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Actualités - OPINION

Retour sur «Basmat Watan» De l’humour à la haine

L’émission satirique Basmat Watan qui a pris en dérision sayyed Hassan Nasrallah a aussitôt provoqué, le 1er juin, des émeutes. L’usage de l’humour n’est-il donc pas admis dans notre république démocratique? Et quelle que soit la réponse, justifie-t-il le recours à la violence? La liberté d’expression figure en tête des libertés publiques consacrées par le préambule de notre Constitution et aussi par le document d’entente qu’ont signé le chef du Hezbollah et le général Aoun. Et l’humour est bien une forme d’expression. Pourquoi serait-il alors prohibé? Le rire, dans notre climat politique et social si tendu, est une respiration pour les citoyens. Il permet de les distraire de l’étau qui les enserre et de supporter les conditions difficiles dans lesquelles ils sont contraints de vivre. Le fait est que tout simplement, le sketch télévisé se riait de sa cible. Cette liberté d’humour n’a pas dénié à Hassan Nasrallah son droit à la différence; elle n’a donc pas porté atteinte à sa liberté. Alors ou est le délit? Le principal grief invoqué contre Basmat Watan est que cette dérision constitue une diffamation et une injure. L’est-elle vraiment? Ne l’est-elle pas beaucoup moins que les tirs à boulets rouges et les insultes lancés sans scrupules dans des discours officiels incitant à la haine? Ce n’est pas d’une émission destinée à faire rire dont il faut se méfier. Il faut plutôt sanctionner les responsables de ces propos remplis de hargne. Eux sont beaucoup plus dangereux que les auteurs de jeux de mots (même maladroits ou de mauvais goût, là n’est pas le problème) car le rire, lui, exclut la mauvaise foi, surtout quand il rentre dans un cadre destiné au divertissement. Mais il faut admettre que là où rient certains, les autres sont choqués. Un comédien disait: «On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde.» Le leader chiite pourrait rectifier: «On ne peut rire ni de tout ni avec tout le monde.» Il nous l’a bien fait comprendre en demandant de ne pas dépasser les «lignes rouges», en l’occurrence lui. Mais ce n’est pas à lui de nous imposer notre système de pensée et de dicter notre comportement. Qu’on nous laisse nos libertés. Elles sont le credo de notre démocratie. Nous voulons les vivre pleinement. Si certains pensent que le rire doit tenir compte des traditions et des sensibilités, qu’ils recourent aux tribunaux. Ils peuvent aussi, puisque rien ne les oblige à regarder un programme qui heurte leurs convictions, empêcher sa retransmission dans leurs régions – et c’est une mesure heureuse qu’ont d’ailleurs prise les distributeurs de chaînes proches du Hezbollah. Mais aussi rien ne justifie la déferlante de haine, quelques minutes après la diffusion de l’émission litigieuse. À supposer que le recours à la rue pouvait se concevoir, avait-il besoin d’être accompagné de manière aussi féroce par des actes de subversion et de vandalisme? À cause d’une émission humoristique on ne sème pas la destruction et la terreur. On n’orchestre pas un concert de haine. Ou alors on risque très fort de déraper et de sombrer à nouveau dans la guerre civile. Il aurait peut-être suffi, ce 1er juin, que les habitants des quartiers attaqués réagissent aux violences et aux agressions pour que tout bascule. Sans vouloir être pessimiste, il semble que le Hezbollah a toutes les armes en main pour s’attaquer à ses adversaires politiques qui, eux, convenons-le, seront David dans un combat avec Goliath. En outre, pourquoi ce parti met-il constamment en cause l’absence d’autorité de l’État et sa faiblesse, dont il est d’ailleurs le premier responsable par ses agissements? Il nourrit probablement des intentions que nous, simples citoyens, ne prétendons pas connaître. La distance est grande de l’humour à la haine. Espérons toutefois que celle-ci ne rattrapera plus celui-là. Claude ASSAF

L’émission satirique Basmat Watan qui a pris en dérision sayyed Hassan Nasrallah a aussitôt provoqué, le 1er juin, des émeutes. L’usage de l’humour n’est-il donc pas admis dans notre république démocratique? Et quelle que soit la réponse, justifie-t-il le recours à la violence?
La liberté d’expression figure en tête des libertés publiques consacrées par le...