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Actualités - CHRONOLOGIE

Malgré l’expérience de 15 ans de conflit, les assureurs confrontés à des situations inédites Assurance guerre : un chemin semé d’embûches

Avec la multiplication des dégâts matériels et humains occasionnés par les bombardements israéliens, les individus et les entreprises s’interrogent de plus en plus sur la nécessité de prendre des contrats d’assurance guerre. La demande sur le marché est importante, mais elle a du mal à se concrétiser car les taux sont élevés et la couverture limitée. Depuis le début de la guerre, la demande d’information autour des contrats d’assurance guerre explose. « Nous passons notre temps au téléphone en discussions académiques à expliquer les contrats », affirme un courtier de réassurance libanais installé à l’étranger, qui a préféré gardé l’anonymat. « Mais très peu de contrats ont été jusque-là conclus à cause de leurs coûts dissuasifs », ajoute-t-il. « Vu les primes exigées, beaucoup de clients ont renoncé à prendre une assurance guerre. Les seuls contrats que j’ai conclus concernent exclusivement de grandes compagnies étrangères ayant des intérêts au Liban », confirme Aline Kalmakian, PDG de IIC, une société de courtage en assurances. Déjà, avant le déclenchement du conflit, les contrats d’assurance guerre étaient peu nombreux parce que très contraignants. « Nous avions quelques rares clients qui avaient pris des contrats couvrant le risque de guerre. La garantie maximum était autour de cinq millions de dollars », remarque le courtier de réassurance précité. Il faut noter que les assureurs n’acceptent de couvrir qu’au premier risque, c’est-à-dire une partie de la valeur des biens exposés, rarement supérieure à 20 %. Les contrats conclus avant le début de la guerre étaient annuels et comprenaient rarement une clause d’annulation. Ils sont donc toujours valables aujourd’hui. En revanche, les nouveaux contrats d’assurance guerre sur les biens sont généralement offerts pour une durée d’un mois, toujours sans clause d’annulation, mais à des taux dissuasifs, 10 à 15 % du montant du capital assuré. De plus, les assureurs n’acceptent plus de garantir qu’un capital de quelques centaines de milliers de dollars tout au plus. Mais de toute façon, avant de couvrir un bien, les assureurs exigent une multitude d’informations permettant d’évaluer les risques au cas par cas et donc de faire une sélection. Un risque à Tyr, indépendamment de la prime payée, sera certainement refusé. Il en va de même pour un risque situé dans la banlieue sud de Beyrouth, près d’une centrale électrique ou pour un bien propriété d’un membre du Hezbollah (son domicile, son bureau, son commerce). Dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour, Élie Nasnas, président de l’Association des compagnies d’assurances au Liban (ACAL), affirme que « la situation actuelle sur le marché de l’assurance guerre au Liban est erratique, et les primes de risque sur les nouveaux contrats sont très volatils. Mais si la guerre devait durer une à deux semaines encore, le marché serait forcé de s’organiser pour s’adapter à une économie de guerre ». En effet, les assureurs pourraient être amenés à créer un fonds commun pour servir le marché local. Plusieurs assureurs contribueraient ainsi à la constitution d’un capital, qui serait utilisé pour garantir les différentes polices émises au profit de leurs clients. Une multitude de polices pourraient ensuite être proposées, chacune pour un montant bien inférieur à la capacité totale du fonds, et en conséquent servir le plus grand nombre de Libanais. Cela avait déjà eu lieu au Liban dans les années 1990. Avec la multiplication des cambriolages des banques, les assureurs étrangers ne voulaient plus couvrir les établissements de crédit opérant sur le territoire libanais contre ce risque. Plusieurs assureurs locaux s’étaient alors associés pour constituer un « pool bancaire » et offrir des contrats d’assurance cambriolage aux banques libanaises. Un autre exemple similaire est celui de l’Awris (Arab War Risks Insurance Syndicate), rassemblement de compagnies d’assurances et de réassurance opérant dans les pays du Golfe, créé en 1980 dans le sillage de la guerre Iran-Irak, dans le but de proposer des contrats d’assurance guerre sur un marché délaissé par les réassureurs mondiaux. Il faut ajouter que l’Association des industriels a envoyé mercredi à ses adhérents un formulaire très détaillé à remplir dans l’optique de mieux cerner le profil des demandeurs potentiels d’une couverture contre le risque de guerre et de pouvoir ainsi démarcher auprès des assureurs des contrats à des taux un peu moins prohibitifs que ceux actuellement proposés sur le marché. Assurance transport Concernant le transport terrestre, les contrats sont également très contraignants. Ils sont signés pour une durée pouvant aller jusqu’à sept jours, avec un taux de couverture de 1,5 % et des limites de garantie de 600 000 à 700 000 dollars au maximum. « Une franchise de l’ordre de 10 % est également exigée et les primes sont payables au comptant », précise Aline Kalmakian. Mais avec l’attaque, mercredi soir, d’un camion transportant des médicaments près de Majdel Anjar, ou encore le bombardement de deux camionnettes de légumes sur le chemin de Dhour Zahlé, on peut s’attendre au mieux à une hausse des taux, au pire au refus des assureurs de couvrir le transport terrestre sur tout le territoire national. Quant au transport maritime, il faut attendre l’ouverture d’un ou de plusieurs couloirs de ravitaillement pour voir les compagnies proposer des contrats d’assurance guerre sur les navires à destination des ports libanais. Assurance sur les personnes Les nouveaux contrats sur les hospitalisations provoquées par la guerre ne font l’objet d’aucune surprime. En revanche, « les assurances décès-invalidité voient leurs primes augmenter », affirme Élie Nasnas, sans pouvoir déterminer l’ampleur de cette hausse. Les contrats sont en effet renégociés au jour le jour et au cas par cas, en fonction de la personne assurée. Particulièrement exposés au risque de guerre, les reporters travaillant pour des médias locaux se voient actuellement proposer des contrats qui leur sont spécifiques. Moyennant une cotisation de 1 200 à 1 300 dollars par mois, ils sont ainsi couverts à hauteur de 50 000 dollars en cas de décès, ou d’invalidité permanente et totale. Line RIFAÏ
Avec la multiplication des dégâts matériels et humains occasionnés par les bombardements israéliens, les individus et les entreprises s’interrogent de plus en plus sur la nécessité de prendre des contrats d’assurance guerre. La demande sur le marché est importante, mais elle a du mal à se concrétiser car les taux sont élevés et la couverture limitée.

Depuis le début de la...