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Actualités - OPINION

Quelques failles dans le système judiciaire et pénitentiaire La Nuit des Généraux*

Notre système judiciaire et pénitentiaire n’est pas, pas du tout, en adéquation avec le concept moderne, évolué, des droits de l’homme. Le code reste colonial, turco-français. Il date des temps du bagne de Cayenne et du pourrissoir de Diyarbakir. Archaïque, il ouvre la voie à des pratiques humainement abusives. On objectera que ce n’est pas mieux ailleurs. D’ailleurs, chaque fois que l’on dénonce un travers, on vous répond que c’est partout pareil. Ce n’est pas une raison. Chacun doit nettoyer devant sa porte. Sans s’occuper du voisin, qui nous a si longtemps occupés. Mais bon. Ici, pour peu qu’un corbeau qui vous veut du bien, et encore plus à votre moitié, vous dénonce, et pour peu que votre tête ne revienne pas trop au substitut, vous vous retrouvez au dépôt puis carrément en prison. Où vous serez témoin d’un spectacle qui vous marquera à vie : une pièce sans aération, pestilentielle, où s’entassent sur des grabats des dizaines de détenus. Les caïds à lame font la loi et possèdent leur cheptel d’esclaves. Les éphèbes, les ados, mais aussi les violeurs d’enfants (que ces messieurs honnissent et vomissent), passent régulièrement à la casserole. Etc. Du Midnight Express. \ Alors, les quatre généraux, il faudrait les libérer, au nom des droits de l’homme ? À la limite, cela pourrait se discuter. Cependant, le cas reste tout à fait différent des délits et crimes mineurs ordinaires. Cela, sans tout détailler, pour les simples raisons suivantes : – D’abord d’ordre pratique. Comment juger un Milosevic si on ne l’a pas sous la main ? Si on relâchait les généraux et qu’ils s’évanouissaient dans la nature, où leur courir après ? Avec leur pognon à l’abri dans quelque paradis fiscal et le concours des réseaux, des filières que par métier ils connaissent, ils peuvent se planquer n’importe où dans le monde. De préférence, pour plus d’assurance, dans un pays qui n’a pas de convention d’extradition avec le Liban. Comme la Koleilat. Gravité – Ensuite, il y a l’aspect, le dossier, juridique et judiciaire. Pour mal fagoté qu’il soit, le code local distingue entre un simple suspect, un prévenu et un inculpé. Aux niveaux un et deux, on peut sortir sous caution (d’élection de domicile ou de somme d’argent). Le dernier degré, l’inculpation, autorise le parquet à requérir et le juge d’instruction à ordonner l’arrestation. Justifiant la détention, il suppose un flagrant délit. Un homme surpris et maîtrisé juste après avoir égorgé sa femme peut difficilement espérer se retrouver à l’air libre. Ou encore des preuves directes ou indirectes, comme un faisceau de fortes présomptions étayées de témoignages. Ce qui s’applique, croit-on savoir de source officielle comme du fait même du rejet constant des demandes de mise en liberté, aux quatre intéressés. La lutte – Il y a enfin, et peut-être surtout, le volet politique. Là, on peut invoquer la raison d’État, au sens bien compris, non-totalitarisme, de l’expression. Il faudrait plusieurs volumes, en fait, pour expliquer cette notion. Qui peut parfois transcender légitimement les droits ordinaires de l’homme. Ainsi, de Gaulle, qui était loin d’être inhumain (la Sécu en France, c’est lui), a laissé exécuter l’auteur de l’attentat du Petit Clamart. Pour raison d’État. Donc, pour faire exemple. Et Dieu sait si un pays qui recouvre son indépendance, tout en restant attaqué dans ce domaine, a besoin de faire le ménage en même temps qu’exemple. Disons que c’est un moyen de légitime défense. Récemment illustré, d’ailleurs, par une affaire heureusement beaucoup moins grave, le conflit entre le ministre de l’Intérieur et le directeur de la SG. Soulignons, pour terminer sur une note d’humanité, que les quatre généraux sont bien traités. Qu’ils ne souffrent pas d’abus détentionnaire de site ou de règlement comme en a connu Geagea. Qu’ils peuvent espérer une relaxe dans un délai raisonnable. Et qu’en tout cas, ils sont certains, eux, d’avoir un jugement équitable. Jean ISSA * Film d’Anatole Litvak, 1976. Avec Peter O’Toole, Omar Sharif, Tom Courtenay.

Notre système judiciaire et pénitentiaire n’est pas, pas du tout, en adéquation avec le concept moderne, évolué, des droits de l’homme. Le code reste colonial, turco-français. Il date des temps du bagne de Cayenne et du pourrissoir de Diyarbakir. Archaïque, il ouvre la voie à des pratiques humainement abusives.
On objectera que ce n’est pas mieux ailleurs....