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Actualités - OPINION

LE POINT Cinq ans après ...

Entêtante, l’image imprègne encore notre rétine. C’est celle d’un quinquagénaire en coupe-vent, juché sur une montagne de gravats, un bras passé autour des épaules d’un capitaine du corps des pompiers de New York, l’autre bras tenant un porte-voix. Dans un instant, cet homme, le président des États-Unis, va s’adresser à la foule pour lui dire : « Je vous entends. Le reste du monde vous entend. Et bientôt, ceux qui ont abattu ces immeubles nous entendront. » C’était hier à New York, en un gris vendredi 14 septembre 2001. Pour longtemps encore, ce sera hier. Et ces minutes terribles marqueront pour longtemps la vie de la nation américaine, du monde. Quatre jours auparavant, à 8h46 heure locale, le vol 11 des American Airlines traversait d’un mur à l’autre la tour nord du World Trade Center, dix-sept minutes avant l’effondrement de la tour sud. Peu après, à Shanksville, en Pennsylvanie, un Boeing des United Airlines s’écrasait au sol, les pirates ayant raté leur opération, pendant qu’un commando s’attaquait à l’inviolable Pentagone. Cinq ans après, que reste-t-il de ces instants où tout a chancelé et menacé de s’effondrer, quand une certitude demeurait, confuse : désormais, plus rien ne sera comme avant ? En ce début de semaine, à la National Cathedral de Washington, le président a rappelé que l’objectif était de « débarrasser le monde de ce mal » (le terrorisme) parce que « même si le recul nous manque encore, notre responsabilité vis-à-vis de l’histoire est évidente ». Le vénérable Time a choisi, lui, de prendre un rendez-vous moins éloigné. Il a demandé à un universitaire, Niall Ferguson, de prévoir quel sera le jugement de la prochaine génération d’Américains. Le verdict est édifiant. Pouvait-il d’ailleurs en être autrement au vu du sombre tableau qui s’offre aux yeux ? Admettons pour commencer qu’il conviendrait charitablement de ne pas s’attarder sur le désastre de l’aventure irakienne. Les membres les plus éminents de l’Administration républicaine, Dick Cheney en tête, constatent depuis des mois que la menace d’une guerre civile dans ce pays est bien réelle, même si, prétendent-ils, on n’y est pas encore. Pourtant, la moyenne des victimes de voitures piégées et autres attentats est d’une centaine par jour. À quoi s’ajoute le fait qu’au sein de l’Alliance, les désaffections se sont multipliées ces dernières semaines ; Donald Rumsfeld éprouve des difficultés grandissantes à enrôler de nouveaux appelés ; enfin, l’appui de l’opinion publique se rapproche dangereusement de la cote jadis atteinte par des présidents aussi impopulaires que Richard Nixon et Jimmy Carter. Inutile de lorgner du côté de l’Afghanistan dans l’espoir d’y trouver quelque signe de réconfort. Les talibans reviennent en force au moment même où les effectifs militaires s’avèrent être nettement insuffisants dans un pays aussi vaste. Le malheureux Hamid Karzaï s’accroche aux chiffres d’une économie qui donne de timides signes de rétablissement grâce à ... la contrebande d’opium. Dans un Proche-Orient de tous les mirages, la révolution démocratique prônée par Condoleezza Rice s’éloigne un peu plus à mesure que l’on insiste sur son inéluctabilité, chacun des régimes concernés refusant d’endosser un habit confectionné aux USA. Enfin, dans la crise née du nucléaire iranien, on voit mal comment Washington pourrait éviter de perdre la face après s’être engagé dans ce qui ressemble fort à une impasse diplomatique. À moins de se lancer inconsidérément dans une guerre, encore une, aux imprévisibles conséquences. Que reste-t-il ? Ah oui, le problème palestinien qu’Israël s’emploie à tenter de régler avec force expéditions « punitives », tout comme il avait entrepris de mettre au pas le Hezbollah, avec le succès que l’on connaît. Il reste aussi le grand thème de la lutte contre ce monstre du Loch Ness qui s’appelle le terrorisme. Lequel, s’il est évoqué parfois – moins souvent que par le passé, tout de même, comme on n’aura pas manqué de l’observer – , c’est uniquement comme en une sorte de rituel qui ne trompe personne. Avec la sérénité du sage qui n’attend plus rien des autres – et certes pas le renouvellement de son mandat en janvier prochain –, Kofi Annan vient d’en faire la constatation : « Le monde n’est plus en sécurité. C’est pire qu’il y a cinq ans. » À cette différence près, Monsieur le Secrétaire général, que l’on a perdu un lustre en des gasconnades dont l’Amérique se serait volontiers passée. Et qui ont achevé de ternir un imperium qui n’a plus rien de romain. Christian MERVILLE
Entêtante, l’image imprègne encore notre rétine. C’est celle d’un quinquagénaire en coupe-vent, juché sur une montagne de gravats, un bras passé autour des épaules d’un capitaine du corps des pompiers de New York, l’autre bras tenant un porte-voix. Dans un instant, cet homme, le président des États-Unis, va s’adresser à la foule pour lui dire : « Je vous entends. Le reste...