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Actualités - OPINION

Laissez vivre mon peuple et il vivra en paix

«La historia es nuestra, es el pueblo que lo escribe.» Ce dernier cri de vie qu’avait poussé Salvador Allende juste avant de succomber à l’attaque de la Moneda, son palais présidentiel, qu’il avait refusé de déserter sous menace, nous fera toujours rêver. C’est un constat de force au moment où le peuple pleurait son impuissance, une lueur d’espoir aux heures les plus sombres de l’histoire d’un pays. Nous vivons au Liban une période très critique de notre histoire politique. Le Liban est en crise et rester dans le déni n’est certes pas la bonne solution. Le contrat social a encore et de nouveau avorté et nous nous demandons si justement, dès le commencement, ce ne serait pas un être né non viable. Toutefois, et malgré l’ampleur des événements, nous sommes en droit d’accuser les discours des «déclinologues» qui courent dans la classe politique et qui monopolisent nos postes de télévision, les pages de nos quotidiens. Nous sommes en droit d’accuser ces hommes qui se montrent inefficaces dans l’accomplissement de leur mission et qui, par action comme par omission, ne servent qu’à la paralysie de la politique interne. On ne cesse de répéter que le Liban vit une tragédie et qu’il passe par une épreuve qui est des plus graves, sinon la plus grave. On dénonce, on menace de châtier, on supplie, voire même on mendie. On est en mal de solutions et on se tourne vers un étranger en espérant attiser sa pitié et éveiller son altruisme. Nous n’avons pas encore compris que cet étranger n’est pas une personne physique riche en qualités humaines, mais une institution politique, une machine qui, confectionnée pour ne servir que ses objectifs personnels, pervertit les causes les plus nobles. La communauté internationale des États est scindée en deux clans: les uns recherchent une solution immédiate en exigeant qu’un cessez-le-feu soit prioritaire à toute autre suggestion, ce sont ces «vieilles» machines qui ne sont pas encore assez performantes, laissant découvrir selon certains des défauts de fabrication; les autres, qui nous ont tant habitués à leur opportunisme exaspérant, exigent une solution globale et profitent de notre crise pour remodeler un Moyen-Orient réduit en miettes. Entre-temps, les Libanais sont très attentifs aux conférences de presse des ministres des Affaires étrangères; ils ont attendu le verdict de Condoleezza Rice et, mercredi, de la conférence de Rome. Peut-on encore espérer qu’à la clôture de ce conseil des sages, l’aura religieuse qui se trouve à proximité inspire nos pays voisins et lointains quand le Premier ministre lui-même nous avise de garder les pieds sur terre en proclamant l’échec avant d’entreprendre sa petite excursion? Nous ne tenons personne pour unique et seul responsable de ce qui se passe. À la guerre comme à la guerre, le mea culpa devrait se faire par tous les protagonistes du jeu. Israël et le Hezbollah ont tous les deux du sang sur les mains et une peine à purger. C’est une constante de la politique régionale que de compter le Liban pour terrain de règlement de comptes et pour «quantité négligeable». En fin de compte, nous sommes tous simples observateurs dans cette bataille, c’est une des parties d’échecs les plus longues de l’histoire. Quand la société civile sort de sa torpeur, c’est un vent de terreur et de désespoir qui l’amène vers des lieux plus sûrs. C’est ainsi que les uns ont quitté, l’âme en peine, vers des terres promises. Ils s’exilent en laissant sans trop de mal cet Orient qui agonise. Nous ne pouvons les blâmer, il est dur de rêver dans cette partie du monde qui s’embrase en trente secondes sous l’effet des passions diaboliques des uns et des autres. Sous couvert d’agir dans l’intérêt national, on ne se retient pas de faire sauter 15 ans d’efforts pour servir son orgueil personnel. Chez nous, ce ne sont pas les institutions qui gouvernent, mais les personnes à l’intérieur de ces institutions et nous sommes tributaires des humeurs de ces gens-là. Combien de fois le phoenix pourra-t-il renaître de ses cendres? Combien de fois pourrons-nous sauver Beyrouth de la noyade? Le mythe sisyphien restera-t-il l’unique réalité du Liban? En ces temps durs, nous osons croire encore en un dénouement heureux. Ce ne sont certainement pas les actions politiques qui nous inspirent ce souffle d’espoir. Nous misons sur la société civile libanaise qui, forte de son expérience passée, saura persévérer dans sa quête d’un avenir meilleur. Il y a, au niveau de la jeunesse, une nette volonté de sortir indemne de cette guerre qu’on nous impose. Nous ne devons pas abdiquer. Chacun devrait continuer à cultiver son jardin et servir son voisin dans un esprit de solidarité. En accomplissant ces tâches, nous sauvons notre volonté de vivre ensemble et de vivre en paix. Un journaliste français avait déclaré un jour en parlant du Liban: «C’est autant un pays de traditions que d’innovations, de savoirs que de passions.» Il faut agir pour que l’innovation et le savoir triomphent de nos traditions et de nos passions. Cette liberté d’action, ils ne pourront pas nous l’arracher tant que nous serons en vie. Laissez vivre mon peuple et il vivra en paix! Christel SALEM
«La historia es nuestra, es el pueblo que lo
escribe.»
Ce dernier cri de vie qu’avait poussé Salvador Allende juste avant de succomber à l’attaque de la Moneda, son palais présidentiel, qu’il avait refusé de déserter sous menace, nous fera toujours rêver. C’est un constat de force au moment où le peuple pleurait son impuissance, une lueur d’espoir aux heures les...