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Actualités - REPORTAGE

Dans un rapport accablant, l’organisme de contrôle recommande un suivi interne plus rigoureux de l’appareil étatique L’Inspection centrale tire la sonnette d’alarme : le risque d’un effondrement de l’Administration est sérieux

Le rapport de l’Inspection centrale vient d’être publié et des copies ont été remises aux pôles du pouvoir. La traditionnelle question qui se pose à cette occasion est de savoir si les responsables réagiront à la teneur de ce document malheurement riche en informations et indications aussi choquantes qu’inquiétantes sur la dilapidation de fonds publics, la corruption et les turpitudes que le gouvernement s’est promis de combattre en appliquant un programme de réformes qui tarde cependant à être mis sur les rails. Des informations d’autant plus alarmantes que le rapport – qui est accompagné pour la première fois (initiative fort louable) d’une évaluation de performance, globale et détaillée, de l’appareil administratif – tire la sonnette d’alarme en mettant en garde contre « un effondrement » de l’Administration au cas où la situation actuelle, qu’il qualifie de « dangereuse », demeure inchangée. On peut comprendre que le gouvernement soit débordé, étant donné la multitude de problèmes auxquels il devait s’attaquer après la fin de l’occupation syrienne, ou qu’il ait du mal à atteindre sa vitesse de croisière après les secousses que le Liban a connues l’an dernier, et les turbulences politiques et sécuritaires de cette année. Mais ce qui est difficile à comprendre, c’est que la politique l’emporte autant dans un pays où tout est à faire, ou à refaire, et que le chef du gouvernement s’enlise dans le rôle de pompier qu’il joue depuis des mois pour éteindre ou éviter des incendies politiques, au point d’ajourner sans cesse la mise en chantier de réformes en attendant un meilleur climat politique auquel plus personne ne croit. La volonté d’engager des réformes ne fait pas l’ombre d’un doute. Elle est d’ailleurs obligatoire si le Liban veut continuer de bénéficier de l’appui international qui s’est manifesté en faveur du Liban depuis le second semestre de 2004. C’est la décision politique qui fait défaut et c’est là l’énorme défi que M. Fouad Siniora doit relever. Car qui dit réformes dit automatiquement pertes de nombreux acquis pour une certaine classe politique qui n’a pas la moindre intention d’y renoncer. La récente crise du Conseil supérieur de la magistrature en est l’exemple parfait. Une faille fondamentale et dangereuse En commentant les résultats de l’évaluation de performance de l’Administration, l’Inspection centrale déplore l’absence d’un « plan stratégique » qu’elle considère comme « une faille fondamentale et dangereuse au niveau de l’action administrative moderne ». Elle fait indirectement assumer à l’autorité politique la responsabilité de tout mettre en œuvre afin de combler cette grave lacune. Et c’est presque pudiquement qu’elle la presse de réagir, voire d’agir, en lui soumettant pratiquement toutes les données censées lui servir d’appoint pour commencer à assainir l’Administration en assurant un contôle interne plus rigoureux. Pour remettre la France sur pied après la Seconde Guerre mondiale, le général Charles de Gaulle l’a dotée en priorité d’une Administration efficace et fonctionnelle. Au Liban, plus d’un an après la fin de l’occupation syrienne qui a sérieusement altéré l’appareil étatique et alors qu’on a pour la première fois la possibilité d’édifier un État, le peuple continue d’assister, impuissant, à un débat désespérant – et stérile – sur la majorité réelle et la majorité fictive, le danger israélien, l’influence syrienne passée et future sur le pays, comme si sa vie ne dépendait que de tels problèmes. Il faut cependant reconnaître que des efforts ont été déployés pour moderniser autant que possible une Administration vétuste et branlante, notamment au niveau des départements dits de service. Ces efforts sont notamment perceptibles au niveau des ministères des Finances, des Télécommunications et de la Santé (les ministères de la Santé et de l’Environnement sont les seuls à avoir obtenu la moyenne dans l’évaluation de performance, sur un total de 13 départements), et le sont beaucoup moins dans d’autres. Si ces efforts visent essentiellement à faciliter les rapports entre les citoyens et l’Administration en simplifiant les formalités, ils restent noyés dans l’immense déliquescence administrative, comme le montrent certains faits énumérés dans le rapport ainsi que le résultat de l’évaluation de performance (voir par ailleurs). C’est dans ce cadre général que l’Inspection centrale mène une action louable afin de tenter d’engager, enfin, l’appareil étatique sur la voie du redressement et de la réforme. Encore que cet effort fourni par l’IC mérite d’être consolidé par une modernisation