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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB L’autre réforme

Le droit volant au secours du droit, le droit réclamant justice… pour la Justice : avant que de quiconque, avant que des avocats à bout de patience, c’était naturellement, là, l’affaire des juges. Aux plus haut placés, aux plus responsables de ceux-ci il appartient d’assurer en effet le bon fonctionnement (ou du moins le fonctionnement tout court) du système judiciaire. De veiller à l’immunité de ce troisième pouvoir qui ne mérite son nom que quand il est réellement, effectivement, pleinement indépendant des deux autres, le législatif et l’exécutif . Cette écrasante responsabilité, le Conseil supérieur de la magistrature, qui comprend pourtant quelques-uns des noms les plus respectés de la profession, n’aura pu l’assumer puisqu’il attend sagement, depuis huit longs mois, d’être constitué au complet. La raison toute bête de cet inexcusable retard étant que les diverses fractions du pouvoir ont chacune ses poulains, comme s’il s’agissait de se disputer la loyauté à toute épreuve (c’est-à-dire les grands et menus services !) de quelques vagues fonctionnaires, et non de juges suprêmes appelés à superviser la primauté de la loi. En attendant, c’est l’appareil judiciaire dans son ensemble qui est frappé de paralysie : pas de permutations, pas de nominations de nouveaux magistrats ; cinq mois après, comble du scandale, pas même encore de juge d’instruction dans l’affaire du lâche attentat qui a emporté le journaliste et député Gebran Tuéni. Boycottage des tribunaux lundi, menace d’escalade au cas où persisterait l’inaction, rappel à leurs devoirs au CSM, au ministre de la Justice et aussi aux parlementaires auteurs d’un projet de loi pourtant revêtu du caractère d’urgence et qui n’en finit pas de pourrir dans les tiroirs du président de l’Assemblée : à plus d’un titre est salutaire et réconfortant le coup de poing sur la table qu’ont asséné, de concert, les deux Ordres des avocats de Beyrouth et de Tripoli. Car si de toutes les professions libérales celle d’avocat est une des plus propices à l’action politique, le barreau, lui, vient de montrer avec éclat qu’il n’est l’instrument de personne. Qu’il se veut en revanche l’avocat de tous, qu’il entend œuvrer à l’intérêt général, celui de tous les citoyens sans aucune discrimination, là où s’est essoufflée, où a grippé la politique. L’initiative d’hier est en ceci importante qu’elle peut, et doit, initier une intervention croissante dans la vie publique des organisations et associations civiles, depuis longtemps inaudibles dans le tumulte des vociférations partisanes. Aucun Liban nouveau, c’est vrai, ne pouvait voir le jour à l’ombre de l’occupation syrienne. Si l’enjeu souverainiste est capital cependant, il n’est pas tout. Car notre Liban renaissant ne sera jamais nouveau s’il ne se décide pas à changer là où il le faut absolument, si les Libanais ne se décident pas à appréhender cette notion de base qu’est l’intérêt commun, que seul peut garantir un État juste et équitable . Des réformes, nécessairement accompagnées de sacrifices ? Tout le monde en réclame, car il faudrait être demeuré pour ne pas réaliser que le Trésor est en faillite, que la dette publique ne cesse d’augmenter, que le gros des Libanais s’appauvrit régulièrement, que la jeunesse s’exile et que le monde n’assistera le Liban que s’il commence par s’aider lui-même. Des réformes à l’amiable sous peine de manifestations politico-syndicales telle celle de mercredi, et qui seraient arrêtées en Conseil des ministres ou alors dans le cadre de la conférence de dialogue national ? C’est là que devrait très vite pointer l’heure de vérité : celle où l’on saura si les puissants d’hier (et qui sont souvent les puissants d’aujourd’hui, même s’ils se situent dans des camps opposés) sont prêts à renoncer – ou non – à leur part de gâteau étatique, à leur pourcentage dans les privatisations à venir, à leurs juteuses filières, à leurs quotas de fonctionnaires dévoués, à leurs départements réservés et autres chasses gardées, à leurs minirépubliques dans la république. Vous vous en doutiez déjà, c’est une bonne brassée de ces réformateurs qu’il faudrait en réalité, en grande priorité, réformer. Issa GORAIEB

Le droit volant au secours du droit, le droit réclamant justice… pour la Justice : avant que de quiconque, avant que des avocats à bout de patience, c’était naturellement, là, l’affaire des juges. Aux plus haut placés, aux plus responsables de ceux-ci il appartient d’assurer en effet le bon fonctionnement (ou du moins le fonctionnement tout court) du système judiciaire. De veiller...