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ENVIRONNEMENT - Une thèse sur le cas du Liban Réhabilitation des carrières : imiter et accélérer le processus naturel

Nous sommes peut-être un peu trop préoccupés, de nos jours, à œuvrer pour arrêter le massacre continu de l’exploitation sauvage des carrières, pour commencer à réfléchir à leur réhabilitation future, qui semble encore quelque peu utopique dans un contexte où les privilèges et le contournement de la loi sont rois. Mais il faudra éventuellement réfléchir à la réhabilitation de ces sites naturels gâchés sans vergogne par des exploitants peu scrupuleux. Au-delà des questions politiques et financières (à savoir qui devrait imposer de telles solutions et qui devrait les financer), d’un point de vue purement scientifique et technique, une thèse, présentée sur le Liban par Carla Khater, aujourd’hui directrice de projet au ministère de l’Environnement, et réalisée en codirection par le Conseil national de la recherche scientifique (CNRS) et l’Université de Montpellier, fait le tour du problème. Une entrevue, au siège du CNRS à Beyrouth, avec Carla Khater et Arnaud Martin, maître de conférences à l’Université de Montpellier II, bouscule beaucoup de préjugés et donne une idée de ce que pourraient être les futures solutions viables à la réhabilitation des sites endommagés de carrières, à la lueur notamment de l’expérience française. Observer les dégâts causés par une carrière sauvage, dont l’exploitation n’a fait l’objet d’aucune précaution ni du respect de nulle règle, donne une impression d’indicible gâchis. Mais il faut savoir que ce même site peut constituer une manne pour un scientifique à la recherche d’informations. En effet, comme nous l’indiquent les deux scientifiques, l’observation d’un site de carrières abandonné permet de constater que la nature, avec le temps, reprend ses droits sur le lieu en question. Un processus fascinant dans la mesure où il pourrait être imité par l’homme dans le but d’en accélérer le rythme, sans opter pour des solutions artificielles qui ne sauraient durer. La thèse rédigée par Carla Khater fait une évaluation de la situation au Liban et profite du modèle méditerranéen du sud de la France pour proposer des plans de réhabilitation de carrières. Même si les techniques proprement dites sont connues depuis longtemps, comme le souligne M. Martin, il faut effectuer des études sur chaque milieu qui a ses caractéristiques propres, notamment les régions méditerranéennes qui présentent des contraintes écologiques particulières, d’où l’intérêt du travail effectué au Liban par Carla Khater. L’important, poursuit-il, est de connaître les espèces qui évoluent en temps normal sur le site afin d’étudier les modalités d’intervention. L’étude sur le Liban a porté sur 26 carrières, à partir de 118 relevés, allant du nord de Batroun jusqu’à Tyr et arrivant à une altitude de 800 mètres sur le flanc ouest du Mont-Liban. Le sol y est principalement calcaire, et les sites sont ceux d’anciennes carrières de gravier et de pierre de taille. L’objet principal de la thèse était d’étudier les mécanismes spontanés de retour de la végétation, pour prendre exemple sur l’évolution naturelle. Préférence pour les espèces autochtones Sur les résultats obtenus, Mme Khater, souligne tout d’abord que toute carrière est divisée en trois parties: les remblais, la plate-forme et la falaise. Les résultats les plus importants ont été obtenus sur les remblais, où l’action de replanter permet de stabiliser le substrat, conduit à une meilleure intégration visuelle dans l’environnement et accélère le processus naturel de recolonisation du milieu par la végétation. Après avoir décodé ce processus naturel, il s’agit de pouvoir le reproduire par les efforts humains parce que, comme l’indique Carla Khater, «ce qu’il faut, c’est accélerer un processus de régénération naturelle, non faire du jardinage». En d’autres termes, ne pas planter un arbre qui fera joli durant un certain temps, mais sera voué à une mort précoce vu l’état de dégradation du sol, par exemple. D’où l’intérêt de définir le milieu naturel qui était celui du site avant sa dégradation par les carrières, afin de mettre en place le mécanisme de son renouvellement par les voies naturelles. Les études effectuées au niveau du Liban s’avèrent donc précieuses parce qu’elles permettent de définir les types de végétation qui pourraient aider dans la réhabilitation future de ces carrières. Mais là, comme le fait remarquer M. Martin, certains problèmes pratiques pourront se poser. En effet, il faudra songer à produire les plantes en question en quantité suffisante pour couvrir les besoins. Comme c’est un secteur qui peut être considéré non prioritaire par certains, il sera possible de lancer le marché grâce à un argent public qui peut consister en des garanties devant (en principe) être payées par les propriétaires de carrières, jusqu’au moment où le secteur privé y verra un avantage. Un tel travail effectué sur les carrières, poursuit-il, présentera des avantages qui vont au-delà de cette seule activité. En effet, selon lui, «les carrières sont un milieu dégradé à l’extrême, et il sera plus facile d’appliquer les méthodes qu’on aura développées sur ces sites dans des milieux problématiques bien que moins difficiles, comme les bords de route par exemple». Mais dans tous les cas, les deux scientifiques insistent sur la nécessité de préférer des espèces autochtones aux espèces importées, qui peuvent ne pas survivre ou alors s’avérer envahissantes. Et de donner l’exemple des plantes sur les bords des autoroutes du Maroc dont il ne subsiste plus rien, vu qu’on avait eu recours, à l’époque de la construction du réseau routier, aux mauvaises espèces. De telles entreprises peuvent donc s’avérer aussi coûteuses que mal adaptées. «Le Liban est un petit pays à la biodiversité énorme, souligne M. Martin. L’action sur le milieu naturel doit donc être réfléchie.» Reste le cas des falaises résultant de l’activité des carrières. Mme Khater indique qu’il existe une méthode de propulsion de semences avec l’eau, afin de faire en sorte que des plantes viennent se nicher dans les cavités, ce qui est conforme au processus naturel tel qu’on peut l’observer sur les falaises en général. Elle estime que, d’un point de vue scientifique pur, on pourrait préférer ne pas intervenir car des espèces naturelles y trouveront refuge dans tous les cas. Mais, ajoute-t-elle, du point de vue du paysagiste, la priorité va à la réduction de l’agression visuelle causée par ces falaises. Comment une telle étude pourrait être employée par les autorités libanaises en cas de projet sérieux de réhabilitation des anciennes carrières? Interrogé sur ce point, Mouïn Hamzé, secrétaire général du CNRS, nous explique qu’une fois que des plans de réhabilitation auront été préparés, ils seront communiqués aux ministères et administrations concernés, dans l’objectif de leur proposer des modèles à appliquer sur le terrain. S. B.
Nous sommes peut-être un peu trop préoccupés, de nos jours, à œuvrer pour arrêter le massacre continu de l’exploitation sauvage des carrières, pour commencer à réfléchir à leur réhabilitation future, qui semble encore quelque peu utopique dans un contexte où les privilèges et le contournement de la loi sont rois. Mais il faudra éventuellement réfléchir à la...