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Une chroniqueuse sans concessions de la Russie de Poutine

Des tortures en Tchétchénie aux sévices subis par les appelés russes, la journaliste Anna Politkovskaïa, assassinée samedi à Moscou, a dressé un portrait sans concession de son pays depuis l’élection du président Vladimir Poutine en 2000. « Nous avons recommencé, en toute simplicité, à remettre en vigueur des notions aussi graves que celles “d’ennemi du peuple” et nous collons cette étiquette sans distinction à tous ceux qui ne pensent pas comme la majorité », écrivait-elle au début de Tchétchénie, le déshonneur russe, le livre qui a assis sa notoriété à l’étranger. « Nous avons reconnu qu’une balle dans la tête est le moyen le plus simple et le plus naturel de résoudre n’importe quel conflit », poursuivait-elle froidement. « Vladimir Poutine, pur produit des services secrets, n’a pas réussi à dépasser ses origines et n’a jamais cessé de se conduire comme un lieutenant-colonel du tristement célèbre KGB », critiquait la journaliste dans son dernier ouvrage, La Russie selon Poutine. Les cheveux gris à 48 ans, de petites lunettes ovales sérieuses, cette fille de l’intelligentsia soviétique était loin de l’image stéréotypée de la « reporter de guerre ». Elle était pourtant de tous les combats pour dénoncer les violations des droits de l’homme en Russie. Presque plus connue à l’étranger que dans son propre pays, où ses livres restent peu publiés, ses apparitions à la télévision, comme celle de toute voix discordante, avaient cessé ces dernières années. Dans sa dernière interview, jeudi, à la radio américaine Radio Svoboda (Radio Liberty), elle assurait être prête à témoigner contre Ramzan Kadyrov, Premier ministre tchétchène, décoré par le président Poutine et accusé par les ONG d’exactions à la tête de ses milices. « Elle était très courageuse et en même temps sans défense », se souvient Lidia Ioussoupova, directrice du bureau de l’ONG Memorial à Grozny. Comme beaucoup à Moscou, Mme Ioussoupova dénonce un meurtre « politique, commandité par le pouvoir afin de faire taire les autres », journalistes et responsables d’ONG s’obstinant à témoigner d’un conflit officiellement clos. Malgré les menaces, Anna Politkovskaïa n’avait jamais plié, jamais tempéré ses accents de passionaria, qui lui valaient d’être taxée de protchétchène. Sur Radio Svoboda, elle disait travailler avec, sur son bureau, les photographies des corps de deux hommes torturés par les milices de Kadyrov et s’apprêter à sortir une nouvelle enquête sur le sujet. « Des témoignages sont extorqués par la violence », ne cessait-elle déjà de répéter dans La Russie selon Poutine. « Tout cela avec la bénédiction du FSB qui coordonne et gère les opérations – le FSB soutenu par Poutine auquel il obéit au doigt et à l’œil », écrivait-elle, s’en prenant frontalement au président, chose devenue rarissime en Russie. Delphine THOUVENOT (AFP)
Des tortures en Tchétchénie aux sévices subis par les appelés russes, la journaliste Anna Politkovskaïa, assassinée samedi à Moscou, a dressé un portrait sans concession de son pays depuis l’élection du président Vladimir Poutine en 2000. « Nous avons recommencé, en toute simplicité, à remettre en vigueur des notions aussi graves que celles “d’ennemi du peuple” et nous...