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Actualités - CHRONOLOGIE

La réception des textes synodaux, enjeu de la prochaine étape Le synode patriarcal maronite (2003-2006) à l’épreuve des faits

Avec la clôture hier du synode patriarcal maronite (2003-2006) par une messe à Bkerké, c’est une grande réflexion collective qui s’achève, mais aussi un grand défi qui commence, celui d’assurer la réception d’une « pensée maronite » contenue dans un gros ouvrage, et dont la rédaction collective s’est étalée sur trois ans. « Le synode commence avec sa réception », notait un membre du secrétariat du synode. Mais même si le synode devait en rester là, ce temps de réflexion et d’organisation n’aurait pas été vain. Il aurait permis aux évêques, prêtres et à l’intelligentsia de l’Église maronite de faire le point, de prendre conscience de certaines réalités nouvelles (hémorragie humaine, mutation des maronites « de l’émigration » en maronites d’outre-mer), de parler de choses taboues, et notamment de la guerre, de ses ravages et de ses compromissions. Au prix d’un travail acharné, de milliers d’heures de lecture et de relecture, de réécriture, de saisie sur ordinateur et de classement, il aura aussi permis aux organisateurs de démentir ceux qui pensent que les maronites ne savent pas s’organiser, ni mener un travail à sa fin. Pas de point d’arrêt Mais le synode ne s’arrêtera pas là, se sont promis hier le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, et le secrétaire général du synode, l’évêque d’Antélias, Youssef Béchara, à l’occasion de la messe de clôture célébrée sur l’esplanade du siège patriarcal. Le patriarche a invité les fidèles à prendre connaissance de ces textes qui seront bientôt dans les paroisses et les librairies, à un prix relativement abordable, et à se laisser changer par eux, pour qu’ils ne restent pas « lettre morte » et pour que les organisateurs du synode n’aient pas « travaillé en vain ». Le patriarche en a appelé aussi à une providence qui n’a jamais abandonné l’Église maronite. « Ce synode était-il nécessaire ? Que va-t-il changer à la vie des fidèles ? peuvent se demander certains, a dit le patriarche Sfeir. Mais à l’exemple des disciples d’Emmaüs qui avaient demandé au Seigneur de rester avec eux, nous avons besoin de Sa lumière dans la nuit noire qui nous entoure. Il n’est pas besoin d’entrer dans les détails. Les faits parlent d’eux-mêmes. La situation chez nous incite à l’inquiétude et l’angoisse. Nous voyons les gens divisés, sans références communes. Les leaders sont plongés dans leurs propres problèmes, ils ignorent ce dont le peuple travailleur souffre, pour gagner son pain quotidien. Des guerres nous entourent dont les peuples ne veulent pas. Voilà ce qui nous pousse à dire, comme les disciples d’Emmaüs : Seigneur, reste avec nous. Et ce que le Seigneur a fait pour la tempête, à laquelle Il a ordonné de se calmer, Il le fera pour nous. Nous avons besoin de Sa providence. » Les documents synodaux seront disponibles dans les deux langues française et arabe d’ici à l’automne. L’un des charmes de cet ouvrage, qui n’est ni doctrinaire ni théologique, est d’offrir au lecteur une sorte de précis historique des maronites, vu sous les différents angles abordés. Ce qui ne gâte rien, c’est que l’ouvrage est très soigneusement imprimé, sur un beau papier crème, avec des textes bien aérés d’une lecture reposante. Une réception en deux temps Pour sa part, le secrétaire général du synode, Mgr Youssef Béchara, a parlé d’une réception en deux temps concomitants : la publication des textes et leur popularisation, d’une part, la mise en œuvre des recommandations qu’ils contiennent, d’autre part. C’est là une des originalités de ce document synodal : à la fin de chacun des 23 textes qui le composent, et qui portent sur l’identité de l’Église maronite, ses structures et ses rapports aux différentes activités humaines (y compris la terre, la politique, l’éducation, la santé, la culture, l’islam), des propositions concrètes ont été faites pour mettre en application des recommandations formulées. Il existe presque deux cents recommandations concrètes, pour les différents champs d’activités de l’Église. Il est intéressant de noter que le document qui a fait l’objet du plus grand nombre de propositions et de recommandations, lors de la consultation générale effectuée au sujet des thèmes de réflexion, est le document sur l’Église maronite et l’éducation. Un détail révélateur de l’attente spécifique des maronites à ce niveau. L’une des plus importantes recommandations, pour le clergé comme pour