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Actualités - OPINION

LE POINT La déraison du plus fort

On attendait la réponse du berger Mahmoud Abbas à la bergère Ismaïl Haniyeh. Ce fut l’opération, particulièrement meurtrière, de Kerem Shalom, à la pointe extrême de la frontière entre Gaza, l’État hébreu et l’Égypte. Et des conséquences dont on suit l’évolution avec appréhension depuis dimanche, le « peak » devant, en toute logique, être atteint dans les heures à venir. Il faut sauver le soldat Gilad Shalit, répète-t-on à l’envi à Tel-Aviv, sans trop savoir comment, ni surtout à quel prix. Les militaires, c’est leur métier, parlent d’une opération d’envergure, pendant que des dizaines de blindés et d’importantes forces d’infanterie et d’artillerie continuent d’être massés aux abords du tunnel d’où est partie l’attaque. Les dirigeants, eux, politicaillent, évoquant une manœuvre de longue haleine, un droit naturel et légitime ou même une action destinée à faire chuter le gouvernement palestinien, sans préciser par quels moyens, ni surtout expliquer à l’opinion publique en quoi cela permettrait de débloquer la situation. Paris se met de la partie, du moment que le jeune caporal porte aussi la nationalité française, pendant que le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Sternmeier, demande, sans rire, que les coupables soient traduits en justice et que Londres décrète sentencieusement que c’est là un test pour Abou Mazen. Jamais autant qu’aujourd’hui, et singulièrement dans cette délicate affaire, les dirigeants de ce pauvre monde qui est le nôtre n’ont autant donné la désolante impression d’être des amateurs particulièrement doués pour les phrases creuses, des mouvements de menton qui n’impressionnent plus personne et surtout les actes irréfléchis. Gribouille, pour s’abriter de la pluie, se précipitait dans la mare, tête première. Depuis, ayons l’humilité de le reconnaître, on prétend avoir été plus loin dans l’absurde, sans autre résultat qu’une situation encore plus embrouillée qu’au lendemain de 1948, quand fut signé l’acte de naissance de l’État sioniste. Hier, le Premier ministre israélien Ehud Olmert croyait avoir trouvé les mots qu’il faut pour décrire la situation. « Ce sont des moments difficiles, a-t-il dit lors d’une intervention publique à Jérusalem, qui exigent une énorme patience et une capacité de faire face. » Il est vrai qu’il a ajouté aussitôt : « Nous considérons l’Autorité palestinienne et l’ensemble de ses dirigeants, à compter du président et de tout le gouvernement, comme responsables de l’attaque, avec tout ce que cela implique. » Dans cette affaire, le Hamas s’est retrouvé, presque à son corps défendant, en train de jouer son va-tout face à Israël, mais surtout à cette Autorité palestinienne qu’il abhorre et à ce Fateh qui demeure son unique adversaire dans l’épreuve de force engagée depuis les élections législatives du 25 janvier, qui se sont traduites par sa victoire. En effet, les Comités de la résistance populaire qui ont revendiqué le kidnapping d’avant-hier ne relèvent pas de la formation créée par cheikh Ahmad Yassine aux heures où la résistance n’était pas un vain mot. Il s’agit d’un groupuscule comprenant, certes, des transfuges de celle-ci, mais aussi des Jihadistes et des rescapés de l’épopée post-Septembre noir du FPLP de Georges Habache et du FDLP de Nayef Hawatmeh. En s’obstinant, et avec eux les Américains, à refuser de reconnaître les résultats du premier test véritablement démocratique, représenté par le scrutin populaire du début de l’année, les Israéliens sont maintenant prisonniers de leur logique : pas plus qu’il n’est pas possible pour eux de prendre langue avec des « terroristes », même recyclés dans la politique, il ne saurait être question d’engager le dialogue avec quelqu’un d’autre que le président palestinien, considéré comme leur unique interlocuteur. Lequel est confronté à un cruel dilemme : recourir à la force, avec le risque de déclencher une nouvelle lutte armée, alors que la violence vient d’être évitée de justesse, ou bien parlementer et voir le pourrissement s’installer petit à petit, envenimant un peu plus à chaque heure qui passe les rapports interpalestiniens. « Nous n’épargnerons aucun effort en vue d’obtenir la libération des nôtres qui croupissent dans les geôles de l’ennemi. Même si, pour cela, il nous faudra enlever des soldats israéliens et procéder alors à un échange. » On a oublié ces propos, tenus il y a deux ans et demi par le guide du Mouvement de la résistance islamique. À l’époque – fin janvier 2004 –, le Hezbollah libanais venait de récupérer plus de quatre cents détenus, principalement palestiniens, dans le plus vaste troc de l’histoire proche-orientale. La monnaie d’échange était représentée par un (faux) homme d’affaires, Elhanan Tannenbaum, et quelques cercueils. Ariel Sharon promettait alors qu’on ne l’y reprendrait plus... Christian MERVILLE
On attendait la réponse du berger Mahmoud Abbas à la bergère Ismaïl Haniyeh. Ce fut l’opération, particulièrement meurtrière, de Kerem Shalom, à la pointe extrême de la frontière entre Gaza, l’État hébreu et l’Égypte. Et des conséquences dont on suit l’évolution avec appréhension depuis dimanche, le « peak » devant, en toute logique, être atteint dans les...