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Actualités - REPORTAGE

PATRIMOINE - Un lieu de pèlerinage pour les chrétiens du monde entier Le monastère de Sainte-Catherine, une oasis de bonheur au cœur du désert du Sinaï

Au cœur du désert fleuriront bientôt douze cèdres du Liban. C’est la promesse faite par Mme Andrée Lahoud au supérieur du monastère de Sainte-Catherine, l’archevêque grec-orthodoxe du Sinaï, Mgr Damianos, au cours de sa visite au monastère, à l’occasion de son voyage à Charm el-Cheikh. Douze plants seront ainsi envoyés sur les lieux, dans les prochains jours, comme une petite contribution libanaise à ce haut lieu de la chrétienté, perdu entre les montagnes rocheuses et arides, et véritable oasis de sérénité et de foi. Le décor est incroyable. Deux heures et demie de route dans le désert montagneux et désolé du Sinaï, avec pour seul horizon des pics dressés vers le ciel comme des cris de désespoir, quelques broussailles poussiéreuses, comme oubliées d’une autre époque et, de temps en temps, un misérable campement de nomades avec son chameau majestueux et paisible, qui semble avoir toute l’éternité devant lui. Une région (presque) oubliée du monde... De temps en temps aussi, des barrages de l’armée, car la route menant de Charm el-Cheikh au monastère traverse aussi la région de Dahab, où ont eu lieu récemment des attentats terroristes. D’ailleurs ces barrages ont le mérite de rappeler au voyageur, qui a le sentiment de remonter dans le temps, qu’il est bien dans l’époque actuelle, troublée et mouvementée. Une de plus dans cette région que l’on croirait oubliée du monde, mais qui reste au cœur de la foi, le monastère de Sainte-Catherine étant un haut lieu de pèlerinage pour tous les chrétiens du monde. La route file tout droit dans un environnement ocre, brûlé de soleil. Et soudain, alors que les montagnes semblent se rapprocher et l’horizon s’obscurcir, le monastère apparaît, avec sa croix qui tient tête aux pics et sa pierre dorée comme faisant partie du roc. Construit sur le flanc de la montagne, tout en escaliers, le monastère date des premiers siècles de la chrétienté. Il aurait été bâti sur ordre de l’empereur Justinien qui a accédé ainsi à la demande pressante des Sinaïtes, qui se convertissaient à la foi chrétienne. Conçu sous forme de forteresse, le monastère avait d’abord pour nom celui de la Transfiguration, en raison d’une grande mosaïque évoquant ce phénomène, et il a subi plusieurs dommages au cours des ans. Ses murailles ont été à plusieurs reprises reconstruites et il a été agrandi au fil des siècles, selon les goûts des époques successives. Mais c’est sainte Catherine qui l’a rendu célèbre. Persécutée par l’empereur Maximen (Maxence), au début du IVe siècle, parce qu’elle s’était convertie à la foi chrétienne et entendait convertir son entourage, elle a été torturée par les hommes de l’empereur qui, désespérant de la voir renoncer à sa foi, ont fini par la décapiter. Mais pour éviter que sa dépouille soit souillée par les hommes de l’empereur, les anges sont apparus et ont transporté son corps au sommet du mont Sinaï, là où personne ne pourrait l’atteindre. Depuis cette date, le monastère lui a été dédié et les reliques de la fière sainte, qui avait refusé toutes les offres de mariage grisantes pour se consacrer à sa foi (d’où l’expression « coiffer sainte Catherine » utilisée pour les femmes célibataires), reposent dans l’une des huit chapelles du monastère, à l’abri des impressionnantes portes en bois de cèdre... du Liban. Le mont Sinaï, où Dieu est apparu à Moïse... Est-ce l’histoire de sainte Catherine, est-ce la magie des lieux au milieu d’un environnement hostile ? Toujours est-il que tout le monastère est marqué d’une atmosphère particulière, faite de dignité, de retenue et de grande richesse malgré tout. D’ailleurs, dans cet espace étrange, chaque détail a son histoire sainte, entre légende et foi, et le visiteur a le sentiment de plonger au sein de la chrétienté, dans sa période la plus riche, la plus militante et la plus proche des valeurs universelles. Derrière le monastère, c’est le mont Sinaï, là où Dieu est apparu pour la première fois à Moïse sous forme de buisson en feu, pour lui donner les dix