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Actualités - OPINION

Reportage À peine versés, les salaires des fonctionnaires palestiniens s’évaporent

Les fonctionnaires se bousculent aux guichets et devant les distributeurs de la banque Palestine à Gaza pour toucher leurs salaires impayés. Criblés de dettes, ils ne se posent qu’une seule question sur l’usage qu’ils en feront : qui rembourser en premier ? « J’ai failli me battre à l’intérieur », soupire Jaber Doghmouche, un officier de la police antiémeutes qui recompte ses billets, soulagé de s’extraire de la cohue et du vacarme, après quatre heures d’attente. « J’étais pressé de recevoir ma solde pour acheter de la nourriture, mais quand j’aurai payé mes dettes, il ne me restera rien », ajoute-t-il devant le siège de la banque nationale, où les membres des forces de sécurité, particulièrement nombreux à Gaza, forment l’essentiel de la foule. Les quelque 160 000 employés de l’Autorité palestinienne, dont plus d’un tiers appartient au services de sécurité, ont assiégé les distributeurs automatiques dès samedi soir, avant d’envahir les banques dimanche, pour percevoir les salaires d’avril, à hauteur de 1 500 shekels (environ 330 dollars), virés sur leurs comptes par la présidence. En cessation de paiement à cause du gel des aides financières occidentales, le gouvernement formé en mars par le mouvement islamiste Hamas n’a pu verser qu’en juin une fraction des traitements des fonctionnaires, d’un montant global d’environ 120 millions de dollars par mois. Les pays arabes ont octroyé en juillet 142 millions de dollars à la présidence palestinienne pour l’aider à surmonter la crise financière. Moussallem al-Gaïed, colonel dans la sécurité nationale, s’est hâté pour toucher 2 800 shekels (environ 630 dollars), la moitié de sa solde, comme tous les bénéficiaires de salaires supérieurs à 1 500 shekels. « J’ai emprunté 9 200 shekels et je n’aime pas dépendre des autres », confie l’officier. « J’en utiliserai la moitié pour acquitter mes dettes et je garderai le reste pour moi », précise-t-il. « Certains de mes créanciers peuvent se permettre d’attendre, d’autres pas. Je rembourserai en fonction de la situation de chacun. » Imad Ahmad, un policier de 35 ans, patiente au distributeur pour obtenir la moitié de son salaire de 2 500 shekels (560 dollars). « Je réglerai ce que je dois au supermarché et à la pharmacie, et il ne me restera pas un shekel », indique-t-il. « Puis j’irai de nouveau acheter à crédit à la pharmacie et au supermarché. » « Mais pour les factures d’eau et d’électricité et le loyer, cela ne suffira pas, je ne peux pas payer », avoue-t-il. « Nous sommes payés au compte-gouttes », estime Fayez Abou Oda, chauffeur au ministère de l’Agriculture et père de quatre enfants, une maigre liasse de billets à la main. « Je me suis dépêché parce que je n’ai plus que 15 shekels (3,5 dollars) en poche, c’est tout ce qui reste de l’argent qu’on m’a prêté », reconnaît-il. « On ne sait pas très bien si c’est la totalité ou la moitié du salaire ni à quel mois ça correspond, mars ou avril. » Selon Soha Chaladane, une svelte jeune femme au foulard noir noué sur la tête en guise de voile, « peu importe comment ils appellent cela, ce qui compte, c’est que c’est de l’argent ». « Je suis venue récupérer ma carte de paiement pour retirer la moitié de mon salaire », explique cette fonctionnaire des services de renseignements. « J’en ai besoin pour acheter de la nourriture à mes trois enfants. » Les projets plus ambitieux nécessitent en revanche des ressources bien supérieures. « Je vais me marier dans trois semaines », se réjouit Mohammad Bori, 30 ans, en uniforme de la sécurité nationale. « Qu’est-ce que je vais faire avec mes 300 dollars ? C’est à peine de quoi peindre l’appartement et acheter du cirage pour mes chaussures », affirme-t-il. « À lui seul, le jour des noces coûtera au moins 2 000 dollars. » Selim SAHEB ETTABA/AFP
Les fonctionnaires se bousculent aux guichets et devant les distributeurs de la banque Palestine à Gaza pour toucher leurs salaires impayés. Criblés de dettes, ils ne se posent qu’une seule question sur l’usage qu’ils en feront : qui rembourser en premier ?
« J’ai failli me battre à l’intérieur », soupire Jaber Doghmouche, un officier de la police antiémeutes qui...