Aphorismes La poutre et la paille

Alors qu’on commémore le triste anniversaire du passage de l’ouragan Katrina sur la Louisiane, pausons un peu pour nous interroger sur l’éthique somme toute assez particulière de cette Administration américaine donneuse de leçons, qui prône la démocratie à l’étranger, mais la pratique si mal chez elle. Un an après le passage dévastateur de Katrina, La Nouvelle-Orléans demeure en effet une ville fantôme, des morts sont encore ensevelis sous les décombres, la moitié de la population (pour l’essentiel des pauvres et des Noirs) n’a toujours pas réintégré son foyer, et le président Bush continue de refuser d’en assumer la responsabilité. La situation est telle, qu’un journaliste et écrivain américain, Ted Rall, frappé par la solidarité des Libanais à l’égard de leurs concitoyens touchés par l’ouragan Olmert de cet été, et impressionné par la rapidité avec laquelle le Hezbollah a lancé les opérations de déblaiement et de reconstruction aussitôt le cataclysme passé, suggère, ironique, que l’Administration Bush charge son ennemi mortel libanais de remettre La Nouvelle-Orléans sur pied. Voyant l’état calamiteux dans lequel se trouvent aujourd’hui les plus démunis parmi les habitants de la Louisiane, on ne peut en effet que s’interroger sur ce qu’il peut subsister comme valeurs démocratiques dans une société qui ne se reconnaît pas dans ses pauvres, et qui refuse de les considérer comme des citoyens à part entière. Et l’on est en droit de s’inquiéter qu’elle cherche à imposer son modèle au monde entier. Alors, la prochaine fois que le président Bush nous vantera les mérites de la démocratie, ceux parmi nous qui se rappelleraient leurs classiques lui répondront, comme jadis Lycurgue à cet homme qui lui conseillait d’instaurer la démocratie dans sa cité de Sparte : « Instaure d’abord, toi, la démocratie dans ta maison. » Quant à ceux qui auraient fait du catéchisme, ils lui diront, après Jésus : « Hypocrite ! Ôte d’abord la poutre de ton œil. Alors tu verras clair pour ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère. » Percy KEMP