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Actualités - CHRONOLOGIE

Les volontaires du SDC défient la guerre par des messages de paix De la résistance pacifique à l’éducation démocratique

Alors que les bombes pleuvaient sur la banlieue de Beyrouth, à quelques mètres de là, une centaine d’enfants déplacés entonnaient les refrains de chansons qui avaient longtemps bercé notre enfance. Mi-figue, mi-raisin, les expressions sur les visages hésitaient entre l’amusement et la frayeur, exacerbée par le bruit de la mort qui frappait une fois de plus à côté. Pour les animateurs du SDC (Sustainable Democracy Center), le défi était grand ce jour-là : arracher un sourire aux gamins et calmer leur angoisse, le temps de poursuivre la mission qui les avait amenés auprès des populations réfugiées. Née il y a quelques années sous le label de la promotion du dialogue, du pluralisme et de la tolérance au sein de la jeunesse libanaise, la SDC œuvre en même temps à susciter parmi la jeune génération une culture citoyenne fondée sur une meilleure compréhension de la politique et de la chose commune, perçue sous l’angle de la démocratie et de la culture de réforme. Dès le début de l’agression israélienne contre le Liban, les membres de la SDC – de jeunes bénévoles de 25 à 35 ans – ont immédiatement investi le terrain pour venir en aide aux enfants traumatisés par la violence. Le projet consistait également à les préparer déjà à la phase de l’après-guerre en leur donnant les outils nécessaires . Venus de différents horizons communautaires et géographiques – certains on même tourné le dos à une carrière prometteuse à l’étranger – les membres de la SDC ont envahi dans un premier temps les écoles où s’étaient momentanément réfugiés les habitants du Liban-Sud, pour les aider – les enfants surtout – à dépasser cette phase éprouvante de leur vie. Multipliant les activités auprès de 1 900 enfants, l’association a voulu transmettre un message primordial face au déchaînement de violence : comment résister avec les outils de la paix et les concepts de démocratie et de tolérance, quand bien même le pays était mis à feu et à sang. Pour les animateurs de l’association, les enfants devaient absolument être détournés de la culture de la guerre, en leur apprenant à combattre avec d’autres moyens. « Nous essayons d’apprendre à nos enfants comment ils peuvent devenir de véritables résistants sans nécessairement recourir à la culture de la belligérance ou de la vengeance, surtout après cet épisode effroyable qu’ils ont vécu », explique le responsable de l’association, Sélim Mawad. Pour ce jeune architecte qui a décidé un jour de dédier son talent et son énergie à l’éducation des nouvelles générations dans un esprit qui va à contre-courant de la pédagogie traditionnelle du clanisme communautaire et féodal, « il est grand temps de soustraire les enfants et les adolescents à la propagande politique ». « Le problème de notre jeunesse est qu’elle est complètement ignorante en matière politique. Les citoyens sont, dans leur majorité, de véritables perroquets qui pratiquent un mimétisme absolu en calquant ou en intériorisant les discours de nos politiques sans aucun esprit critique », dit-il. D’où l’importance de commencer « à partir de la base », en leur donnant les outils leur permettant de réfléchir par eux-mêmes. À travers des activités ludiques et divertissantes, les volontaires essayent de faire passer aux enfants des messages citoyens inspirés de la culture des droits de l’homme, de la démocratie et du pluralisme communautaire et religieux. « Qui peut me dire comment vos droits d’enfants ont été violés durant la guerre ? » lance l’un des animateurs à l’adresse d’une vingtaine de gamins accroupis dans la cour de l’école. De réponse en réponse, les enfants en viennent à citer un par un le chapelet des droits qui leur sont dédiés, aidés en cela par les membres de la SCD. « Le but de l’exercice est en outre de les entraîner à prendre la parole, à s’écouter et à échanger à la lumière d’une nouvelle culture démocratique », explique M. Mawad. Le respect de l’environnement Mais le jeu ne s’arrête pas là. Mettant à l’œuvre ses dons de dessinateur, le responsable a mis en place une activité écologique qui vise à développer chez les enfants, et les plus grands, le sens du respect de l’environnement et de la responsabilité. Conçues aux moyens d’un travail hautement artistique, d’immenses pancartes dessinées par les membres du SDC et coloriées par les enfants deviendront quelques minutes plus tard des poubelles qui recueilleront les déchets de la journée. Un hommage à la nature qu’ils devront intérioriser une fois de retour chez eux. Entendue dans sa portée « durable », la formation a poussé les jeunes animateurs du SDC à suivre, au lendemain du cessez-le-feu, les enfants des déplacés dans leurs villages respectifs, seconde phase cruciale du projet. Afin de conférer à leur action une continuité certaine tout en communiquant le virus de l’investissement social aux plus grands, la SDC a prévu des sessions de « formation des futurs formateurs », préalablement choisis parmi les jeunes déplacés âgés entre 17 et 25 ans. Ce sont eux, d’ailleurs, qui prendront la relève dans leurs villages respectifs, en rassemblant deux week-end durant 400 enfants dans le cadre d’un camp collectif. « Dans un premier temps, la priorité a été donnée aux villages mixtes, pour susciter une certaine interaction dans l’échange », précise le responsable du SDC. Dans un second temps, l’association prévoit de mettre ensemble les enfants d’autres communautés, en l’occurrence non chiites, qui ont été épargnés par les hostilités et ceux des régions sinistrées. « L’idée est de sensibiliser les uns aux malheurs des autres, et leur faire prendre conscience qu’ils appartiennent tous à la même nation, et qu’un devoir de solidarité s’impose si l’on veut véritablement briser le mur communautaire et le repli sur soi », souligne M. Mawad. Éprouvées par le lot de haine qui s’est abattu sur leur maisons et foyers, les familles des déplacés ne peuvent que se réjouir de l’avènement de ces militants de la démocratie, venus arracher leurs progéniture aux affres d’une guerre qui risque de mutiler les esprits autant que les corps. Le témoignage d’un père de famille qui a été déplacé du village de Blida exprime clairement cette conviction : « Lorsque je vois ces jeunes animateurs à l’œuvre, je me dis qu’il y a enfin quelqu’un qui est en train de réaliser mon rêve : celui d’éduquer nos enfants au concept de la solidarité et de l’acceptation de l’autre. » « Nous sommes fatigués du langage de la violence. Et puis, nous en avons assez d’abandonner à chaque fois nos foyers sous les bombes. Cela dure depuis 1978. Il est temps que la souffrance des populations du Liban-Sud cesse », dit-il, espérant que son message sera entendu par celui qu’il a longtemps considéré comme son ennemi. Sans le savoir, Ali venait de répondre indirectement à un diplomate qui, quelques jours plus tôt, avait qualifié les volontaires de la SDC « d’artistes rêveurs ». Des artistes, certes, mais dont le rêve est autrement plus pragmatique que la plupart des politiques de ce monde, à savoir que le changement réel commence par l’éducation. Jeanine JALKH
Alors que les bombes pleuvaient sur la banlieue de Beyrouth, à quelques mètres de là, une centaine d’enfants déplacés entonnaient les refrains de chansons qui avaient longtemps bercé notre enfance. Mi-figue, mi-raisin, les expressions sur les visages hésitaient entre l’amusement et la frayeur, exacerbée par le bruit de la mort qui frappait une fois de plus à côté. Pour les...