commandements. Le sommet de ce mont peut être atteint en grimpant 3 500 marches. « L’équivalent de 2h30 de marche », explique l’archevêque du Sinaï et supérieur du monastère, Mgr Damianos, qui a dû y monter à plusieurs reprises, même s’il ne le fait plus aujourd’hui, laissant cette mission aux jeunes prêtres pleins de dynamisme. Un peu plus loin, à quelques kilomètres du monastère, il faut faire une pause devant le veau sculpté dans le roc par les intempéries et qui, dit-on, est à l’origine de la fameuse légende du veau d’or que Moïse a détruit parce qu’il était adoré par ses contemporains. Dans l’enceinte du monastère, un lierre datant de la même époque a été, dit-on, planté par Moïse lui-même. À quelques mètres, c’est aussi le puits sacré car, selon la légende, celui qui boit de son eau se mariera dans l’année et aura de beaux enfants. On raconte ainsi qu’un prince allemand qui désespérait d’avoir des enfants en a bu et a eu ensuite une fille qui devint la grande Catherine II de Russie. Bref, dans ce lieu particulier, légende et foi se mélangent, se confondent et créent une ambiance faite de sérénité, de poésie et de piété. La chapelle du Buisson-Ardent, un lieu de recueillement Il faut prendre son temps pour visiter ce monastère et essayer de découvrir tous ses recoins, dans un voyage au cœur de la foi. Les moines qui y vivent en parlent d’ailleurs avec une passion qui tient de la dévotion. Ils font ainsi visiter la bibliothèque qui contient des livres précieux, des parchemins datant de la première époque du christianisme et qui, soulignent-ils, sont conservés en l’état, grâce au climat. Les icônes aussi valent le détour et elles sont d’ailleurs bien exposées dans des écrins dignes de leur valeur morale, artistique et matérielle. Riche, sans ostentation, le monastère renferme des trésors inestimables, pour leur valeur à la fois matérielle et morale. De ses huit chapelles, celle du Buisson-Ardent reste la plus impressionnante. D’abord elle est la plus ancienne et elle est située presque en sous-sol. Ensuite, ses murs sont entièrement recouverts de peintures dans les tons de bleu, sur lesquels des icônes rares et précieuses sont accrochées. Dans cette chapelle minuscule, les visiteurs entrent pieds nus et parlent à voix basse presque malgré eux, tant l’atmosphère de recueillement est impressionnante. C’est là qu’il faut faire un vœu, mais c’est là aussi que l’on pense le moins au bien-être matériel tant le lieu est rempli de spiritualité. Il faut aussi se recueillir devant l’icône représentant sainte Catherine, avec sa célèbre coiffe et son air à la fois doux et fier, installée dans un des coins abrités du monastère. Sa personnalité a laissé son empreinte sur les lieux et leur donne leur caractère si particulier. Toute l’histoire de ce monastère vieux de plusieurs siècles est à l’image de celle de la sainte, qui a résisté à toutes les pressions. Les moines racontent d’ailleurs que ce monastère, situé dans une zone qui a souvent été hostile, notamment depuis l’avènement de l’islam, mais qui est aussi convoitée par les juifs, en raison du caractère sacré pour eux de cette terre, a survécu à toutes les tentatives d’invasion, d’occupation ou de contrôle. Aujourd’hui, le monastère bénéficie de la protection des autorités égyptiennes, mais la proximité de lieux touristiques, comme Charm el-Cheikh et Dahab, qui ont été récemment la cible d’attentats, laisse planer un certain sentiment d’insécurité. Pourtant la foi reste plus forte que tout et dans cette oasis inespérée au cœur du désert aride, elle semble devoir résister encore, pour des siècles et des siècles. À lui seul, ce monastère qui résiste au temps raconte la longue histoire des chrétiens d’Orient, une histoire faite d’une succession de luttes et de périodes d’accalmie, mais qui reste au cœur de l’histoire des peuples de la région. Scarlett HADDAD
Au cœur du désert fleuriront bientôt douze cèdres du Liban. C’est la promesse faite par Mme Andrée Lahoud au supérieur du monastère de Sainte-Catherine, l’archevêque grec-orthodoxe du Sinaï, Mgr Damianos, au cours de sa visite au monastère, à l’occasion de son voyage à Charm el-Cheikh. Douze plants seront ainsi envoyés sur les lieux, dans les prochains jours, comme...