des lois qui régissent le fonctionnement de cet organisme créé en 1959. Car depuis cette date, de légers amendements ont été introduits aux lois en question, sans pour autant faciliter les procédures de contrôle et sans développer les effectifs de l’Inspection, alors que les départements étatiques se multipliaient, élargissant ainsi le domaine de compétence de cet organisme. Or malheureusement, la volonté politique de renforcer les organismes de contrôle est pratiquement inexistante. Les promesses pompeuses d’un contrôle rigoureux de l’Administration ne leurrent plus personne, tout comme l’engagement du Conseil des ministres à avoir recours à une société d’audit, pour contrôler les finances de l’Administration. Cet engagement a été pris depuis près de deux mois et il n’est toujours pas question d’entamer la procédure d’ajudication qui prend, comme on le sait, du temps. On pourra encore attendre longtemps avant qu’elle ne se concrétise. Mais de toute façon, pourquoi faut-il attendre alors que les organismes de contrôle sont parfaitement capables d’assumer cette mission pour peu qu’on leur en donne la latitude ? Au niveau de l’Inspection centrale, l’initiative a déjà été prise, comme le montre, entre autres, la modernisation de l’administration des adjudications. Il est primodial d’appuyer ce genre d’initiatives et d’en assurer le développement, en amendant les vieilles lois pour que cet organisme puisse effectuer un suivi de ses décisions, sans empiéter sur les prérogatives du pouvoir judiciaire, ou encore en y rattachant des experts-comptables, et non pas des juristes, pour effectuer un audit financier rigoureux. Dans le préambule du rapport, le président de l’Inspection centrale, Georges Awad, un magistrat nommé fin 2004 à la tête de cet organisme, aborde ce problème : « Il y a lieu de souligner, écrit-t-il, l’augmentation des charges assumées par l’Inspection centrale, la diversification et la multiplication des missions qui lui sont confiées, étant donné l’accroissement du nombre de départements et d’institutions publiques, de municipalités et d’écoles. Cet état de fait empêche l’Inspection centrale d’assumer ses responsabilités dans les délais, et met en relief le besoin urgent d’amender les lois sur cet organisme et d’élargir ses cadres définis par le décret-loi de 1959, pour lui permettre d’être à jour, de répondre aux exigences d’une Administration moderne ». Reste à voir si cet appel sera entendu et si les remarques de l’Inspection centrale seront prises en compte. Tilda ABOU RIZK Les chiffres du gaspillage s’élèvent à des dizaines de milliards de livres chaque année Pour comprendre un peu pourquoi les finances publiques vont toujours mal, en dépit de tous les efforts déployés par le département de Jihad Azour en vue d’améliorer les recettes et rationaliser les dépenses, il suffit de jeter un coup d’œil rapide sur les informations contenues dans le rapport de l’Inspection centrale pour 2004-2005. Le document, qui s’inscrit malheureusement dans le prolongement de celui de 2003, est un véritable inventaire de toutes sortes d’abus, administratifs et financiers, parfois formulés en des termes diplomatiques, et des sanctions infligées ou recommandées. Le nombre de plaintes reçues contre des fonctionnaires (765 en 2004 et 911 en 2005) est impressionnant. Plus impressionnant encore est celui des dossiers déférés, sur recommandation de l’Inspection générale d’ingénierie, devant le parquet : 15 000 ! Sans oublier les chiffres du gaspillage (s’élevant au moins à près de 17,8 milliards de livres) et les recommandations adressées aux divers ministères pour la récupération des indemnités ou des salaires accordés illégalement à des fonctionnaires. Dans le domaine de l’enseignement public, véritable caverne de Ali Baba au sein du capharnaüm qu’est l’Administration, l’Inspection centrale déplore la présence d’enseignants qui n’ont pas les qualifications requises, ainsi que le régime des mutations qui répond à des considérations personnelles et politiciennes plutôt qu’à des considérations pédagogiques. Le rapport relève ainsi que 427 enseignants ont été mutés d’écoles qui avaient besoin de leur présence et que 123 autres ont été rattachés à des établissements qui souffrent déjà d’un corps professoral excédentaire. Si l’inventaire déprime, la modification de la nature des sanctions infligées par l’Inspection centrale aux fonctionnaires contrevenants, apparue dans le rapport, est porteuse d’espoir. Car en choisissant de déférer un grand nombre de dossiers et de fonctionnaires devant le parquet, au lieu de se contenter de simples sanctions administratives, l’Inspection centrale, qui est le seul organe de contrôle à avoir un pouvoir de décision, semble vouloir mener une action susceptible de réduire, faute de l’enrayer, le laisser-aller et la corruption au sein de l’Administration. Une action en justice a en effet plus