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Actualités - OPINION

TÉMOIGNAGE Ismaïl, rescapé « chanceux » du Darfour, raconte son calvaire

«J’ai été l’un des plus chanceux », glisse dans un soupir Ismaïl Jarbo, rescapé des atrocités commises au Darfour. Arrivé comme une marchandise de contrebande au Royaume-Uni pour y trouver refuge, il reste, trois ans après, hanté par ses souvenirs. En 2003, son village a été détruit par les milices arabes janjawid, alliées au régime soudanais. « Ça a été une année terrible pour le Darfour », se rappelle le jeune homme de 25 ans. « Mon village a été ciblé par les janjawid », dit-il à l’AFP, ajoutant : « Il a été attaqué plusieurs fois. » « Lors de la dernière attaque, c’était des cavaliers janjawid et des militaires soudanais en jeep, avec du soutien aérien », raconte-t-il. « Ils ont bombardé, massacré les gens, les vieux et les enfants, violé les femmes. Cela m’a forcé à quitter le Darfour. Vous ne pouvez pas vivre là-bas et vous êtes chanceux si vous en réchappez », dit-il encore. Le régime soudanais et les janjawid – qu’il se défend de soutenir – sont accusés par les États-Unis de génocide dans cette région de l’ouest du Soudan, où la guerre civile et la crise humanitaire ont fait 200 000 morts et quelque 2,5 millions de déplacés depuis 2003, selon l’ONU. Dans la confusion de l’agression, Ismaïl a fui son village de Karna, au Darfour occidental, laissant derrière lui son père, éleveur de bétail, et toute sa famille. D’elle, il n’a aucune nouvelle, mais prie pour qu’elle se trouve dans les camps de réfugiés au Tchad. Marchant deux jours seul, il a croisé un camion qui l’a conduit sur la côte soudanaise. Là, il a pris un bateau sans se soucier de savoir où il échouerait. Les réfugiés utilisent les routes des caravanes chamelières passant par la Libye ou gagnent Port Soudan pour ensuite s’embarquer vers des destinations inconnues. Avec sa tradition d’immigration et ses liens historiques avec le Soudan, le Royaume-Uni est souvent parmi celles-ci. La communauté darfourie dans le pays est estimée entre 1 000 et 1 500 personnes. « Je n’ai pas décidé de venir ici, mais seulement de trouver un endroit plus sûr pour moi », explique Ismaïl, qui vit à Londres et dont la demande d’asile politique a été rejetée. « Aucun endroit au Soudan n’est sûr pour moi, dont Khartoum, qui est très dangereux pour les Darfouris », assure-t-il. Membre de l’ethnie zaghawa, liée aux groupes rebelles du Darfour, Ismaïl donne sa vision d’un conflit déclenché en février 2003, où les janjawid sont accusés d’être responsables d’exactions contre les cultivateurs sédentaires d’origine africaine. « Ma tribu a été visée depuis longtemps, une éternité », rappelle-t-il. « C’est continuel depuis mon enfance. C’est difficile de décrire ce que je ressens. C’est très décevant de voir ce qui se passe, surtout quand c’est le gouvernement qui tue son propre peuple », affirme-t-il. Comme Ismaïl, Ynis Hassabullah a échappé aux bombardements de son village en janvier 2004, dans lesquels ont péri son frère et deux de ses cousins, pour gagner Port Soudan, caché au milieu des chèvres à l’arrière d’un camion. De là, il s’est embarqué pour le Royaume-Uni. « Toute la région est dévastée », s’indigne-t-il. « Les trois provinces (Nord-Darfour, Darfour occidental et Sud-Darfour) sont détruites et la plupart des gens ont fui au Tchad. Chaque jour, des enfants, des femmes, des personnes âgées sont tués par le gouvernement », déclare-t-il. Ynis sait simplement que sa femme et ses trois enfants ont pu trouver refuge dans l’un de ces camps au Tchad. « En tant que père, je me sens très triste de voir ce qui arrive », dit-il, s’emportant contre « le monde (qui) regarde juste ce qui se passe », alors que « personne ne bouge pour faire quelque chose ». Cyril BELAUD (AFP)
«J’ai été l’un des plus chanceux », glisse dans un soupir Ismaïl Jarbo, rescapé des atrocités commises au Darfour. Arrivé comme une marchandise de contrebande au Royaume-Uni pour y trouver refuge, il reste, trois ans après, hanté par ses souvenirs.
En 2003, son village a été détruit par les milices arabes janjawid, alliées au régime soudanais. « Ça a été une année...