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Actualités - OPINION

LE POINT Affaires à suivre

C’est quand il se bat le dos au mur que Jacques Chirac est au mieux de sa forme. Même à 73 ans, même après des problèmes de santé plus ou moins graves. Il vient de le prouver une fois de plus, alors qu’enflaient les rumeurs les plus folles, en pleine crise de ce qu’il est convenu désormais de qualifier – à tort d’ailleurs – de « Watergate à la française ». Il faut relire sa déclaration faite à l’issue du Conseil des ministres hebdomadaire. C’est du grand art politique, à défaut de manquer de souffle gaullien : « La République, ce n’est pas la dictature de la rumeur, la dictature de la calomnie. La République, c’est la loi. La justice est saisie. Elle doit faire son travail. Et je souhaite qu’elle le fasse dans la sérénité et le plus rapidement possible. » Autant d’évidences qui vont si bien sans les énoncer mais qui méritaient d’être rappelées tant les nuages qui enflaient ces derniers temps menaçaient de crever à tout moment, emportant dans le déluge des institutions et même des principes valables uniquement par la qualité de ceux qui les incarnent. Ces hommes, ces femmes en train de s’agiter sur la place publique, d’échanger des invectives, combien est triste le spectacle qu’ils offrent à leurs concitoyens ! Car, force est de le constater, de quoi s’agit-il sinon d’un règlement de comptes au moment où la France se trouve engagée dans la dernière ligne droite censée mener à l’élection présidentielle du printemps prochain ? Au fait, qu’importe à l’homme de la rue si Dominique de Villepin a réellement cherché à écarter de son chemin un vieil ennemi qui a nom Nicolas Sarkozy ou si, au contraire, celui-ci ne serait pas en train de déstabiliser celui-là, au nom de cette fichue affaire Clearstream, histoire d’avoir devant lui la voie libre menant à l’Élysée – auquel cas ne serait pas Fouché celui que l’on pense. Les dossiers (car il en existe plusieurs) sont tellement épais et si complexes les faits qu’un bref rappel s’impose. En juin 2001, le juge Renaud Van Ruymbeke entreprend d’enquêter sur une affaire de dessous de table versés à des officiels français dans l’affaire de la vente à Taïwan de six frégates d’une valeur de 2,8 milliards de dollars. Petit détail sans importance : la transaction remonte à … 1991 mais aux yeux des Saint-Just de la République, il ne saurait y avoir de prescription. C’est bien pourquoi, le 9 juin 2004, un certain ministre des Affaires étrangères nommé Villepin demande au général Philippe Rondot, un spécialiste des renseignements, d’enquêter sur des « rumeurs » de corruption liées à l’affaire. Quatre mois plus tard, le magistrat instructeur reçoit deux lettres et un CD-rom anonymes contenant un listing de comptes bancaires auprès de la société de transactions luxembourgeoise Clearstream. Deux des noms, à peine maquillés, donnent à croire qu’il s’agit de ceux de l’actuel ministre de l’Intérieur. Lequel dénonce aujourd’hui une machination ourdie par certains, avec la bénédiction tacite du chef de l’État, pour le perdre, et promet de les pendre « à un crochet de boucher ». D’autant plus que les « révélations » en question s’avèrent être fausses. Au cours des dernières heures, des fuites savamment calculées donnaient à croire que de fortes présomptions pèseraient sur Jean-Louis Gergorin comme étant le mystérieux « corbeau » auteur des fausses dénonciations. L’homme vient de démissionner de son poste de vice-président du groupe européen d’aéronautique et de défense EADS, officiellement « pour mieux se consacrer à sa défense » et démontrer que l’on peut être un proche du Premier ministre sans pour autant avoir les doigts souillés par cette fange nauséabonde qui, de machinations en instrumentalisation, risque d’en salir plus d’un, ouvrant une voie royale (sans trop facile jeu de mots) devant une candidate du Parti socialiste qui, au second tour, viendrait à bout du représentant de l’extrême droite. Un scénario qui paraît d’autant plus logique que dans ses propos tenus mercredi, Jacques Chirac a donné l’impression d’avoir définitivement écarté le calice que la veille encore il rêvait de porter à ses lèvres. Ce qu’il reste de cette déplorable agitation ? Une déplorable représentation de guignols en quête d’auteur, l’image d’une fin de règne peu glorieuse, un bilan fait de gâchis multipliés à l’infini, des médias tout à la joie de s’adonner à une curée qui, croient-ils, va booster leur tirage ou améliorer leurs taux d’audience. Jean-François Revel, qui vient de disparaître, notait dès 1966 que « le peuple français n’a plus pour réfléchir qu’un cerveau en verre dépoli nommé télévision ». Quand bien même la reprise frappe aux portes, avec la promesse d’une pente de croissance annuelle comprise entre 2 et 2,5 %. Après tout, quand le pain est là, il serait de mauvais goût de se montrer trop regardant sur la qualité du spectacle. Christian MERVILLE
C’est quand il se bat le dos au mur que Jacques Chirac est au mieux de sa forme. Même à 73 ans, même après des problèmes de santé plus ou moins graves. Il vient de le prouver une fois de plus, alors qu’enflaient les rumeurs les plus folles, en pleine crise de ce qu’il est convenu désormais de qualifier – à tort d’ailleurs – de « Watergate à la française ». Il...