d’impact sur un fonctionnaire négligent et corrompu qu’une réduction de salaire, un retard de promotion et même une fin de service qui sont les sanctions habituellement adoptées. Des milliers de dossiers déférés au parquet Dans la pratique, le rapport souligne à l’intention de l’autorité politique ce que cette dernière devrait entreprendre pour améliorer la performance administrative tout en attirant son attention sur les abus commis. Enrayer définitivement la corruption, ce mal qui ronge l’Administration, relève de l’utopie. Il existe dans tous les pays du monde. Mais il peut être sensiblement réduit. L’Inspection centrale demande à un nombre important de ministères et départements étatiques de récupérer des fonds payés illégalement à des fonctionnaires. Elle demande au ministère de la Santé de rompre le contrat conclu avec les hôpitaux privés, accusés d’avoir enfreint les termes du contrat. Le rapport souligne que ces établissements devraient rembourser les sommes perçues illégalement de malades soignés aux frais du ministère. L’inspection générale d’ingénierie, qui a traité 264 plaintes, a proposé 54 sanctions administratives contre des fonctionnaires, déféré 15 000 dossiers devant le parquet de la Cour de cassation, six fonctionnaires, ainsi que huit dossiers devant la Cour des comptes, six fonctionnaires devant le Conseil suspérieur de discipline, et demandé qu’une enquête soit ouverte avec six présidents de municipalité. Près de 15 000 dossiers d’infractions à caractère pénal, c’est trop. Si elle ne les détaille pas, par respect pour le secret de l’enquête, l’Inspection centrale soumet à l’autorité politique une série de recommandations, étalées sur onze pages du rapport et censées régulariser le fonctionnement administratif. Les énumérer toutes serait fastidieux. Elles portent, entre autres, sur les permis de construction, la vérification des travaux d’infrastructure et de la qualité des matériaux utilisés, le respect des lois dans l’adjudication des services de contrôle et de surveillance, la révision des conditions d’adjudication des travaux de nettoyage de la centrale de Jiyeh encrassée par le sable, en tenant compte de l’impact écologique de ces travaux. Il serait intéressant de s’arrêter sur ce dernier point, qui avait fait l’objet d’un scandale malheureusement tombé, comme beaucoup d’autres, dans l’oubli : sous prétexte qu’il était en charge des travaux de nettoyage des turbines des centrales électriques encrassées par le sable et sous prétexte qu’il avait un permis pour nettoyer l’embouchure d’un fleuve, un entrepreneur proche d’un responsable a sans vergogne pratiquement volé le sable dont il a extrait des tonnes. Le dossier avait été déféré devant le parquet, et l’affaire est restée sans suite. Des dizaines de milliards de livres gaspillées Dans le secteur de l’éducation, 180 sanctions administratives ont été infligées à des directeurs d’école et à des enseignants, 31 en 2004 et 149 en 2005. Le rapport accorde cependant une attention particulière au volet pédagogique. Son constat est alarmant, notamment en ce qui concerne la formation des enseignantes et des jardinières, qui est pratiquement nulle, le manque d’enseignants dans certaines écoles et la pléthore dans d’autres. Sur le plan financier, il y a lieu de se demander si l’État continuera d’accepter une situation qui est à l’antipode de sa politique d’assainissement des finances publiques. Le gaspillage résultant de la contractualisation dans les cycles de l’enseignement fondamental et secondaire ainsi que dans l’enseignement technique et professionnel se chiffre à près de 12,5 milliards de livres pour les années 2004 et 2005. Le contrôle financier a également mis en évidence la dilapidation d’au moins 5,2 milliards de livres libanaises (certains montants ne sont pas précisés) aux ministères de l’Agriculture, des Télécommunications, de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, des Affaires municipales et rurales, de l’Information, de la Santé, de l’Énergie et de l’Eau, et des Finances (direction de La loterie nationale) à cause de malversations et de paiements faits illégalement à des fonctionnaires ou à des hôpitaux. L’Inspection demande à ces départements de les récupérer et recommande à la Direction générale des Finances de vérifier l’ensemble des dossiers des fonctionnaires à la retraite, notamment ceux qui sont en rapport avec les pensions suspendues en principe, afin de déceler les erreurs et les infractions commises. On peut se demander dans ce contexte comment il est possible de croire les autorités lorsqu’elles promettent de traiter la gangrène administrative et d’œuvrer pour assainir les finances lorsque les chiffres du gaspillage sont là sous leurs yeux, écrits noir sur blanc, et qu’ils se répètent chaque année. Sur le plan de la santé, outre les infractions dans la classification de certains hôpitaux dont le dossier