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Actualités - CHRONOLOGIE

7e ART - Son film, « Nuovomondo », a été présenté dans le cadre du Festival du film de Beyrouth Le rêve américain d’Emanuele Crialese

« Nuovomondo » (« The Golden Door ») d’Emanuele Crialese, Lion d’argent à Venise 2006, représentera l’Italie dans la course aux nominations pour faire partie des cinq candidats à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Un film émouvant, présenté par son auteur dans le cadre du Festival du film de Beyrouth et qui raconte le voyage d’une famille d’immigrants siciliens du début du siècle vers les États-Unis, en passant par Ellis Island, étape obligée pour y être acceptés. Un périple superbement photographié par Agnès Godard et magnifiquement interprété par Charlotte Gainsbourg et Vincenzo Amato. Invité au Festival du film de Beyrouth, le réalisateur italien décrit sa venue au Liban comme une «étrange coïncidence». «Quand la guerre s’est déclenchée ici, j’étais en France puis je suis parti pour Los Angeles. Je passais par une période où je n’avais rien à faire. C’est alors que je reçois l’invitation au festival de Beyrouth. La directrice du festival m’explique que c’est important d’encourager la culture et la reprise de la vie dans ce pays meurtri.» Le réalisateur saute sur l’occasion pour voir, enfin, ce pays et ce peuple dont il a longtemps entendu parler. «Je m’attendais à voir une ville détruite. Mais je vois des Libanais en pleine forme. Beaucoup de choses affreuses se sont passées ici. Je constate avec plaisir et étonnement que vous êtes très résistants. Et cela me donne du courage à moi aussi.» Cultivé, vivant, fort et dynamique, c’est ainsi qu’il voit le peuple libanais. Qui le lui rend bien, ayant chaleureusement applaudi son deuxième long-métrage Respiro (Grand Prix de la Semaine de la critique à Cannes 2002) et qui accueille aujourd’hui avec autant d’enthousiasme son troisième opus, Nuovomondo. Un film où il s’est aventuré «dans l’univers du rêve, des images oniriques, en gardant à l’esprit l’exemple du maestro, Federico Fellini». Ce voyage d’une famille sicilienne vers l’Amérique au tournant du XXe siècle est né d’une visite au musée d’Ellis Island. «Les regards des immigrants étaient totalement médusés quand ils fixaient l’objectif, comme s’ils venaient d’atterrir sur la lune. Ce film n’est pas né d’un choix politique ou social. Il est juste né de ces regards», tient à préciser Crialese. «Depuis le début de notre civilisation, on bouge, on part, on laisse notre terre pour aller chercher ailleurs. C’est l’instinct d’exploration qui nous y pousse en premier. Mais c’est aussi issu de la volonté de réaliser un rêve, une vision onirique.» Emanuele Crialese voulait faire un film avec des héros très simples, mais qui acceptent de laisser la terre, leur propre terre, pour partir vers l’inconnu. «C’est en quelque sorte accepter de mourir un peu. Pour espérer une nouvelle renaissance.» Le cinéaste insiste: «Je n’ai pas de message, je n’ai que des questions. Ces gens partent, quittent leurs cultures, parce qu’ils espèrent une nouvelle vie, du travail. Les Italiens ont constitué la majeure partie des immigrants dans le monde entier – 20 millions de personnes! Nous nous sommes intégrés, nous avons maintenu notre identité culturelle et nous sommes connus pour être dur à la tâche. Le seul message que j’ai, c’est qu’on ne doit pas oublier que les immigrants ne sont que des gens désespérés qui cherchent du travail.» Le réalisateur a situé l’action du film au début du XXe siècle pour pouvoir souligner la transition entre l’homme agricole et l’homme moderne. «Le personnage principal, Mancuso, quitte sa terre natale, son pays, où il est en contact très fort avec la nature, pour arriver en très peu de temps (le temps du voyage) à devenir un homme moderne. Il est alors dans un univers où l’homme cherche à contrôler la nature et dont l’intelligence est l’instrument le plus fort pour contrôler le monde.» Les personnages poursuivent un rêve de liberté. «Un rêve naïf mais, au final, c’est un peu dans une prison qu’ils se retrouvent», note Crialese, qui affirme aborder les choses avec la fantaisie, la naïveté de l’homme ancien. «Je comprends mal l’homme moderne. C’est pour cela que je fais des films qui ne sont jamais contemporains.» Résolument inspiré par une autre époque, il dit se tourner vers le passé pour mieux comprendre son présent et mieux envisager son avenir. L’Italien aimerait penser qu’il est encore possible de croire au rêve américain. «Mais la réalité aujourd’hui nous dit autre chose. Les dirigeants américains ont manipulé ce rêve à leur escient. Il y a un grand gap entre la bonne foi du peuple américain et la mauvaise foi de l’establishment américain.» Cela dit, le réalisateur reconnaît que les States lui ont offert la possibilité d’entamer sa carrière de cinéaste, chose qu’il n’aurait jamais pu faire en Italie où l’industrie est gérée par des familles. Comment a-t-il imaginé le personnage interprété par Charlotte Gainsbourg ? «Lucy, Signorina Luce pour toujours pour les Italiens, est une femme du Nouveau Monde, une femme moderne qui assume sa solitude, nimbée de mystère. Elle est comme une idée, l’un des songes de Salvatore, le personnage principal. En eux, le Vieux et le Nouveau Monde se confrontent. Je voulais une actrice porteuse d’une autre culture qui me force à trouver un langage plus universel. Charlotte reste un mystère pour moi, elle est si discrète, si réservée.» Maya GHANDOUR HERT
« Nuovomondo » (« The Golden Door ») d’Emanuele Crialese, Lion d’argent à Venise 2006, représentera l’Italie dans la course aux nominations pour faire partie des cinq candidats à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Un film émouvant, présenté par son auteur dans le cadre du Festival du film de Beyrouth et qui raconte le voyage d’une famille d’immigrants...