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TÉMOIGNAGE - Des Irakiennes installées au Liban racontent leur désespoir dans l’attente d’un statut Réfugiées à Beyrouth : une vie dans l’ombre

Mira, Balkis, Haïfa et Nidal sont toutes irakiennes. Leur pays, elles l’ont quitté il y a 3, 5, voire 10 ans. Depuis cette date, elles vivent au Liban avec leurs familles en tant que réfugiées. Mira, Balkis, Haïfa et Nidal se sont rencontrées dans le Centre de développement communautaire créé par le Conseil œcuménique des Églises du Moyen-Orient (CEMO), en partenariat avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Dans ce centre, dirigé par Dany Karam Sikias, ces quatre femmes, ainsi qu’une centaine d’autres réfugiés et demandeurs d’asile de différentes nationalités, bénéficient des cours de langues, d’informatique, de musique et de travaux pratiques. À l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, « L’Orient-Le Jour » est allé à leur rencontre. Sans papiers, ces femmes n’ont qu’un seul droit : celui de rêver à une vie meilleure. «Même la peine de mort ne suffirait pas pour faire payer à Saddam ce qu’il nous a fait endurer durant les années de son règne. » D’une voix chargée d’amertume, Mira, 43 ans, raconte comment, le premier janvier 1996, elle a quitté l’Irak avec son mari pour se réfugier à Beyrouth. « Saddam voulait condamner mon mari pour avoir refusé de servir lors de la guerre contre le Koweït en 1991. Il avait déjà perdu un frère dans les combats et son oncle compte parmi les disparus. Nous avons d’abord pris la fuite vers le Nord, au Kurdistan, mais nous y avons été accueillis comme des espions car nous venions de Bagdad. Comme nous ne parlons pas le kurde, nous n’avons pas réussi à trouver un emploi, raconte Mira. Nous avons alors décidé de nous réfugier au Liban dans l’espoir d’y obtenir l’asile. » Mira et près de 1 400 autres Irakiens n’ont toutefois toujours pas obtenu le statut de réfugiés de l’UNHCR. « Les Nations unies considèrent que nous avons fui l’Irak au moment où Saddam était encore président. Maintenant qu’il est déchu, l’ONU considère que nous devons être rapatriés là-bas », affirme-t-elle. « Lorsque nous avons vu les Américains libérer notre pays du régime baassiste, nous étions si contents. J’espérais vraiment retrouver mon père, le seul membre de ma famille qui était resté en Irak. Mais avec la montée des violences confessionnelles et de l’extrémisme islamiste, j’ai vraiment peur pour ma famille et pour mon enfant, né à Beyrouth », explique cette femme, de confession chrétienne. « Des extrémistes ont jeté de l’eau bouillante sur le visage d’une de mes parentes en Irak parce qu’elle ne portait pas le voile », interrompt Balkis, elle aussi de confession chrétienne. Balkis est arrivée avec ses cinq enfants au Liban dix jours seulement avant le début de l’invasion américaine de l’Irak. « C’était une période très dure pour nous. Comme nous vivions près de l’aéroport de Bagdad, les baassistes nous ont obligés, ainsi que nos voisins, à porter les armes qu’ils nous avaient distribuées en grande quantité. Ils nous ont ordonné de monter sur les toits de nos maisons pour tirer sur les avions de “l’ennemi américain” », raconte-t-elle, en se laissant emporter par ses souvenirs. Âgée d’une cinquantaine d’années et souffrant d’asthme, elle s’est enfuie avec ses trois filles et ses deux garçons vers la Syrie. Malgré un bras cassé, elle a ensuite traversé montagne et vallées à pied pour enfin rejoindre Beyrouth. « Nous avons fui l’Irak car nous ne voulions pas que nos enfants vivent le même cauchemar que nous », renchérit Nidal, dont le prénom signifie « combat » en arabe. « Comme mon mari était un journaliste opposé à Saddam Hussein, il a toujours été persécuté en Irak. Il a même été chassé du journal dans lequel il travaillait. Saddam voulait opprimer la classe éduquée en Irak car il percevait les gens instruits comme une menace pour son régime », explique cette femme voilée. « C’est en 2001 que nous avons définitivement quitté l’Irak pour venir nous installer ici, au Liban. La situation là-bas nous était devenue insupportable », poursuit-elle. Mais qu’en est-il de leur vie au Liban ? « C’est comme vivre dans une grande prison », avoue Haïfa, 37 ans. Portant le tchador, cette chiite de Najaf, qui a fui son pays il y a dix ans, s’inquiète pour l’avenir de son fils, un adolescent de 14 ans. « Mon fils grandit à Beyrouth sans papiers ni droits, car il est réfugié, fils de réfugiés », lâche-t-elle sur un ton sec. « Comme j’aimerais renoncer à mon arabité ! Nous n’avons vu que le malheur de la part des Arabes », ajoute-t-elle. Le Liban n’étant pas signataire de la convention de Genève relative au statut des réfugiés, la plupart de ces déplacés, souvent sans documents d’identité valides, ne jouissent d’aucun statut légal à Beyrouth. « Mon fils, qui était professeur à l’Université de Bagdad, est aujourd’hui concierge à Beyrouth. Mon deuxième enfant, qui est ingénieur, a été arrêté par la police libanaise et renvoyé en Irak car il ne possédait pas de papiers en règle… » ajoute Balkis. « Les Libanais sont très aimables, mais notre vie est devenue insupportable dans ces conditions de vie misérables, renchérit Nidal. Ici, on n’existe pas. On vit dans l’ombre, comme des fantômes… » Rania MASSOUD
Mira, Balkis, Haïfa et Nidal sont toutes irakiennes. Leur pays, elles l’ont quitté il y a 3, 5, voire 10 ans. Depuis cette date, elles vivent au Liban avec leurs familles en tant que réfugiées. Mira, Balkis, Haïfa et Nidal se sont rencontrées dans le Centre de développement communautaire créé par le Conseil œcuménique des Églises du Moyen-Orient (CEMO), en partenariat avec le...