Rechercher
Rechercher

Actualités

Cataractes…

La politique, on le sait, est tout sauf une science exacte. On est naturellement en droit de diverger sur ses objectifs, ce qui constitue l’essence même de la démocratie, mais quelquefois aussi sur ses diagnostics. Il est cependant certains enchaînements chronologiques qu’il faut être aveugle, stupide, ou simplement de mauvaise foi pour ne pas voir. En voici un exemple. 14 février 2005 : Rafic Hariri est assassiné ; la Syrie et son système sécuritaire au Liban sont aussitôt pointés du doigt. 14 mars 2005 : près du tiers du peuple libanais descend dans la rue pour saluer la mémoire de l’ancien Premier ministre et réclamer la fin de la tutelle syrienne. 26 avril 2005 : le dernier soldat syrien quitte le territoire libanais. 7 mai 2005 : Michel Aoun, champion de la lutte antisyrienne, regagne le Liban après quinze ans d’exil. Faut-il polémiquer pour savoir qui, dans cette affaire, est la poule et qui est l’œuf ou bien est-il clair que le 7 mai n’aurait pas eu lieu – en tout cas pas de sitôt – sans le 14 février ? Dimanche dernier, au Forum de Beyrouth, un an après le triomphal retour, ce détail fut ignoré. Pire : le sang qui, après avoir éclaboussé l’occupation syrienne et ses gauleiters au Liban, servit de tapis rouge pour la rentrée du général, ce sang-là fut insulté. « Telle est la mentalité des milices. Elles ne savent pas quand la bataille commence et quand elle finit. » Michel Aoun, lui, sait. À ses yeux, la bataille s’est achevée le 26 avril 2005 et la majorité « menteuse », « frauduleuse » ne poursuit aujourd’hui qu’un fantôme. Pourtant, au même moment, à des milliers de kilomètres du Forum de Beyrouth, dans une salle que l’on appelle l’œil de la planète, des diplomates du monde entier s’attellent aussi à le poursuivre, ce fantôme-là. Mais l’œil de lynx n’est pas celui qu’on pense. Le tracé des frontières ? Illusion d’optique. Le grappillage de terrains libanais ? Illusion d’optique. L’infiltration d’armes ? Illusion d’optique. Le refus de normaliser les relations ? Illusion d’optique. Le général a décidé que c’était fini. C’est donc fini. Na ! Et la présidence alors ? « Nous y avons droit. » Bien sûr, qui le contesterait ? Pas même ceux qui ont le droit de s’inquiéter. Un chiffre magique colle à Michel Aoun : 70 % de l’électorat chrétien. Impressionnant capital, en effet. La question qui se pose est de savoir si ces 70 % sont d’accord pour considérer que la Syrie n’est pas dans une posture hostile au Liban, si le chef de l’État en exercice n’est pas un obstacle au raffermissement du pouvoir, si les portraits de Hassan Nasrallah étaient à leur place au Forum de Beyrouth aux côtés de ceux du général, si l’alliance désormais quasi systématique avec le Hezbollah, Amal, le PSNS, le Baas et autres formations du même acabit est de mise et s’il faut saboter Beyrouth I comme naguère le fut Paris II. Au point où l’on se demande, sans trop risquer de tomber dans la caricature, s’il ne faut pas que les Hassan Nasrallah et tous les autres, jusqu’à Bachar el-Assad et Mahmoud Ahmadinejad, ne prennent quelque repos puisque quelqu’un ici parle pour eux. Que les piliers du 14 Mars aient commis des erreurs à l’égard du général, nul ne saurait le nier. Que la gestion haririenne ne soit pas toujours synonyme de transparence, il est légitime de le relever sans pour autant verser dans le poujadisme. Qu’une grande partie de l’électorat chrétien ne pardonne pas son passé à Samir Geagea, personne ne pourrait en douter. Mais serait-ce Satan lui-même qui soit aujourd’hui au pouvoir au Liban, Michel Aoun ne peut pas prendre ses 70 % d’électeurs là où ils ne veulent pas aller. Et là où il ne devrait pas aller lui-même. Parce qu’il s’appelle Michel Aoun. Élie FAYAD
La politique, on le sait, est tout sauf une science exacte. On est naturellement en droit de diverger sur ses objectifs, ce qui constitue l’essence même de la démocratie, mais quelquefois aussi sur ses diagnostics.
Il est cependant certains enchaînements chronologiques qu’il faut être aveugle, stupide, ou simplement de mauvaise foi pour ne pas voir. En voici un exemple. 14 février 2005...