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Actualités - OPINION

Fans !

«J’ai vécu sous des posters, à me croire le seul à connaître tout de vous (…) » Il a bien raison, Pascal Obispo. Pourtant rien n’est moins sûr qu’il visait les fans très particuliers que sont les Libanais. En effet, nous sommes un pays de fans, d’admirateurs, de hooligans aussi, parfois, malheureusement. De tout temps, le Libanais aime, applaudit, porte aux nues celui ou celle qu’il croit être le meilleur. Jusqu’au 14 février 2005, pourtant, il n’a eu que peu d’opportunités politiques de le faire. Frustré, il s’est donc rabattu, bon prince, sur tous genres de passions, surtout sportives. On n’est pas près d’oublier les bras de fer enflammés occasionnés par les matchs « Hekmé »-« Riadé ». Les gens, en manque de sensations fortes dans un Liban morose, restaient des heures durant agglutinés à leur petit écran à applaudir des sportifs qui n’en demandaient pas tant. Pas une femme, pas un homme d’affaires, pas un médecin ou un avocat qui ne se proclamait d’un camp ou d’un autre, souvent avec un engouement qui en disait long sur leurs frustrations politiques… On n’est pas près d’oublier les scènes de liesse quasi nationales après la victoire de telle ou telle équipe. On ne savait pas les Libanais si mordus de basket ! En fait, ils ne sont pas mordus de ce sport-là en particulier, ils sont mordus tout court. Où sont les héros d’hier qui ont passionné leurs fans jusqu’à parfois les pousser vers des extrêmes envers les supporters de l’autre camp ? Aux oubliettes ingrates de la mémoire collective. Il y a eu plus fort qu’eux, plus croustillants, plus contestés, et d’ailleurs bien plus contestables. Au lendemain du tristement célèbre 14 février 2005, les Libanais, comme un seul homme, se sont retrouvés « mordus », à titre posthume pour la plupart, de Hariri. Certains étaient étonnés d’entendre leur propre voix scander des « Abou Baha’ » dans une foule en délire. Fan de Hariri, moi ? Ah bon… Après tout, pourquoi pas. Pour une fois qu’on a l’occasion de crier dans la rue. Le printemps de Beyrouth a fait plus d’un cadeau aux Libanais, plus que jamais assoiffés de « stars ». Le retour du général, la libération de Geagea, les sautes d’humeur bruyantes de Joumblatt, le mutisme moqueur de Saad Hariri… Autant d’occasions de huer ou d’acclamer, ou encore de ressusciter son « taratatata… » Beaucoup ont vu dans ce changement de donne une occasion de revoir la décoration de leurs balcons ou de leurs voitures, et pour certains particulièrement « fashionistas », une révision complète de leur look. De bouffées d’orange en rubans bleus, en passant par des triangles de cèdres et autres poignards jaune citron, le Libanais s’en est donné à cœur joie pour exprimer enfin et à haute voix ses convictions. Tout cela ne va pas sans heurts, évidemment. Quand un bleu rencontre un orange, il y a fort à parier qu’il y a de l’orage dans l’air. Les stars de notre scène politique n’en demandaient pas tant, eux non plus. Mais au moins, on pouvait se dire que les camps étaient bien délimités, que chacun se cantonnait dans le sien, bref que les choses étaient plutôt simples. Jusqu’à ce que le Mondial se mêle de nos affaires. Il ne nous manquait plus que ça ! Partout à Beyrouth, on voit émerger des drapeaux plus ou moins discrets des pays participant à la Coupe du monde de football, qui, soit dit en passant, n’en demandaient pas tant, eux non plus (on l’aura deviné…) ! Bilan : un Liban bariolé, coloré, presque festif. L’anecdote, c’est que l’on verra souvent, ce mois-ci, des couples improbables : un aouniste et un pro-Geagea côte à côte, acclamant d’une même voix Zizou, ou encore, pourquoi pas, un « futuriste » et un « hezbollahi » en ambassadeurs brésiliens d’un nouveau genre. On assistera à un défilé de voitures orange-Allemagne, « hakim »-Allemagne, bleu-Brésil… jaune-Iran ? C’est à en perdre son latin. À moins d’y voir une ébauche de solution. Peu importe qui remporte le Mondial, le Libanais en sortira vainqueur puisque la compétition aura réussi le tour de force de ranger dans un même camp des ennemis jurés ! Joumana NAHAS
«J’ai vécu sous des posters, à me croire le seul à connaître tout de vous (…) » Il a bien raison, Pascal Obispo. Pourtant rien n’est moins sûr qu’il visait les fans très particuliers que sont les Libanais.
En effet, nous sommes un pays de fans, d’admirateurs, de hooligans aussi, parfois, malheureusement.
De tout temps, le Libanais aime, applaudit, porte aux nues celui ou celle...