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Poutine ne peut se passer de Kadyrov à Grozny, estiment les analystes Guerre de Tchétchénie : le cauchemar russe est presque fini, mais qui a gagné ?

Des décombres à hauteur de genou, une forêt défigurée et des vieux qui parlent de paix : le village de Bamout, ancien bastion indépendantiste, semble illustrer la victoire militaire russe en Tchétchénie. Akhiïat Zaïtov, 64 ans, soutient qu’aucun des habitants de Bamout ayant survécu aux douze dernières années de conflit ne croit plus en une Tchétchénie indépendante. « Nous faisons partie de la Russie. Personne ne peut nier cela », dit-il. Une opinion qui fait plus ou moins l’unanimité dans la petite république musulmane où les campagnes militaires russes ont tué des dizaines de milliers de civils et causé des destructions majeures, notamment dans la capitale Grozny. « L’armée russe a gagné, soutient Katia Sokirianskaïa de l’ONG Memorial. Les gens ont compris qu’ils ne pouvaient pas continuer à résister. » L’armée russe est peut-être parvenue à s’imposer sur l’ensemble du territoire, mais au quotidien, l’autorité est assurée de plus en plus par des milices tchétchènes dont la loyauté envers Moscou et les lois russes n’est pas toujours évidente. Avec leurs barbes, leurs semblants d’uniforme et leur réputation de brutalité, les miliciens ressemblent étrangement aux rebelles qu’ils sont censés combattre. Et pour cause : des milliers d’entre eux sont en fait d’anciens combattants indépendantistes. « On dit “ces milices prorusses”, mais tout le monde sait en fait que ce sont des formations militaires tribales qui ne sont loyales qu’à leurs chefs », affirme l’expert militaire russe Pavel Felgenhauer. Cette armée tchétchène légalisée est dirigée officieusement par Ramzan Kadyrov, Premier ministre du gouvernement tchétchène prorusse et fils d’un ex-mufti qui avait rallié Moscou avant d’être assassiné en 2004. Ramzan Kadyrov et son père Akhmad auraient à eux deux fait passer jusqu’à 7 000 rebelles du côté russe, contribuant ainsi largement à mettre fin à la résistance dans la république. Cela expliquerait en grande partie, selon les analystes, pourquoi le président russe Vladimir Poutine a pris Ramzan Kadyrov sous son aile, et ferme les yeux sur sa campagne d’islamisation et les accusations de meurtres et de tortures. « Kadyrov est la seule façon pour la Russie de vaincre la guérilla », estime Ioulia Latynina, une journaliste experte de la Tchétchénie. Mais au bout du compte, « les Russes ne contrôlent pas ce territoire. Le territoire est contrôlé par ceux qui ont combattu » la Russie, assure-t-elle. La loi d’usage non écrite, appelée « adat », a priorité sur la Constitution russe presque partout et la vendetta est institutionnalisée. Ramzan Kadyrov est plus au fait de ces coutumes qu’aucun Russe ne pourrait l’être et est devenu populaire grâce à ses largesses, comme la construction de 11 maisons en brique neuve dans la localité dévastée de Bamout. Akhiïat Zaïtov, l’un de ceux qui ont reçu une maison, affirme que les hommes de Kadyrov lui ont promis une protection contre les soldats russes. « Ils ont dit : “Voici un numéro de téléphone. Si des soldats russes viennent t’embêter, s’ils se saoulent, peu importe, appelle et nous viendrons nous occuper d’eux” », affirme-t-il. Une situation paradoxale qui met en péril l’apparente victoire russe en Tchétchénie, estiment les experts. « Poutine ne peut se passer de Ramzan en Tchétchénie, affirme Alexeï Malachenko, de l’Institut Carnegie à Moscou. Mais Ramzan a de nombreux ennemis en Tchétchénie et aussi à Moscou, où plusieurs voient d’un mauvais œil la présence d’un dirigeant national fort en Tchétchénie. » « À un moment ou l’autre, tout cela va s’effondrer », avertit Charles Blandy, un spécialiste des conflits à l’académie militaire britannique Sandhurst. Dans le village de montagne de Vedeno, Akhmad, un ancien partisan de l’indépendance, maudit la guerre qui a emporté tant de ses amis, mais avertit que celle-ci recommencera tôt ou tard. « Une fois que les gens se seront remis debout, cela recommencera dans 10, 20, 30 ans. Les Tchétchènes n’oublient jamais », dit-il.
Des décombres à hauteur de genou, une forêt défigurée et des vieux qui parlent de paix : le village de Bamout, ancien bastion indépendantiste, semble illustrer la victoire militaire russe en Tchétchénie.
Akhiïat Zaïtov, 64 ans, soutient qu’aucun des habitants de Bamout ayant survécu aux douze dernières années de conflit ne croit plus en une Tchétchénie indépendante. « Nous...