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PATRIMOINE - Les Innus et les Blancs relatent leur vie commune à l’autre bout du monde, au Canada Natashquan, « terre de contes et de légendes »

Natashquan, un hameau mythique niché sur la rive nord du St-Laurent au bout de la route bitumée traversant le Canada, sis à deux pas d’une réserve indienne, a créé un festival inédit mélangeant les héritages des pêcheurs blancs et des chasseurs innus. «On est ici dans le pays du conte, de la légende », promet le conteur Alexis Roy, sur la plage de Natashquan, une localité de pêcheurs, aujourd’hui sans morues, située à 1 400 kilomètres à l’est de Montréal, une terre nommée par les Innus « l’endroit où l’on chasse l’ours ». « Les Innus ont de fabuleux conteurs, de fabuleuses histoires qui sont en train de se perdre parce que les aînés sont devenus très vieux et leurs petits-enfants ne parlent presque plus la langue innue. Et c’est la même chose pour les Blancs ici, ce sont tous des conteurs », poursuit-il. À Natashquan, terre d’origine du chanteur Gilles Vigneault, chacun a un oncle, un père ou un grand-père qui a inspiré un personnage au grand poète québécois. Dans la foulée de la déportation des Acadiens par les soldats anglais en 1755, certaines familles de ce peuple francophone établi sur la côte est canadienne ont trouvé refuge à St-Pierre-et-Miquelon (France), puis aux Îles-de-la-Madeleine, dans l’estuaire du St-Laurent, avant d’accoster un siècle plus tard sur les rives de Natashquan, terre peuplée d’Innus. « Il y a toujours eu cohabitation entre les Innus et les Acadiens... Quand les autochtones ont vu les Acadiens débarquer ici, ils se sont dits qu’eux avaient l’expérience de la pêche, tandis que les autochtones avaient l’expérience du bois », note Antoine Ishpatao, chef du Conseil de bande de Nutashkuan, la réserve indienne jouxtant Natashquan. Le premier festival de « l’Innucadie », qui s’est déroulé du 12 au 16 juillet, est une initiative conjointe pour sauvegarder le riche patrimoine local et faire connaître ce bel endroit aujourd’hui à l’abandon. « En 2005, on s’est posé beaucoup de questions parce qu’il y avait 22 maisons à vendre dans ce village qui compte moins de 300 personnes... On a alors pensé faire de Natashquan le village du conte », explique Jacques Lachance, directeur de la coopérative régionale du tourisme. Dans la salle communautaire de la réserve de Nutashkuan, la communauté innue « reçoit » les Blancs. Les anciens préparent le saumon et la bannique, un pain traditionnel azyme. Une jeune femme innue raconte l’histoire de ses ancêtres avec un humour débordant, son récit se croisant avec celui d’une Acadienne au rire contagieux. Des enfants innus regardent la scène, attentifs, tandis que d’autres demeurent à l’extérieur de la salle, préférant se lancer des sacs remplis d’eau qui échouent sur le sol sablonneux de la réserve. Selon l’ethnologue Bérangère Landry, qui a recueilli 500 récits locaux, les légendes acadiennes et innues ont longtemps évolué en « deux monde parallèles ». « On avait des peurs mutuelles : nous, on avait peur des Amérindiens. Eux, ils avaient peur des Blancs... Maintenant, avec les fêtes comme celle d’aujourd’hui, maintenant que notre école compte 30 Blancs pour 120 Innus, les gens se côtoient beaucoup plus », constate-t-elle. « Quand les réserves indiennes ont été instaurées au Canada il y a eu comme une scission, et maintenant il est temps de dépasser ces frontières-là », affirme Alexis Roy. Sur la réserve, plusieurs Innus restent dubitatifs, voire peu enclins à fréquenter ce nouveau festival, ce qui n’empêche pas le conteur innu Charles-Api Bellefleur de savourer l’événement. « Le festival de l’Innucadie sert à faire la promotion de l’environnement et de la connaissance du peuple innu, et de sa préoccupation à préserver l’environnement, la faune et les animaux », confie-t-il après sa prestation sous le shaputuan, une tente d’une vingtaine de places tapissée de sapin.
Natashquan, un hameau mythique niché sur la rive nord du St-Laurent au bout de la route bitumée traversant le Canada, sis à deux pas d’une réserve indienne, a créé un festival inédit mélangeant les héritages des pêcheurs blancs et des chasseurs innus.
«On est ici dans le pays du conte, de la légende », promet le conteur Alexis Roy, sur la plage de Natashquan, une...