a été déféré devant les autorités compétentes, l’Inspection centrale souligne la nécessité d’accorder une attention particulière au contrôle des pharmacies, à cause de la présence de médicaments de contrebande et d’autres produits portant des matricules d’enregistrement différentes de celles qui sont en vigueur au ministère de la Santé. Elle demande que les mesures appropriées soient prises à l’encontre des importateurs et des agents, et recommande au gouvernement d’étudier la possibilité d’assurer les médicaments par le biais d’une adjudication internationale avec les compagnies productrices. Les institutions étatiques soumises pour la première fois à un test de performance Pleins feux sur les résultats de l’évaluation de performance effectuée pour la première fois au Liban par l’Inspection centrale (IC), grâce à un projet de coopération avec l’Union européenne, en vue de fournir une appréciation de différents aspects de la marche du travail dans les administrations publiques. En attendant l’examen, l’approbation puis la mise en application du programme de réforme globale préparé par le gouvernement, c’est l’Inspection centrale qui a pris les devants en effectuant ce que l’Exécutif aurait dû lui-même entreprendre depuis longtemps : établir un diagnostic du mal administratif, fondé sur des données précises et non pas sur des idées générales. Bien qu’elle constitue un premier test qui doit être encore développé et consolidé par une structure indépendante, l’évaluation effectuée par l’IC constitue une base solide et indispensable pour commencer progressivement à régler les problèmes liés à la déliquescence administrative. Une situation « très grave » Pour chaque département soumis à l’évaluation, des inspecteurs administratifs et financiers, ainsi que des experts choisis en fonction de la spécialisation du département concerné ont été nommés. Le test d’évaluation comporte six grands titres, comprenant chacun dix questions de recherche. « L’objectif de ce travail est de montrer le degré de respect, au sein de l’Administration, des lois et des règles en vigueur, de la gestion correcte des deniers publics, ainsi que des principes de l’administration moderne, à savoir l’efficacité, l’efficience et l’économie », explique le rapport de l’Inspection centrale. L’évaluation (exprimée en pourcentage) a porté sur les performances suivantes : l’administration stratégique fondée sur les résultats, l’attention portée aux citoyens, le renforcement de l’organisation administrative, le développement des ressources humaines, la gestion financière, le contrôle et l’évaluation interne. « Les résultats de l’évaluation de 10 directions générales et de 3 directions au cours des années 2003, 2004 et 2005 révèlent que la moyenne générale de l’ensemble des indices d’évaluation, qui sont au nombre de 60, est de 37 %. Il faut remédier sans tarder à cette situation qui est très grave parce qu’elle entraînera un effondrement de la situation si celle-ci demeure inchangée », affirme l’Inspection centrale. Sur 14 départements dont la performance a été évaluée, deux seulement ont eu une moyenne supérieure à 50 %, deux autres une moyenne située entre 45 % et 48 % et le reste se place au-dessous de 37 %. Il convient de signaler à ce propos que l’Inspection centrale n’a pas accès à tous les départments étatiques. Le CDR, la CNSS, la Banque du Liban et IDAL ne sont pas soumis à son contrôle. Sur la justice, l’armée, les FSI, la Sûreté générale, les missions diplomatiques libanaises à l’étranger et l’Université libanaise, elle a seulement un droit de regard sur la gestion financière. Des résultats inégaux ou lamentables Le test met en outre en relief une certaine incohérence au niveau du chapitre réservé aux services accordés à la population. Si l’évaluation de ces services totalise une moyenne de 52 % à titre de politique générale principale, l’appréciation de la qualité de ces services, au sein même de l’Administration, est pratiquement inexistante. Elle se situe dans une fourchette allant de 9,6 % (pour l’appréciation du degré de satisfaction du citoyen) à 14,0 % (pour la mesure de la qualité des services). Les résultats sont tout aussi lamentables pour l’évaluation d’impact des projets, ce qui est en définitive compréhensible si l’on tient compte du fait que le budget consacré au contrôle de qualité représente 5,8 % du budget de l’Administration et que le budget pour la formation des fonctionnaires à l’évaluation de performance est de 0,2 %. En ce qui concerne la performance qualitative, les résultats du test sont tout aussi inégaux : 9,6 % pour la présence d’un plan de développement, 5,8 % pour la formation des fonctionnaires, 16,9 % pour la présence d’un plan stratégique. L’Inspection centrale s’arrête sur ce dernier pourcentage pour préciser qu’il représente « un défaut fondamental et dangereux au niveau de l’action administrative moderne ». Au plan administratif, il ressort des résultats du test effectué par l’Inspection centrale que la priorité est accordée au volet bureaucratique. De tous les indices évalués, c’est incontestablement l’organisation des dossiers des fonctionnaires qui obtient la moyenne la plus élevée, avec 96, 9 %, suivie de 91,3 % pour la qualité de la comptabilité et de 78,3 % pour la qualification des missions des unités. Même si elle considère que les résultats de ce premier test expérimental nécessitent une analyse qu’elle ne serait pas en mesure d’effectuer seule, faute sans doute de moyens humains et techniques appropriés, l’Inspection centrale tire une série de conclusions qui sont autant de matières à réflexion. « L’absence d’un plan stratégique fait dépendre la pérennité de l’Administration de la seule demande. Sa présence est tributaire des services sollicités par le citoyen. L’Administration reste incapable de gérer et de développer le service public, ou encore de proposer des solutions aux problèmes de la population et de contribuer à l’édification d’un État moderne. L’absence d’un plan stratégique est synonyme d’absence d’objectif et entraîne la régression puis la disparition. La responsabilité de l’établissement de ce plan n’incombe pas à l’Administration seule, puisque ce genre d’action nécessite l’approbation du gouvernement puis du Parlement. » Commentant les moyennes lamentables de l’évaluation de l’indice en rapport avec « l’attention portée au citoyen », l’Inspection centrale l’explique par le fait que l’Administration monopolise l’octroi de services et que la qualité des services publics n’est jamais contrôlée. « Le concept de la satisfaction du citoyen semble bizarre et bien loin des préoccupations de l’Administration », souligne le texte, qui relève cependant l’effort déployé par l’Administration et par les autorités pour renforcer l’organisation administrative avec des moyennes variant entre 23,9 % et 78, 3 %. « Cette organisation doit cependant être complétée au niveau du pourvoi aux postes-clés vacants et de la révision des cadres de l’Administration qui ne sont plus capables de répondre aux besoins requis actuellement », souligne le document. La médiocrité de la moyenne obtenue pour l’indice relatif à l’intérêt porté par l’Administration pour le développement des ressources humaines, sachant que celles-ci constituent le principal capital administratif, s’explique par la démobilisation des autorités, qui se traduit par l’absence d’un département des ressources humaines. Quant à l’inégalité des moyennes obtenues pour l’indice concernant la gestion financière (entre 16,9 % et 33,5 %), elle reflète, selon l’Inspection centrale, « le manque d’intérêt administratif pour l’établissement d’un budget étudié, approprié et équilibré, fondé sur un plan de travail en l’absence d’un plan stratégique ». Ce point est confirmé par le pourcentage des budgets dépassés (74,9 %) et le transfert de budget (77,1 %). L’inégalité des scores « illustre la mauvaise gestion financière dans le secteur public, au niveau de l’appréciation du budget et des dépenses, ainsi que l’absence d’un contrôle sérieux au moment de l’établissement et des dépenses des crédits, d’autant que le transfert de fonds et les dépenses supplémentaires nécessitent le plus souvent l’approbation du Conseil des ministres et, parfois, du Parlement ». « Laisser-aller et négligence » Les pourcentages les plus bas ont été obtenus lors de l’appréciation du contrôle et de l’évaluation interne. Selon l’Inspection centrale, il s’agit d’un « résultat prévisible pour une Administration qui ne se soucie guère du développement de ses ressources humaines ou de l’évaluation de sa propre action, et qui n’effectue pas le contrôle hiérarchique qui lui est demandé (13,7 %) ». « Cela est dû, explique le texte, au laisser-aller et à la négligence de nombreux responsables hiérarchiques qui ne contrôlent pas leurs subalternes, qui ne les suivent pas pour qu’ils accomplissent leurs tâches et qui n’effectuent pas de contrôle au sein de l’unité administrative qu’ils président ». Pour l’Inspection centrale, ce problème peut être réglé en nommant à la tête d’une direction ou d’une unité administrative un fonctionnaire compétent et spécialisé, qui a des qualités de leadership et un sens de l’organisation. Les seuls indices évalués ayant le pourcentage le plus élevé sont ceux relatifs au respect des lois, « ce qui montre que l’Administration est celle de l’application des lois et non pas du management ».

Le rapport de l’Inspection centrale vient d’être publié et des copies ont été remises aux pôles du pouvoir. La traditionnelle question qui se pose à cette occasion est de savoir si les responsables réagiront à la teneur de ce document malheurement riche en informations et indications aussi choquantes qu’inquiétantes sur la dilapidation de fonds publics, la corruption et les...