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Raids aériens en début de matinée contre le littoral du Kesrouan, de Jbeil et de Batroun Quatre ponts détruits, le Nord quasiment isolé

Il était environ 7 heures quand, dans les régions du Kesrouan, de Jbeil et de Batroun, relativement épargnées jusque-là par les opérations militaires (malgré des frappes ciblées), l’aviation israélienne a détruit quatre ponts majeurs sur l’autoroute menant à Tripoli, semant sur son passage la désolation, la destruction et la mort. Ainsi, après le Sud, le Nord s’est trouvé à son tour quasiment isolé, à l’exception de l’étroite route côtière. Cette nouvelle attaque s’est soldée par cinq morts et quelque 18 blessés, tous atteints dans des véhicules civils à l’exception d’un piéton et d’un ouvrier qui dormait sous l’un des ponts à Ghazir. Quatre ponts majeurs et essentiels du pays s’ajoutent donc à la longue liste des destructions commises par Israël depuis le début de son offensive, le 12 juillet. Tour à tour, les ponts de Ghazir, du Casino du Liban (Maameltein), de Fidar (Halate) et de Madfoun (Batroun) sont devenus impraticables en quelques minutes. Une sorte de paralysie s’est aussitôt emparée de la région, ajoutée au choc, à l’incompréhension, à l’angoisse et à la colère qui sont montés d’un cran. Il est clair que peu de gens se sont résolus à se rendre au travail ce jour-là, préférant rester chez eux ou se regrouper sur les terrasses, certains décidant de se rendre sur place pour inspecter les dégâts. Les commerces sont restés fermés et un silence très inhabituel dans cette partie du pays, même en temps de guerre, a duré toute la journée. Pour sa part, la Croix-Rouge a annoncé les noms des tués, qui sont Omar Ahmad Chami, le caporal Nazih Khaled Mansour, Ziad Nehmé (CPL), à Madfoun, et Qassem Baarini et Joseph Bassil, à Fidar. Quant aux blessés, il s’agit d’Ahmad Diab, Yasser et Kamal Faqih, Georges Asmar, Jamil Hamache (Syrien), Jibrael Nehmé, Ali Zeayter, Fawzi Maarabani (soldat de l’armée), Marie-Rose et Antoine Maadi, Marc Atallah, Hussein Nasser, Ali Moussaoui, Omar Khatib, Abdel Kader Awadi, Mohammad Hadi, Fawzi Labadi et Jamil Naamane. Le pont de Ghazir a été le premier attaqué par les avions israéliens, qui y ont causé une grande crevasse dans le sens de Beyrouth. Au moment du raid, deux véhicules, une Mercedes et un minibus de transport public, passaient par là. Leurs passagers en sont miraculeusement sortis indemnes ou ont été légèrement blessés. Kamel Faqih, rencontré sur place, est le frère des deux passagers de la Mercedes, Yasser et Kamal. L’ironie du sort a voulu que cette famille issue du village sudiste de Srifa, où de nombreux tués sont tombés depuis le début de l’offensive, se réfugie dans cette région pour fuir la violence... Visiblement secoué par la vue de la voiture endommagée et abandonnée sur le pont, il nous indique que les blessures de ses frères sont légères et qu’ils sont sortis de l’hôpital. À moins d’un kilomètre de là, le pont du Casino du Liban a subi le même sort. Une énorme crevasse au beau milieu de la route permet d’entrevoir l’impressionnant ravin que surplombe ce pont très haut. Les deux ponts sont entourés des deux côtés de zones résidentielles fortement peuplées. Certains habitants venus inspecter les dégâts hochent la tête face à ce gâchis. Georges est l’un d’eux. Il devait emprunter ce même pont à 8h pour se rendre au travail. « Je me sentais davantage en sécurité dans ce secteur, mais maintenant, nous savons que le danger est partout », dit-il. Il lie le timing de cette attaque au discours prononcé la veille par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, « qui a menacé de bombarder le territoire israélien en profondeur ». Dans une boutique toute proche, les employés sont occupés à balayer les éclats de verre et à placer certains produits au fond de la boutique, afin qu’ils ne soient pas une cible facile pour les voleurs de passage. « Depuis le début de l’offensive, nous avions peur que ce pont soit attaqué, et nos pires craintes se sont