout comme, pour prendre un exemple dans l’histoire récente, un Jean Obeid ou un Albert Mansour ont été choisis pour représenter les chrétiens, quand leurs représentants les plus populaires, ou encore leurs représentants « politiques », ceux qui incarnaient leurs aspirations politiques, se trouvaient en prison ou en exil. C’est subtil, certes, mais c’est crucial. C’est faire passer la ligne politique au travers des appartenances communautaires, c’est privilégier les programmes sur les allégeances. C’est rendre possible l’alternance. Pour les ministres en exercice, il est peut-être plus facile ainsi d’aller dans le sens de la déconfessionnalisation politique des esprits, d’intérioriser les aspirations de tous les Libanais, et pas seulement de leurs compatriotes et coreligionnaires. Ce qui compterait alors, pour un ministre, ce ne serait pas son origine communautaire, mais son service à la nation, sa probité, sa conscience d’être au service du Liban. « Liban d’abord », cet admirable slogan, ce serait faire passer les intérêts du Liban avant ceux de tout autre pays, mais ce serait aussi, interprété largement, faire passer l’intérêt du Liban avant celui des communautés. Ce même raisonnement s’applique au Courant patriotique libre. Comment donc les chrétiens ne seraient-ils pas représentés au gouvernement, quand la moitié des ministres sont chrétiens ? L’absence du CPL au gouvernement n’entraîne pas la sous-représentation des chrétiens, mais la non-représentation d’un courant politique. Plongés dans la tourmente, certains regrettent que les chrétiens ne se soudent pas en un seul bloc. Le politologue Joseph Maïla, qui se trouvait au Liban voici peu, ne voyait aucun problème, au contraire, dans l’existence de plusieurs courants au sein de la communauté chrétienne. Il s’agit, pour lui, d’un signe de santé et, justement, de pluralisme. Il est parfaitement sain que les chrétiens ne soient pas « unifiés » par un réflexe de minorité, un réflexe de peur. Progrès ou régression ? L’existence de plusieurs courants politiques au sein de la communauté chiite est également un signe de santé. Hélas, sur ce plan, le mouvement Amal semble s’être renié. Le guide de la révolution iranienne a félicité Nabih Berry de s’être rapproché du Hezbollah. Mais là où Ali Khamenei voit un progrès, il faut voir une régression du pluralisme. Certes, le Hezbollah est, à bien des égards, un modèle pour tous les Libanais, y compris pour le mouvement Amal, en matière de discipline, d’organisation et de rigueur morale. Mais le problème du Hezbollah, c’est cette espèce d’autarcie idéologique et religieuse qui l’emprisonne dans la pensée unique alors même qu’il a la chance de se trouver dans une nation pluraliste où la confrontation des idées est libre et intense. L’Iran est peut-être la nation de référence du Hezbollah, le problème n’est pas là. L’allégeance spirituelle du Hezbollah à Qom, Najaf et autres lieux saints du chiisme est normale, c’est le pluralisme, et ce n’est pas ceux qui regardent en direction de Rome ou d’Antioche qui le lui reprocheront. Le problème se complique quand l’allégeance spirituelle se double d’une allégeance temporelle à dimension religieuse. Voilà qui rend mal à l’aise et incertains les partenaires du Hezbollah. Voilà ce qui inquiète. Dans ses dernières recommandations, l’imam Mohammad Mehdi Chamseddine implorait les membres de sa communauté de faire allégeance aux pays où la Providence les avait placés. Il leur demandait de s’intégrer profondément, non pas politiquement, mais patriotiquement, dans leurs pays. Que la révolution islamique soit le modèle du Hezbollah ne fait pas problème. Mais que le guide de la révolution islamique ait son mot à dire dans des décisions aussi graves que la guerre ou la paix, au Liban, voilà un grave obstacle à leur intégration nationale et l’on peut être certain qu’ils en ont conscience. La féroce bataille engagée sur la constitutionnalité du Conseil des ministres est, à n’en pas douter, aussi bien celle du tribunal à caractère international que celle du pluralisme politique. Il faut faire en sorte qu’elle serve au mûrissement de cette conscience ; un mûrissement qui aille dans le sens de l’indépendance, de la rigueur morale, du service public, du sens de l’État. La bataille sera, certes, féroce, mais aucun patriote ne devrait se laisser décourager. Le jour se lève, n’est-ce pas, quand on commence à distinguer le fil blanc du fil noir. Fady NOUN
Le vent du 14 mars souffle à nouveau et tout Libanais, tout patriote, devrait se sentir concerné par ce qui se passe, plutôt que dégoûté d’une situation apparemment sans issue.
Justifiant la réunion du Conseil des ministres, en l’absence des ministres chiites, le ministre de l’Information affirmait l’autre jour, à la télévision, que le Liban n’est pas « une fédération de...