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Actualités - CHRONOLOGIE

Le Liban présent ou absent à Bucarest ? Telle ne devrait pas être la question

De notre envoyé spécial à Bucarest, Antoine Ajoury Avant, pendant, après. Le XIe sommet de la francophonie fut pour le Liban une source intarissable de polémiques. Qu’il s’agisse de l’invitation du président de la République ou du Premier ministre, de la venue ou non du ministre de la Culture, ou enfin du résultat escompté de la présence du Liban à Bucarest, tous les prétextes sont bons pour les positions négatives de créer un environnement malsain et saquer les efforts de toutes parts pour redresser la situation au Liban. La longue séance de clôture de la conférence des chefs d’État et de gouvernement des pays francophones était tout juste terminée, que des voix commençaient à s’élever au Liban pour critiquer les résultats obtenus par le ministre de la Culture, Tarek Mitri, et pour s’interroger sur l’opportunité de la présence de la délégation libanaise à Bucarest. Alors que certains dénonçaient une influence israélienne sur les participants, d’autres estimaient que la déclaration obtenue sur le Liban était insuffisante. On est même allé jusqu’à s’interroger sur l’utilité de l’Organisation internationale de la francophonie, ou sur l’existence de vrais amis pour le Liban au sein de l’OIF. Fallait-il se rendre en Roumanie pour obtenir une déclaration qui ne pouvait pas condamner Israël ? Fallait-il faire l’effort d’expliquer aux délégations présentes la situation dramatique au Liban suite à la guerre ? Faillait-il être présent à un sommet où le pays du Cèdre était non seulement à l’ordre du jour des différentes réunions, mais également et surtout dans le cœur d’un grand nombre de dirigeants qui soutiennent le gouvernement à étendre son autorité sur l’ensemble du territoire afin de restaurer la paix et la sécurité ? L’expérience montre d’abord que les absents ont toujours tort. Il est en effet essentiel de faire entendre la voix du Liban dans les instances internationales, à l’instar de l’OIF dont nous sommes un membre fondateur et un modèle pour les autres pays. Il est en outre tout à fait illogique de s’absenter à un sommet qui compte discuter de la situation au Liban, surtout que la majorité des participants ont déjà soutenu Beyrouth pendant la crise. Par ailleurs, les résultats obtenus ne sont pas minces du tout. Une lecture des changements apportés à la déclaration finale le prouve très facilement, puisque le projet initial « se félicitait de la cessation totale des hostilités » – ce qui n’est toujours pas le cas sur le terrain – et ne condamnait pas la guerre qui a eu lieu. La déclaration finale est beaucoup plus « chaleureuse », selon M. Mitri, dont la présence a réussi à modifier ce texte. Ainsi, les participants vont finalement « déplorer la tragédie au Liban », et « appeler à une cessation totale des hostilités ». D’autre part, il est tout à fait erroné d’affirmer que le Liban était isolé, ou bien qu’il n’avait pas d’amis réels au sein de l’OIF. Les déclarations des chefs de délégations durant les deux séances, à huis clos et plénière, prouvent incontestablement le contraire. En effet, inaugurant la première séance, le secrétaire général, Abdou Diouf, consacra le quart de son discours relatif au côté politique, à la situation au Liban, promettant « un soutien spécifique, à travers à la fois une coopération bilatérale et multilatérale de l’OIF », et énumérant les domaines dans lesquels l’organisation francophone va apporter son aide. De son côté, le président français Jacques Chirac a salué « la nation qui existe malgré les difficultés », avant d’ajouter que « c’est là la qualité des Libanais qui impose le respect ». « Le sort qu’a subi le Liban est injustifiable et injustifié », a-t-il également lancé, dans un élan de soutien d’une rare intensité à l’égard du pays du Cèdre. Prenant une position à égale distance de toutes les parties libanaises, le président français a appelé « à être solidaire avec le Liban au niveau politique pour permettre à l’État de reprendre l’autorité sur l’ensemble de son territoire, à la suite d’un accord interne ». C’est par la suite que Tarek Mitri prit la parole pour remercier tous ceux qui ont apporté leur soutien au Liban. N’ayant pas la compétence de présenter lui-même un amendement au projet de déclaration, il ne fit que proposer qu’un changement soit fait, à la lumière de tout cet appui, afin de le concrétiser par une déclaration plus forte. Selon des sources bien informées, le président Chirac a immédiatement appuyé la proposition de M. Mitri avant même qu’elle soit rédigée. Près d’une dizaine de pays ont par la suite apporté leur soutien au Liban et au peuple libanais. Du Sénégal au Vietnam, de la Tunisie à Haïti, en passant par les Comores qui ont dénoncé « l’agression israélienne » contre le Liban. Et c’est la délégation égyptienne qui présenta finalement un amendement, qui fut positivement accueilli par les délégations présentes, et aucune d’entre elles ne contesta son contenu. Seul le Canada désavoua durant la séance de clôture cet amendement, appuyé indirectement par des manœuvres procédurales de la part de la Roumanie qui présidait le sommet. Cette tergiversation n’a fait que rendre la majorité des autres pays encore plus tenaces, montant au créneau à plusieurs reprises, afin de soutenir le Liban. La ministre égyptienne qui présidait la délégation de son pays et le président français ont ainsi joué un rôle exceptionnel, faisant en fin de compte adopter le changement proposé. Le problème n’est donc pas le manque de soutien aux Libanais, mais une absence totale de préparation de leur part. D’un coté, les dirigeants politiques hésitaient à assister au sommet, de l’autre la mission diplomatique sur place n’avait reçu aucune directive pour participer aux débats. Une grave erreur pour le Liban qui cherche à rallier les pays amis à sa cause. Ne dit-on pas que personne n’est plus apte à défendre au mieux ses intérêts que soi-même ?
De notre envoyé spécial à Bucarest, Antoine Ajoury

Avant, pendant, après. Le XIe sommet de la francophonie fut pour le Liban une source intarissable de polémiques. Qu’il s’agisse de l’invitation du président de la République ou du Premier ministre, de la venue ou non du ministre de la Culture, ou enfin du résultat escompté de la présence du Liban à Bucarest, tous...