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Actualités - OPINION

TRIBUNE Les pertes de la guerre des 34 jours : comment les évaluer ? Comment les réduire ? Par Nohad BAROUDI*

Il y a les pertes immédiates et les pertes futures. Les pertes immédiates sont à évaluer en termes de production et en termes de capital. Les pertes à la production sont le mieux estimées par le manque à gagner en termes de PIB. L’état de l’économie au 14 août comparé au 11 juillet suggère que la croissance initialement prévue pour 2006 (5 %) fera place à une « décroissance » du même ordre, d’où un manque à gagner d’environ 1,8 milliard de dollars (voir plus bas). Quant aux pertes en capital, il s’agit tout autant de capital physique que de capital humain. Les pertes en capital physique proviennent de la destruction d’une partie de l’infrastructure économique et sociale, publique et privée (ponts et chaussées, ports et aéroports, énergie et eau, télécoms, écoles et hôpitaux, agriculture, usines, commerces, bureaux, immeubles résidentiels, environnement, etc.). Sur base des statistiques disponibles (100 ponts, 500 km de chaussées, 5 millions de mètres carrés d’habitations et de bureaux, 9 000 entreprises, pour ne citer que ceux-là), un chiffre de 3 milliards de dollars est avancé. Les pertes en capital humain (chiffres approximatifs : 1 000 morts, 4 000 blessés, 700 000 déplacés à l’intérieur des frontières, un exode de 225 000 personnes vers l’extérieur) ont déjà été prises en compte dans le manque à gagner en termes de PIB, tout comme, par exemple, le manque à gagner en matière de tourisme ou les effets du blocus maritime et aérien imposé par Israël. Donc près de 5 milliards pour les pertes immédiates. Voyons les retombées futures. Les pertes futures peuvent s’avérer importantes. Pour bien saisir la gravité du problème, il faut nous rappeler un concept économique élémentaire : la production est essentiellement fonction du capital physique et de la main-d’œuvre. Plus il y a de capital physique en bon état, plus il y a de main-d’œuvre active, plus il y a de production, donc plus il y a de PIB. En supposant que le financement de la reconstruction ne pose pas problème (les aides déjà octroyées – Arabie saoudite, Koweït, conférence de Stockholm – et les aides promises permettent de l’espérer), c’est de la célérité avec laquelle le capital physique sera réhabilité, c’est de la rapidité avec laquelle le capital humain sera restauré (retour des personnes parties pour l’étranger, retour des déplacés intérieurs, en somme retour de la main-d’œuvre dans les lieux de travail) que dépendra la date du rétablissement du PIB au niveau initialement prévu pour 2006 (PIB de 2005 plus 5 %). Et tout retard se répercutera inévitablement sur le PIB de 2007 et au-delà. Un exemple simple pour illustrer ce dernier point : Admettons que le PIB de 2005 ait été de 18,2 milliards de dollars. Celui attendu pour 2006 (sans guerre) aurait été de 19,1 milliards (5 % de croissance) et celui de 2007 de 20,1 milliards (5 % de croissance aussi). Mais le PIB attendu aujourd’hui pour 2006 (avec guerre) est tronqué de 5 % par rapport à 2005, soit 17,3 milliards, d’où le manque à gagner de 1,8 milliard mentionné plus haut. Si nous n’arrivons pas, durant les 4 mois restants de 2006, à rattraper une partie de la croissance perdue et que le PIB se maintienne en fait à 17,3 milliards fin 2006 (scénario pessimiste), alors le PIB de 2007 (en admettant le même taux de croissance de 5 %) ne serait plus que de 18,2 milliards, alors qu’il aurait dû atteindre (sans guerre) 20,1 milliards, soit un manque à gagner de... 1,9 milliard (et non plus 1,8 milliard comme en 2006, donc en augmentation de 5 % lui aussi). Et ce manque à gagner continuera de croître de façon exponentielle pour 2008 et au-delà. Scénario pessimiste ? Oui, mais pas très improbable. Donc, le plus vite on remettra en état notre capital physique et notre capital humain, le moins de pertes futures on encourra. Ainsi, par exemple (scénario optimiste), si nous arrivons, pas plus tard que la mi-2007, à récupérer toute la croissance perdue (donc un retard de six mois) et que durant la deuxième moitié de 2007 nous assistions à une accélération de la croissance (disons 4 % en rythme annuel au lieu de 5 %) due, entre autres, à des effets induits sur le PIB suite à l’injection d’argent frais allant directement à la consommation de produits locaux ou importés, deux composantes essentielles du PIB (dépenses de la Finul Plus qui aura passé de 2 000 à 15 000 éléments, justifiant à elles seules ce supplément de croissance de 2 %), alors le manque à gagner du PIB pour 2007 serait de 0,3 milliard au lieu de 1,9 milliard pour le scénario pessimiste. Scénario optimiste ? Pas vraiment, à condition, côté capital physique, de mettre en place une bonne structure de planification, d’exécution et de contrôle (un super-CDR superassisté par les principales sources de financement extérieur ?) afin d’augmenter autant que possible la capacité d’absorption de l’État, loin des procédures sclérosées de l’Administration publique, et, côté capital humain, d’accélérer le retour et la réintégration de la main-d’œuvre active, publique, et surtout privée. Mais cette dernière condition requiert une condition préalable : la confiance dans l’avenir du Liban. *Ancien secrétaire général du CDR
Il y a les pertes immédiates et les pertes futures. Les pertes immédiates sont à évaluer en termes de production et en termes de capital.
Les pertes à la production sont le mieux estimées par le manque à gagner en termes de PIB. L’état de l’économie au 14 août comparé au 11 juillet suggère que la croissance initialement prévue pour 2006 (5 %) fera place à une « décroissance...