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Échecs, politique et histoire

Prisés des grands de ce monde, qui y voient parfois un terrain d’entraînement à la stratégie militaire, les échecs peuvent aussi être détournés à des fins de propagande, comme le montre à Bonn (Ouest) une exposition consacrée aux relations complexes entre échecs et politique. Sous le titre « Coup pour coup. Échecs, société, politique », les auteurs de cette exposition, organisée à la Maison de l’histoire de la République fédérale d’Allemagne, se sont surtout penchés sur l’histoire des échecs au XXe siècle, en passant en revue le communisme, le nazisme et la guerre froide. Parmi les pièces les plus emblématiques, la table où eut lieu le « match du siècle » entre l’Américain Bobby Fischer et le Soviétique Boris Spaski, lors de la finale 1972 du championnat du monde à Reykjavik. Joué dans une tension extrême et sous les projecteurs de la planète entière, ce choc au sommet de la guerre froide s’était soldé par la défaite surprise du Russe, alors tenant du titre, face à l’Américain. « Ce jour-là, Bobby Fischer a porté un coup à l’ensemble de l’école soviétique des échecs », se souvient l’ancien maître Viktor Kortchnoï, venu participer cette semaine à l’inauguration de l’exposition à Bonn. « Les Soviétiques étaient convaincus que les échecs ne pouvaient atteindre leur plus haut niveau que dans un pays communiste », ajoute l’ancien champion, lui-même protagoniste d’un match hautement politique lorsque, après avoir fui à l’Ouest en 1976, il affronta le maître soviétique Anatoli Karpov en 1978. Avec ses figures symbolisant différentes fonctions sociales – pions, cavaliers et autres « fous » (que les Anglo-Saxons appellent des « évêques ») –, l’art échiquéen a souvent été récupéré par la propagande, soit par des mouvements politiques, soit par des États totalitaires. L’exposition de Bonn montre ainsi un échiquier et ses pièces fabriqués à Leningrad aux premiers temps de la révolution bolchévique, avec, d’un côté, les « prolétaires » dont le roi est équipé d’un marteau, et de l’autre, les « capitalistes » dont le cavalier noir porte un masque de mort. En Europe occidentale également, au début du XXe siècle, les échecs étaient particulièrement prisés des mouvements socialiste et communiste. « Travailleurs, apprenez à jouer aux échecs afin de vous préparer intellectuellement pour la lutte des classes », avait plaidé, dès la fin du siècle précédent, le théoricien du Parti social-démocrate allemand (SPD), Wilhelm Liebknecht. Un peu plus tard et à l’autre extrémité de ce que l’on appelle aujourd’hui l’échiquier politique, les nazis s’étaient également emparés d’un jeu qu’ils avaient voulu ériger en « jeu national des Aryens ». « En ces durs temps de guerre, apprenons à utiliser toutes les vertus du plus royal de tous les jeux, (...), pour notre Führer bien-aimé et pour la Grande Allemagne », proclame ainsi en couverture un numéro de 1939 de l’Écho des échecs, exposé à Bonn. Mais après tout, en matière de roque et de mat, il ne s’agit que d’un jeu, ont voulu rappeler les organisateurs. Dans le dossier de presse, ils mettent en exergue une citation du diplomate et théoricien américain de la guerre froide, George F. Kennan (1904-2005), lui-même grand amateur d’échecs : « Beaucoup de ceux qui se prennent pour des joueurs d’échecs de la politique mondiale ne sont en réalité que des pions. »
Prisés des grands de ce monde, qui y voient parfois un terrain d’entraînement à la stratégie militaire, les échecs peuvent aussi être détournés à des fins de propagande, comme le montre à Bonn (Ouest) une exposition consacrée aux relations complexes entre échecs et politique.
Sous le titre « Coup pour coup. Échecs, société, politique », les auteurs de cette exposition,...