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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - Lauréate du prestigieux prix prince Claus en Hollande Christine Tohmé, catalyseur de talents artistiques

Dénicheuse de jeunes talents artistiques, curatrice d’évènements culturels, la Libanaise Christine Tohmé est l’une des onze lauréats du prestigieux prix prince Claus en Hollande. Ce prix, d’une valeur de 25000 euros, rend hommage à son «combat et à ses actions en faveur d’une production artistique multidisciplinaire et du développement d’une critique artistique», selon un communiqué de la fondation. Le prix récompense aussi son travail, «où elle pose les bases d’une pensée libre et d’un discours critique au Liban, encourage et développe la réflexion et la théorie en matière de culture, et stimule les échanges culturels au niveau régional et international». Organisatrice d’activités et militante dans le domaine culturel et artistique, Christine Tohmé est également commissaire d’exposition. En 1994, elle a fondé Ashkal Alwan, une association libanaise pour les arts plastiques. Cette organisation, à but non lucratif, soutient la production d’œuvres d’art contemporain. «Ashkal Alwane est née d’un besoin, affirme la jeune femme. Le besoin de trouver une plate-forme à ces nouveaux genres artistiques qui venaient d’éclore sur la scène culturelle libanaise, comme le vidéo art, l’installation, ou encore les performances de rue.» Il y avait aussi le besoin de trouver un financement à ces projets, chose que Tohmé assure grâce à ses nombreux contacts avec des mécènes locaux, mais surtout internationaux. C’est ainsi que Ashkal Alwane a pu lancer sa première activité en 1994, avec l’exposition dans le jardin de Sanayeh qui regroupait les travaux d’une vingtaine d’artistes. Ont suivi: le projet du jardin de Sioufi (où les œuvres de dix artistes sont exposées en permanence), celui de la corniche de Raouché et, enfin, celui de la rue Hamra. Outre les expositions dans les lieux publics, l’association organise des conférences et des performances. Elle a édité de nombreuses publications et a tissé un solide réseau de partenariat pour la réflexion, le dialogue et l’échange. Après des années de travail acharné et d’un combat en faveur d’une création artistique multidisciplinaire, Christine Tohmé est aujourd’hui une jeune femme heureuse. «Lorsque j’ai reçu la nouvelle du prix Claus, je n’en croyais pas mes oreilles, se souvient la jeune femme. Après le choc est venue l’appréhension. Il faut savoir que, quelques semaines auparavant, on m’avait également annoncé une autre bonne nouvelle, celle de mon acceptation à un mastère en art contemporain grâce à une bourse octroyée par le British Council. J’ai donc été prise de peur qu’un malheur n’arrive et efface ce bonheur.» Tohmé n’avait pas tellement tort. Un ou deux jours plus tard, le 12 juillet 2006, la guerre éclate avec son lot de massacres, de destructions et de désolations. Christine Tohmé, comme nous tous, en est toute bouleversée. Passé un premier temps où elle était «complètement déboussolée, à deux doigts de perdre mon identité, de ne plus savoir qui j’étais», elle se lance dans le travail humanitaire. Aider les autres, panser leurs blessures morales, rendre leur quotidien de déplacés moins pénible, cela lui a permis, dit-elle, de ne pas perdre la raison. Mais Tohmé n’oublie pas pour autant sa mission «culturelle». Et, au milieu des événements, il lui vient à l’esprit qu’il faudrait «archiver toute cette guerre, d’en garder, pour la postérité, une vision offerte par les artistes et non pas par les médias». Et Christine Tohmé de fournir des explications: «Je ne pouvais plus voir cette propagande véhiculée par les médias, cette pornographie de corps déchiquetés que l’on nous montrait à longueur de journée. J’ai alors lancé un appel aux artistes, pour qu’ils nous montrent leur guerre à eux, avec les nuances et la sensibilité propres à chacun.» Ce projet, qui s’intitule, pour le moment, July Crisis 2006, s’étale sur deux ans. Jusqu’à présent, il y a quatre faiseurs d’images qui ont répondu à l’appel: Ghassan Salhab, Mohammad Soueid, Ziad Antar et Waël Noureddine. Mais Tohmé espère recevoir aussi des propositions pour des livres, des installations, des photos et, pourquoi pas, des pièces de théâtre. La curatrice a également déniché un fonds pour aider onze jeunes réalisateurs à concrétiser leur projet de moyen-métrage, où chacun propose une réflexion de neuf minutes sur la guerre. Christine Tohmé, comme beaucoup d’artistes, n’a pas chômé durant la guerre. Et à ceux qui la dévisageaient, les yeux tous ronds de surprise, ou en secouant la tête d’un air dégoûté, lorsqu’elle parlait de culturel en pleine crise, elle rétorquait imperturbable: «La culture est indissociable de la politique. L’art n’est pas un luxe. Il n’a jamais été pour les moments de joie uniquement. Il est le reflet d’un certain état d’esprit. Quel qu’il soit.» Amen. Maya GHANDOUR HERT
Dénicheuse de jeunes talents artistiques, curatrice d’évènements culturels, la Libanaise Christine Tohmé est l’une des onze lauréats du prestigieux prix prince Claus en Hollande. Ce prix, d’une valeur de 25000 euros, rend hommage à son «combat et à ses actions en faveur d’une production artistique multidisciplinaire et du développement d’une critique artistique», selon un...