malheureusement réalisées », lance un employé. Des vies fauchées au hasard Le spectacle le plus impressionnant reste cependant celui du pont de Fidar. Tombé comme un jeu de cartes, celui-ci a été complètement détruit, créant un énorme vide d’un côté à l’autre de la vallée qu’il était supposé surplomber, comme sectionné par des ciseaux géants. Les habitants de la région disent avoir entendu quatre grandes explosions qui ont fait trembler leurs maisons, avant de s’apercevoir que le pont qui les liait aux régions du Nord s’est effondré. Boutros et Samir n’en croient pas leurs yeux : le premier venait de traverser le pont quand le raid a eu lieu. Il n’était même pas en mesure d’entendre les explosions, mais juste d’en ressentir l’effet. Quant à Samir, il s’apprêtait à prendre la route vers le Nord pour rejoindre son lieu de travail. Ils sont venus grossir les rangs de la foule observant d’un air incrédule le pont effondré et les opérations de sauvetage en cours. Au fond de la vallée de béton, la camionnette de Qassem Baarini brûle toujours. Son nom est venu s’ajouter à la longue liste de vies fauchées au hasard par les attaques israéliennes. Il avait décidé de continuer à transporter des marchandises malgré la longue nuit de bombardements qui a dissuadé plus d’un de prendre la route. « Hassan Nasrallah responsable » L’autre disparu est Joseph Bassil, un paisible sexagénaire, père de trois enfants, qui habitait un quartier jouxtant le pont. Il faisait sa marche quotidienne qui devait le mener à passer sous le pont à l’instant fatidique. Des heures après le raid, les recherches menées par la Croix-Rouge, la Défense civile, l’armée et les habitants se sont poursuivies afin que son corps soit enfin retiré de sous les décombres. « Je l’ai croisé quelques minutes plus tôt, j’avais fait le même itinéraire que lui », déclare une voisine en pleurs. De la maison du défunt, les cris stridents de son épouse sont audibles dans la ruelle dévastée. Tout le quartier est en état de choc. Chez son cousin, Eddy Bassil, la tristesse se marie à la colère. « Une voisine a essayé de le prévenir à l’approche des avions, mais il n’a pu s’en sortir à temps », dit-il. Il regarde le pont effondré et confie ses impressions : « C’est une destruction totale, pour nous empêcher de penser à la reconstruction. Cette guerre est conçue pour nous pousser à partir, d’une manière indirecte. » Cette colère sourde est d’ailleurs perceptible dans le quartier. Des témoins racontent un incident survenu à la suite du bombardement du pont, quand des habitants du quartier s’en sont pris au secrétaire général du Hezbollah, le tenant pour responsable des frappes et de la guerre, devant des réfugiés du Sud habitant provisoirement les locaux d’une école publique. Des jeunes gens parmi les réfugiés ont voulu s’attaquer aux habitants, toujours selon les témoins qui ajoutent que certains de ces déplacés avaient des armes au poing. Mais l’intervention des forces de l’ordre, qui en ont interrogé quelques-uns, est venue mettre un terme à cet incident avant qu’il ne dégénère. Outre les pertes en vies humaines, l’agression a causé de grands dégâts matériels. Nada Mahfouz, qui habite ainsi que sa famille une maison de plusieurs étages, l’une des plus proches du pont, nous montre en pleurant les appartements complètement dévastés par le souffle de l’explosion. « Qui pensera à nous indemniser ? C’est le travail de toute une vie », gémit-elle. Le cortège de la mort ne devait pas s’arrêter à Fidar. Le pont de Madfoun, à Batroun, l’entrée du Liban-Nord, a lui aussi été en grande partie détruit par une attaque qui aura été la plus meurtrière, avec trois victimes parmi les passants. Suzanne BAAKLINI
Il était environ 7 heures quand, dans les régions du Kesrouan, de Jbeil et de Batroun, relativement épargnées jusque-là par les opérations militaires (malgré des frappes ciblées), l’aviation israélienne a détruit quatre ponts majeurs sur l’autoroute menant à Tripoli, semant sur son passage la désolation, la destruction et la mort. Ainsi, après le Sud, le Nord s’est...