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Actualités - CHRONOLOGIE

Sur les Campus Lorsque les coups remplacent les idées, ou les dérives du « mouvement estudiantin »

La semaine dernière encore, les étudiants du CPL et des Forces libanaises ont échangé des coups, à défaut d’idées. En même temps, des tracts signés par des jeunes du Courant du futur et distribués aux portes des campus s’évertuaient à faire des jeux de mots sur Michel Aoun, avant d’atteindre des sommets de subtilité en soulignant les similitudes phoniques entre le titre du chef du Courant patriotique, le « général », et un détergent très connu. Le reste du texte développait plusieurs pensées du même acabit. L’on ne peut qu’éprouver une profonde lassitude devant ce que sont devenus nos « mouvements estudiantins », comme les appellent toujours certains idéalistes. Hier, on rêvait de voir la force étudiante porter tout le potentiel imaginaire et intellectuel de la société libanaise. Il ne s’agit plus aujourd’hui que d’éviter le ridicule, ou plutôt d’en sortir. Curieux est en effet le destin de ce mouvement qui avait été le premier, on ne le rappellera jamais assez, à investir la rue d’après- guerre pour dire non à l’occupation, le premier à tenter de rendre à cette rue meurtrie sa dimension d’espace public. Depuis, les choses ont bien changé, et le milieu universitaire s’est avéré être incroyablement conservateur, tant sur le plan social que politique. Les idées prennent naissance et vibrent en dehors du campus et viennent se cristalliser, voire se dogmatiser, en son sein. Des positions politiques sont prises par les chefs des différents courants politiques, et les étudiants se contentent de les suivre. Mais ce n’est là qu’un moindre mal, puisque la plus grande dérive est ailleurs. En effet, ces positions, qui sont négociables et négociées sur la scène politique, deviennent non négociables dès qu’elles franchissent les limites de l’espace universitaire. Et si l’intransigeance et le refus du compromis ont toujours marqué l’élan étudiant, c’est que cet élan était essentiellement idéaliste, porteur d’absolu, ce qui en faisait une sorte de remorque sociale. Et les étudiants, à travers leur « heureuse frénésie », étaient eux-mêmes générateurs d’idées nouvelles, et devenaient ainsi de véritables pionniers intellectuels et sociaux. Mais la situation est tout autre lorsque cette intransigeance étudiante porte, comme c’est le cas aujourd’hui, sur des positions souvent politiciennes, élaborées en dehors des campus et qui sont originellement destinées par leurs auteurs à être abandonnées, ou du moins à faire l’objet d’un marchandage politique. On voit bien que le fanatisme étudiant devient alors aberrant, pour ne pas dire imbécile. Cette perversion de la fonction de l’espace étudiant présente d’ailleurs des symptômes assez inquiétants. La violence, qui est jusque-là bannie de la rue, s’exprime librement dans les campus. Plus globalement, les étudiants prennent désormais en charge l’expression des instincts refoulés de la société libanaise. Parallèlement, et alors que la presse estudiantine peine toujours à démarrer, on voit se développer dans les universités une certaine littérature pamphlétaire, souvent d’une qualité qui laisse à désirer et dans laquelle les étudiants se retrouvent de plus en plus. Après avoir laissé tomber son autonomie, le « mouvement estudiantin » semble être sur le point de compromettre sa crédibilité. Quant à la relève, il faudra sans doute l’attendre encore un peu, le temps que des étudiants nouveaux, qui n’auront pas vécu les traumatismes de la lutte souverainiste et de la tragique apothéose du 14 mars 2005, arrivent sur les campus. Samer GHAMROUN
La semaine dernière encore, les étudiants du CPL et des Forces libanaises ont échangé des coups, à défaut d’idées. En même temps, des tracts signés par des jeunes du Courant du futur et distribués aux portes des campus s’évertuaient à faire des jeux de mots sur Michel Aoun, avant d’atteindre des sommets de subtilité en soulignant les similitudes phoniques entre le...