Rechercher
Rechercher

Actualités

Le politologue Walid Charara analyse la crise irano-US Washington craint une dynamique de prolifération nucléaire au Moyen-Orient

Alors que nous nous débattons dans nos problèmes internes, Walid Charara, politologue, chercheur en sciences sociales et journaliste au « Monde diplomatique », vient nous rappeler que la polarisation sur le Liban ne tient pas, quoique l’ambassadeur des États-Unis au Liban ait affirmé il y a quelques jours que « le soutien de (son) pays à un Liban fort et souverain est indépendant de (sa) politique régionale ». « Nous ne pouvons sanctuariser le Liban » alors que les Américains eux-mêmes appréhendent le Moyen-Orient de manière globale, comme « un espace à conquérir », insiste Charara en citant l’ouvrage de Robert Fisk, « La grande guerre pour la civilisation : la conquête du Moyen-Orient », dont il partage manifestement le point de vue. Il livre ainsi à l’Association des anciens élèves de sciences po Paris à Beyrouth sa vision de la confrontation entre les États-Unis et l’Iran, et son impact sur le Liban. Pour M. Charara, il est intéressant d’établir un parallèle entre la terminologie américaine utilisée aujourd’hui pour évoquer le Moyen-Orient et celle utilisée par le passé pour décrire l’Empire ottoman : « ventre mou du système mondial », « homme malade » … Les Saddam Hussein, Mahmoud Ahmadinejad et comparses sont tous affublés du qualificatif de Hitler de la région, ce qui n’augure, non plus, rien de bon. Le Moyen-Orient apparaît comme la « source de tous les dangers » pour les maîtres du monde… Depuis la fin de la bipolarité, le Moyen-Orient est d’ailleurs « le théâtre d’une série de conflits et d’interventions américaines sans égal, ni dans l’intensité ni dans l’ampleur », souligne M. Charara. Étant donné l’ampleur de leur investissement dans la région, où ils sont physiquement présents, les États-Unis sont devenus, d’après le politologue, « une puissance moyen-orientale ». Enlisés en Irak dans une guérilla meurtrière et engagés dans « une guerre sans fin » contre le terrorisme, pour reprendre le propos du secrétaire d’État à la Défense, Donald Rumsfeld, les Américains s’inquiètent de l’Iran et de son projet nucléaire, malgré la politique d’ouverture dont aurait fait preuve la République islamique, selon M. Charara. Du moins pendant les mandats de Rafsandjani et de Mohammad Khatami. Au chapitre des arguments étayant la thèse de l’ouverture iranienne, le journaliste cite le développement des relations économiques avec la Russie, la Chine, l’Europe, voire la coopération avec les Américains dans les guerres d’Afghanistan et d’Irak. N’empêche, l’hostilité américaine demeure. Walid Charara explique ses fondements dans : l’engagement pro-israélien de l’Administration Bush, que reflète entre autres « l’identification idéologico-culturelle des élites israélienne et américaine », et le rapprochement économique et énergétique entre l’Iran et la Chine. L’Iran pourrait devenir la réserve énergétique des puissances émergentes. Or un rapport établi par Paul Wolfowitz, à l’époque vice-adjoint à la Défense, énonce clairement que « les États-Unis ne doivent pas permettre l’émergence de puissances concurrentes à l’échelle mondiale ». Le troisième grand argument est la crainte que la nucléarisation de l’Iran provoque une dynamique régionale de prolifération nucléaire, qui toucherait notamment l’Égypte et la Turquie. Des pays qui, dotés de l’arme nucléaire, accéderaient au statut de puissances régionales, chambardant ainsi les rapports de force internationaux, ce qui n’est pas pour servir les intérêts américains. Pour pousser donc l’Iran à arrêter son programme nucléaire, Washington a opté, jusqu’à présent, pour les pressions internationales plutôt que l’usage de la force. Une option dont Walid Charara estime qu’elle est peu probable, les obstacles à l’emploi de la force étant de deux ordres. Technique d’abord, car les Américains ne connaissent pas les emplacements de toutes les installations nucléaires iraniennes qui sont dispersées. Politique, ensuite, en raison de l’étendue de l’influence iranienne, du Pakistan à Gaza. Une attaque contre l’Iran pourrait entraîner des réactions en chaîne contre les États-Unis, susceptibles de déstabiliser leurs intérêts dans la région. L’enlisement en Irak ne leur permettrait pas non plus de soutenir en parallèle une action militaire contre l’Iran, d’où le choix actuel d’une « guerre de l’information et d’une guerre de basse intensité ». C’est dans ce cadre que s’inscrivent, selon Walid Charara, la « volonté d’instrumentaliser la carte des minorités nationales » iraniennes ainsi que les actions de déstabilisation des alliés de l’Iran, comme le Hezbollah au Liban – typiquement la résolution 1559 – ou encore les Palestiniens proches de ce parti, afin d’endiguer l’influence régionale iranienne. L’élection de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence iranienne aurait, en outre, faussé les calculs occidentaux par rapport à l’Iran. Les Gardiens de la révolution, dont est issu le président, ont en effet entre les mains des dossiers stratégiques tels que l’armement et le nucléaire, et jouissent d’une relative autonomie dans la gestion de ces dossiers. Leur capacité à aller vite peut être très inquiétante et risque de conduire les États-Unis au bout du compte à opter pour la confrontation directe, à la condition que les troupes américaines aient été évacuées d’Irak au préalable. Cette option aurait des conséquences directes sur le Liban, estime M. Charara, qui prévoit une agression rapide d’Israël contre le Hezbollah. Nicole HAMOUCHE
Alors que nous nous débattons dans nos problèmes internes, Walid Charara, politologue, chercheur en sciences sociales et journaliste au « Monde diplomatique », vient nous rappeler que la polarisation sur le Liban ne tient pas, quoique l’ambassadeur des États-Unis au Liban ait affirmé il y a quelques jours que « le soutien de (son) pays à un Liban fort et souverain est indépendant de...