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Actualités - REPORTAGE

Reportage Un habitant se souvient avec terreur du raid des marines À Haditha, les gens tentent toujours de faire le deuil du massacre

Abou Hassan a bien cru que sa famille serait la prochaine victime des marines américains lorsque, terrifié, il les a vus aller de maison en maison en novembre à Haditha, théâtre selon ses habitants d’un massacre commis de sang-froid. « J’ai regardé à travers les rideaux. Ils sont entrés de force chez nos voisins et j’ai entendu plein de coups de feu. J’ai cru que notre maison serait la suivante », se souvient cet homme de 47 ans, refusant de livrer son identité complète de crainte de représailles. Ce 19 novembre, 4 frères sont morts chez les voisins d’Abou Hassan. L’armée américaine a ouvert une enquête pour savoir si les marines ont effectivement tué une vingtaine de civils ce jour-là, ce qui pourrait déboucher sur des inculpations pour meurtres. Aux États-Unis, on évoque déjà un « My Lai irakien » et l’on se demande si les événements survenus à Haditha auront le même impact sur l’opinion publique que le massacre commis en 1968 au Vietnam. Les habitants de Haditha sont bien loin de la polémique qui enfle à Washington. Six mois après les faits, ils tentent seulement de faire le deuil. « Les Américains sont entrés et ils ont jeté une grenade dans la salle de bains. Ils ont tué mon père dans la cuisine. Puis ils nous ont tiré dessus. J’ai fait semblant d’être morte », raconte Safa Younis, adolescente de 12 ans, seule rescapée d’une famille de 8 personnes, dont le témoignage sur un enregistrement vidéo a été transmis à l’agence Reuters par l’organisation irakienne de défense des droits de l’homme Hammurabi. Traumatismes durables Comme beaucoup d’autres, Abou Hassan n’a rien vu de tel personnellement, mais il assure que les habitants de Haditha restent traumatisés par les événements du 19 novembre. « Maintenant, les enfants s’enfuient lorsqu’ils voient des Humvees américains. Je suis un adulte de 47 ans et je suis aussi terrifié. Quand je vois encore des snipers américains sur les toits des habitations, je change de direction », raconte-t-il. Abou Hassan a d’abord eu peur en entendant non loin de chez lui l’explosion d’une mine, fatale à un marine. Une attaque similaire avait tué 14 marines en août et renforcé la nervosité des militaires américains face à ce danger souvent invisible. « J’ai regardé quelques minutes plus tard et j’ai vu des marines tirer de loin sur deux maisons. Puis ils sont entrés dans ces maisons et j’ai entendu des fusillades. Ils se déplaçaient en petits groupes », déclare Abou Hassan. « Un groupe s’est rendu chez mes voisins plus de 2 heures après l’explosion de la bombe. Après leur entrée, il y a eu plein de coups de feu. La mère a commencé à crier “mes fils, mes fils”. Elle a continué à crier longtemps après leur départ », dit-il, ajoutant : « Nous avons essayé de la calmer, mais il n’y avait rien à faire. » D’après Abou Hassan, les marines ont tué les 4 fils adultes de cette femme : Djamal, Chassib, Kahtaan et Marouane. Avant ce 19 novembre, les habitants de Haditha venaient de vivre pendant 6 mois au gré des combats entre les marines et les extrémistes d’el-Qaëda, qui avaient violemment imposé leur interprétation radicale de l’islam dans cette ville. Abou Hassan discutait fréquemment de l’avenir de l’Irak avec son ami Djamal Ahmad, 27 ans, l’un des 4 frères tués. Ancien membre de l’armée irakienne démantelée après le renversement de Saddam Hussein, Djamal restait optimiste sur l’avenir de son pays, rapporte Abou Hassan. « Djamal était l’un des plus optimistes à Haditha. Il me disait toujours d’être patient parce que Dieu nous viendrait en aide », poursuit-il. Et il tente, malgré tout, de transmettre cet optimisme au seul fils de Djamal, Khaled, âgé de 13 ans. Omar AL-IBADI et Michael GEORGY (Reuters)
Abou Hassan a bien cru que sa famille serait la prochaine victime des marines américains lorsque, terrifié, il les a vus aller de maison en maison en novembre à Haditha, théâtre selon ses habitants d’un massacre commis de sang-froid. « J’ai regardé à travers les rideaux. Ils sont entrés de force chez nos voisins et j’ai entendu plein de coups de feu. J’ai cru que notre...