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Actualités

Une campagne sous le signe de l’Irak

Demain, les républicains pourraient bien perdre la majorité au Congrès. Un revers majeur pour le président George W. Bush, lui-même en glissade quasi constante dans les sondages d’opinion. Au nombre des griefs des électeurs américains figurent des considérations locales, allant des lois sur l’immigration jusqu’au prix de l’essence, en proie à une poussée de fièvre cet été, en passant par le système de santé, de moins en moins abordable. C’est toutefois un autre sujet qui taraude désormais les électeurs américains : l’Irak, ou plutôt le bourbier irakien comme il convient désormais de qualifier ce dossier. À la veille des élections de mi-mandat, l’image du président Bush, débarquant d’un jet, en uniforme de l’armée de l’air, sur le ponton du USS Abraham Lincoln et annonçant une première victoire en Irak, n’est plus qu’un vague souvenir passablement décalé et amer. Au chapitre de l’Irak, les bonnes nouvelles sont plutôt rares ces derniers temps pour la politique américaine et de « victoire » il n’est plus question que dans la rhétorique « bushienne ». Le mois d’octobre fut l’un des plus meurtriers pour les soldats américains avec 104 tués. Le mois de novembre ne s’annonce en outre pas vraiment meilleur, puisque 6 soldats ont été tués en quatre jours. La publication d’une série de rapports a par ailleurs écorné un peu plus encore le blason américain. En septembre dernier, le New York Times faisait état d’un rapport compilé par un groupement de seize agences de renseignements américaines, le National Intelligence Estimate, selon lequel l’invasion et l’occupation américaine de l’Irak ont contribué à faire naître une nouvelle génération de radicaux musulmans et à alimenter le terrorisme. Plus récemment, le président de la commission des Services armés du Sénat, le sénateur républicain de Virginie, John Warner, reconnaissait après un voyage en Irak qu’il y avait eu « quelques avancées, mais surtout beaucoup de recul ». « Nous devons revoir toutes nos options, excepté celle qui voudrait un retrait précipité, ce qui laisserait ce pays basculer dans une guerre civile certaine en ce moment et tous les pays voisins seraient déstabilisés », a-t-il plaidé avant de reconnaître que l’Irak est « en train de partir dans le fossé ». Par ailleurs, un rapport élaboré à la demande du sénateur Warner et rendu public par le Congrès fin octobre révélait que des milliers d’armes fournies par les États-Unis aux forces irakiennes manquent à l’inventaire et que les manuels de réparation ou les pièces détachées manquent pour de nombreuses autres. Cerise sur le gâteau, James Baker, ancien secrétaire d’État de Bush père, placé à la tête d’une commission spéciale bipartisane chargée de présenter un rapport sur les options possibles en Irak, a récemment laissé entendre qu’un changement de stratégie était indispensable. Il a aussi reconnu que la situation dans ce pays est un « foutu bordel ». Dans ce contexte, le fait que, selon un sondage publié par le Wall Street Journal, l’Irak soit le principal sujet d’intérêt pour 36 % des électeurs, est de mauvais augure pour les républicains. En seconde position viennent la création d’emploi et la croissance économique (23 %), puis le terrorisme (22 %). 47 % des personnes interrogées estiment en outre que la guerre en Irak n’a pas aidé à lutter contre le terrorisme, contre 32 % qui pensent le contraire. Par ailleurs, un sondage publié par Newsweek montre que 46 % des Américains font plus confiance aux démocrates pour trouver une issue à la guerre, contre 34 % aux républicains. Dans ces conditions, les démocrates ont fait de la guerre en Irak, leur cheval de bataille électoral. Fait symbolique, soixante anciens combattants, dont une demi-douzaine de vétérans de la guerre d’Irak, font partie de la liste des candidats démocrates. Parmi eux, une figure haute en couleur, Tammy Duckworth, copilote d’hélicoptère, amputée des deux jambes après une attaque en Irak. Une candidate quasi intouchable. Républicains, aussi bien que démocrates, sont divisés quant à la stratégie à adopter sur le dossier irakien. Mais, le fait que le président Bush paraisse s’entêter à évoquer une possible victoire et résiste aux appels, au sein de ses propres rangs, à un changement de stratégie, porte assurément préjudice aux républicains. Symbole du décalage de l’Administration Bush : au lieu de proposer une réflexion stratégique sur la guerre en Irak, le chef du Pentagone, Donald Rumsfeld, a avancé, la semaine dernière, une idée « lumineuse » : contre-attaquer au niveau de la « propagande » en créant une unité médiatique chargée de promouvoir sa lecture des événements en Irak. Une sorte d’agence des bonnes nouvelles. De la chirurgie esthétique quand une opération complexe sur un corps malade est indispensable. Certains républicains, parmi les plus virulents pour une offensive contre l’Irak, se rendent d’ailleurs compte du décalage entre les mesures proposées par l’Administration Bush et la réalité du terrain. Le fait ques des personnages comme Richard Perle, incarnation des néoconservateurs, se retournent contre Bush, est à ce titre révélateur des problèmes qui attendent la Maison-Blanche. En 2004, dans le cadre de la campagne pour la présidentielle, les républicains avaient joué leur partition favorite, celle de la peur. La peur qui doit nécessairement inciter les électeurs patriotes à resserrer les rangs derrière un pouvoir fort. Nous ne sommes plus en 2004. À trop montrer ses limites et son inexactitude, l’inscription de la guerre en Irak dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ne fonctionne plus. Trop de chaos, trop de rapports pointant les échecs de la guerre, trop de morts américains. En perdant son argument massue, Bush et les républicains pourraient bien perdre aussi les élections. Émilie SUEUR
Demain, les républicains pourraient bien perdre la majorité au Congrès. Un revers majeur pour le président George W. Bush, lui-même en glissade quasi constante dans les sondages d’opinion.
Au nombre des griefs des électeurs américains figurent des considérations locales, allant des lois sur l’immigration jusqu’au prix de l’essence, en proie à une poussée de fièvre...