l’ensemble de l’Église, consiste en la mise en place d’une structure administrative à Bkerké même, dont la tâche sera justement d’assurer le suivi de ces recommandations et d’assurer une bonne division du travail à accomplir. Il est également question de poursuivre le dialogue avec le Vatican, afin d’étendre la juridiction du patriarche maronite aux diocèses maronites situés hors du Liban. Du concret Samedi, le souci de la réception de textes avait conduit les membres du synode, réunis une dernière fois à huis clos à la maison d’accueil Notre-Dame du Mont, à réfléchir sur des propositions concrètes destinées à faciliter un tel processus. Des réflexions très pertinentes ont été formulées à cette occasion, comme celle de poser les documents synodaux dans la continuité de l’Exhortation apostolique, qui reste une charte spirituelle pour le Liban de l’après-guerre, de faire du document un résumé, de prendre les thèmes un à un et d’en faire des présentations sur des feuillets qui seraient distribués dans les paroisses, de « former des formateurs » destinés à les vulgariser, de les introduire, simplifiés, dans l’enseignement religieux. En fait, la réception du synode dépendra, dans une large mesure, de ce que les organisateurs et le clergé en général auront eux-mêmes appris du synode. Pour le père Hervé Legrand, expert français invité à accompagner le synode, ce dernier, en général, « est une occasion exceptionnelle pour que, dans une Église, on se mette à l’écoute les uns des autres. Ce qui n’est pas toujours facile. Prêtres et évêques se considèrent, à juste titre, comme enseignants. Ils ont donc du mal à apprendre des fidèles. Or ces derniers peuvent avoir des choses profondes à dire, en matière de vie chrétienne ». Et d’enchaîner : « Durant quelques années, un synode renverse le sens de la communication. En général, elle va de haut en bas, mais il lui est plus difficile de circuler de bas en haut. » Selon le père Legrand : « Le synode, en tant que tel, va renforcer le sentiment d’appartenance et de responsabilité que l’on porte tous ensemble. C’est une occasion exceptionnelle de s’informer de la situation réelle des fidèles, des défis, des ressources dont on dispose et, au moment de la mise en œuvre, de travailler ensemble. Ce travail commun concernant la vie des fidèles dans leurs relations avec les écoles, les hôpitaux, le travail social, le dialogue avec les autres religions devrait être le résultat principal du synode, qui n’est pas d’apprendre quelque chose, mais de collaborer plus profondément, et avec plus de justesse, dans la vie quotidienne. » La clé du changement Les propos du spécialiste français rejoignent ceux du secrétaire général du synode parlant de la mise en œuvre des recommandations. Cette mise en œuvre pourrait, en fait, être une clé du changement de disposition de la masse des fidèles à l’égard du synode et les aider à s’ouvrir à ses orientations les plus profondes. Certains, samedi, ont proposé l’adoption sans délai de la gratuité de l’éducation pour le quatrième enfant d’une même famille, ou même une remise générale des dettes scolaires, comme dans les années jubilaires de l’Ancien Testament. Ce serait là, à n’en pas douter, une clé pour la réception du synode, une action symbolique très forte qui permettrait aux fidèles de constater que « l’Église agit et ne se contente pas de paroles ». En fait, il faudrait plusieurs actions de cet ordre pour réveiller l’intérêt de certains maronites pour le synode. Cette action pourrait porter sur les hôpitaux ou le rapport du clergé à l’argent. Il reste que la communication directe ne saurait perdre ses droits et l’une des propositions les plus fécondes sur ce plan est venue de l’évêque du diocèse de Saint-Maron, en Australie, pays à forte présence maronite. Mgr Aad Abikaram a proposé que l’on profite de l’organisation des Journées mondiales de la jeunesse durant l’été de 2008, en Australie, pour y rassembler les jeunes maronites venus des quatre coins du globe et y organiser des activités spéciales destinées à les introduire à nouveau à leur patrimoine et à la spiritualité qui a marqué leur histoire et celle de leurs pères. Cette proposition a été accueillie avec enthousiasme. Fady NOUN
Avec la clôture hier du synode patriarcal maronite (2003-2006) par une messe à Bkerké, c’est une grande réflexion collective qui s’achève, mais aussi un grand défi qui commence, celui d’assurer la réception d’une « pensée maronite » contenue dans un gros ouvrage, et dont la rédaction collective s’est étalée sur trois ans. « Le synode commence avec sa réception », notait...