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Actualités - OPINION

BON SENS ET TOLÉRANCE Talon d’Achille et chevilles enflées

Écoutant récemment à la Knesset son Premier ministre parler de la guerre au Liban, un député israélien a eu ce mot truculent: «Si je comprends bien, les Arabes auront appris de nous à combattre, et nous aurons appris d’eux à reculer!» Voilà un homme sage. Un homme qui connaît sans doute ses classiques, et qui se rappelle donc que Lycurgue (le grand législateur lacédémonien, qui fut pour Sparte ce que Solon fut aux Athéniens) avait édicté une loi interdisant formellement aux Spartiates de faire à plusieurs reprises campagne contre les mêmes ennemis afin de ne pas les aguerrir et leur apprendre à se battre. Rappelons qu’à l’époque, les Spartiates étaient réputés aussi invincibles sur terre, que les Athéniens sur mer. Pourtant, au quatrième siècle avant notre ère, le roi Agésilas, mû par sa haine pour Thèbes qui l’avait personnellement offensé, passa outre cette règle d’or et s’attaqua aux Thébains si systématiquement et si farouchement qu’il finit un jour par essuyer face à eux de lourdes pertes. Le voyant blessé, son ami Antalcidas s’écria alors: «Le beau salaire, vraiment, que tu touches là des Thébains, pour les leçons que tu leur a données: ils ne voulaient ni ne savaient combattre, et tu le leur as appris!» Et ne voilà-t-il pas qu’Ehud Olmert et ses nouveaux Spartiates font aujourd’hui la même erreur en s’attaquant au Liban pour la cinquième fois d’affilée. Comment s’étonner, après cela, qu’en lieu et place de la promenade de santé à laquelle ils s’attendaient, Olmert et les siens aient trouvé en face d’eux des hommes aguerris qui les attendaient de pied ferme. Voilà bien le talon d’Achille des Israéliens: l’arrogance. Par une étrange coïncidence, d’ailleurs, Thèbes, cette ville de Béotie qui, la première en Grèce, brisa le mythe de l’invincibilité spartiate, avait été fondée par Cadmos, fils du roi de Phénicie. À croire que l’histoire, que nous choisissons sciemment d’ignorer, prend un malin plaisir à se répéter. Mais avant que les Libanais, descendants (comme les Thébains) des Phéniciens, ne commencent à se prendre au sérieux, avant que leurs chevilles n’enflent trop, peut-être est-il bon de leur rappeler ce que le philosophe avait dit lorsque les Thébains avaient remporté sur Sparte la bataille de Leuctres en 371 avant notre ère. Les voyant emplis d’orgueil d’avoir écrasé l’armée la plus puissante de Grèce, Antisthène, disciple de Socrate, avait en effet dit des Thébains qu’ils ressemblaient à des marmots tout fiers d’avoir battu leur maître. Peut-être faudrait-il aussi rappeler que trente-six ans à peine après cette grande victoire, les Thébains, s’étant révoltés contre la domination macédonienne et ayant présumé de leur force et surestimé la détermination de leurs alliés, furent à leur tour écrasés par Alexandre qui rasa leur ville et réduisit tous ses habitants en esclavage. Cela pour dire que si sous-estimer son ennemi, comme le font d’ordinaire les Israéliens, est une erreur grave, se surestimer, comme tendent aujourd’hui à le faire certains Libanais, est une erreur tout aussi grave. Pas plus que le talon d’Achille les chevilles enflées ne siéent en effet au guerrier, qui se doit d’avoir toujours les pieds sur terre. À l’arrogance des uns ne devrait jamais répondre le triomphalisme des autres, la tempérance étant, en toute circonstance, la meilleure attitude à adopter. Percy KEMP
Écoutant récemment à la Knesset son Premier ministre parler de la guerre au Liban, un député israélien a eu ce mot truculent: «Si je comprends bien, les Arabes auront appris de nous à combattre, et nous aurons appris d’eux à reculer!»
Voilà un homme sage. Un homme qui connaît sans doute ses classiques, et qui se rappelle donc que Lycurgue (le grand législateur...