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Actualités - OPINION

LE POINT L’axe du nucléaire

Difficile de croire à des concertations préalables, et d’ailleurs l’un cache bien mal ses intentions bellicistes quand l’autre se défend de chercher à dominer ses voisins, proches ou lointains. Tout de même, l’essai atomique annoncé hier par Pyongyang aura eu pour effet immédiat de dissiper une fausse quiétude et de raviver des craintes réelles pour l’ensemble de la Péninsule mais aussi pour le continent asiatique tout entier, au moment où Téhéran refuse de renoncer à son programme malgré le glaive des sanctions que la communauté internationale maintient suspendu au-dessus de sa tête. La coïncidence est bien trop troublante pour ne pas donner à réfléchir. Surtout quand on connaît l’importance de l’apport nord-coréen à la technologie balistique iranienne et les liens étroits que les deux pays entretenaient avec Abdul Qadeer Khan, le « père » de la bombe pakistanaise. D’ailleurs, George W. Bush ne les avait-il pas inclus, à l’occasion de son premier message sur l’état de l’Union prononcé un certain 29 janvier 2002, dans son désormais célèbre « axe du mal » – encore que le label bushien est loin de constituer une référence en la matière... L’explosion annoncée lundi a déjà fait une victime : la politique du « rayon de soleil » prévoyant à moyen terme un rapprochement entre les frères ennemis que tout, pour l’heure, sépare. Avec un sens tout asiatique de la litote, le président Roh Moo-hyun a fait savoir que « la situation change, même si nous ne devons pas abandonner le dialogue ». De fait, il paraît loin le temps où son prédécesseur, Kim Dae-jung, signait avec son homologue du Nord, Kim Jong-il, une déclaration conjointe annonciatrice d’une aube glorieuse qui tarde toujours à se lever. Son avant-dernière carte, le dernier régime stalinien encore en place l’avait abattue dans les premiers jours de juillet dernier, quand plusieurs missiles avaient été tirés en direction de la mer du Japon, dont le vecteur de longue portée « Taepodong 2 » capable, affirment les experts militaires, d’atteindre l’Alaska. Auparavant, septembre 2005 avait été marqué par l’échec des pourparlers à six, devant l’insistance du principal intéressé à privilégier plutôt le contact direct avec les États-Unis. Washington, on s’en souvient, s’était contenté alors d’agiter une carotte sous la forme d’une assurance implicite de Condoleezza Rice qu’en tout état de cause il ne saurait y avoir de la part de son pays de frappes militaires. Lancé par un régime aux abois, et dont la main de fer ne cesse de s’appesantir sur une population réduite à quémander son bol de riz chez un voisin affichant une insolente santé économique, le pavé est appelé à soulever des vagues annonciatrices d’un tsunami à l’échelle planétaire. La toute première réaction est venue des Japonais : en visite en Corée du Sud, le nouveau chef de gouvernement, Shinzo Abe, a immédiatement pris la tête d’un mouvement prônant une fermeté appelée dans son esprit à se traduire par de sévères mesures de rétorsion. Dont on voit mal l’aspect qu’elles revêtiraient sur le plan pratique tant vive demeure la rancœur de ses hôtes à l’égard de l’armée impériale nippone, colonisatrice du pays entre 1910 et la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Des sanctions d’ordre économique ne pourront qu’affecter plus lourdement encore le peuple, sans effet réellement significatif sur le régime lui-même. Plus concrètement, l’étroite marge de manœuvre dont disposent aussi bien les USA que les voisins asiatiques de la nouvelle puissance nucléaire régionale fait craindre une course aux armements incluant bientôt Taiwan, l’Inde, le Pakistan et, bien entendu, un Japon soucieux de se défaire d’un complexe de culpabilité qu’il traîne depuis six décennies, malgré Hiroshima, malgré Nagasaki. Sur la ligne de départ, on trouve aussi, à l’autre bout du continent, cet Iran qui cause ces temps-ci bien des insomnies au maître de la Maison-Blanche sans autre résultat que de le voir réclamer « une réponse immédiate » des Nations unies face à ce qu’il s’est dépêché d’appeler « une provocation et une menace pour la paix ». Invitée à user de sa poigne, l’organisation internationale n’hésitera pas longtemps – non sans y mettre les formes – à mettre le trublion au ban de la communauté des États. Après quoi ?... Rien. On peut être assuré que, comme pour la bombe de ce début de semaine, il n’enregistrera aucune radioactivité (diplomatico-politique) anormale. Le monde est trop occupé ailleurs, et par trop de problèmes à la fois. Le mot de la journée revient à la République islamique qui, deux heures à peine après l’événement du jour, faisait sans rire la leçon aux « arrogants » qui, accusait-elle, prétendent la mettre au pas : « Notre position est claire, a dit le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. Nous soutenons un monde sans armes nucléaires. » Chiche ! Christian MERVILLE
Difficile de croire à des concertations préalables, et d’ailleurs l’un cache bien mal ses intentions bellicistes quand l’autre se défend de chercher à dominer ses voisins, proches ou lointains. Tout de même, l’essai atomique annoncé hier par Pyongyang aura eu pour effet immédiat de dissiper une fausse quiétude et de raviver des craintes réelles pour l’ensemble de la Péninsule...