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Actualités - OPINION

Le mur de Berlin n’est-il pas tombé ?

Une sangsue. Perfide, tentaculaire, elle vampirise le corps qui la nourrit, le vide de sa substance, de son essence même, dût-elle signer, à la longue, son propre arrêt de mort. Elle a pour nom clientélisme, et son corollaire est la corruption. S’aventurerait-on à vouloir l’extirper, à envisager ne serait-ce que d’en discuter, et c’est aussitôt la levée générale de boucliers, la fronde au nom, tenez-vous bien, de la cause citoyenne, de droits acquis, si mal acquis qu’ils sont devenus, progressivement, des tumeurs malignes disséminées dans tout l’organisme, des métastases impossibles à juguler. Floué, trompé, mille fois abusé est le peuple à qui l’on fait croire que son salut est dans l’immobilisme, dans la perpétuation de structures sclérosées. Du secteur de l’éducation aux administrations publiques et sécuritaires, en passant par des départements souvent inutiles et abscons, la République s’effondre sous le poids de fonctionnaires surnuméraires, de parasites surpayés qui ne pointent, bien souvent, à leur lieu de travail que pour toucher leur salaire de fin de mois. L’État se liquéfie sous le poids de ses dettes, se contorsionne d’année en année pour différer le dépôt de bilan, et il se trouve encore des parties, des partis que le seul mot de réforme hérisse, que la moindre tentative de mettre le holà à l’aberration collective fait descendre dans la rue. Des parties, des partis qui se mobilisent à chaque alerte pour préserver « leur » État, une vache laitière exsangue que des milliers, des dizaines de milliers de « protégés » traient, cannibalisent depuis des éternités. Ne nous y trompons pas : les slogans brandis bien haut, les cris d’orfraie qu’on entend ici et là n’ont rien de social. Ils sont d’inspiration, de coloration politico-communautaire et ne visent qu’à sauvegarder des privilèges, des acquis bétonnés au fil des années, surtout durant la triste période de non-État, de syrianisation rampante. Quant à certains pseudosyndicats, créés au gré des intérêts des uns et des autres, inféodés qui à un parti politique, qui à un caïd de quartier, qui à un légataire des services syriens, ils n’ont de la perception sociale, de la notion des droits publics que ce que veulent bien leur en dire leurs maîtres d’occasion. Une véritable damnation qui a déjà lessivé les effets de Paris I et Paris II, et qui risque de renvoyer aux calendes grecques le Beyrouh I tant attendu. En arrière-plan, en filigrane, un jeu politique malsain, le véritable moteur de la crise, un bras de fer qui se greffe largement sur le cancer communautaire et entretient délibérément la grogne sociale. Assez étrangement, la question sociale n’a été soulevée avec virulence, notamment par le Hezbollah, qu’après les démarches internationales entreprises par Fouad Siniora pour obtenir la délimitation des frontières avec la Syrie et l’établissement de relations diplomatiques. Assez bizarrement, ce n’est que lorsque Beyrouth a alerté les Nations unies sur le grignotage syrien de terres libanaises à Ersal que les hommes de Damas au Liban, les revenants, comme Nasser Kandil, ont appelé à manifester pour rejeter le projet d’embauche contractuelle envisagé par le gouvernement, projet qui n’en était pourtant qu’au stade de l’ébauche et qui était soumis à discussion. Dans une note récente adressée au Conseil de sécurité, la Syrie avait mis en garde contre l’adoption d’une nouvelle résolution renforçant la 1559, prévenant que cela aurait immanquablement des répercussions fâcheuses au Liban. On ne saurait être plus clair : chantage et intimidation qui se traduisent sur la scène libanaise par un blocage politique d’abord, une agitation sociale ensuite, la reprise enfin de la nuisance sécuritaire. Scénario classique, maintes fois expérimenté, maintes fois facilité par des sous-fifres, des subalternes locaux. Mais le succès, cette fois, n’est pas garanti, alors que l’effet boomerang, lui, est assuré. Et c’est du Palais de Verre à New York que viendra la réponse dans les prochains jours : une injonction ferme à Damas d’avoir à respecter la pleine souveraineté du Liban. À la lumière du contexte ambiant au Conseil de sécurité, la Syrie pourra difficilement se soustraire, à terme, aux exigences de l’ONU : délimitation des frontières et relations diplomatiques. Si, en parallèle, les efforts de Fouad Siniora, de Washington à Londres, pour obtenir le retrait israélien de Chebaa portent leurs fruits, le Liban aura remporté une double victoire… …. Et le Hezbolah devra alors se résigner à revoir rapidement sa notion de souveraineté extraterritoriale, sa perception étroite des programmes de réforme. Scénario rose ? Fiction ? Pas nécessairement : le mur de Berlin est bien tombé du jour au lendemain et la face de l’Europe a changé. Peut-il en être autrement au Proche-Orient ? L’histoire, après tout, est un long fleuve peu tranquille, un éternel recommencement. Nagib AOUN

Une sangsue. Perfide, tentaculaire, elle vampirise le corps qui la nourrit, le vide de sa substance, de son essence même, dût-elle signer, à la longue, son propre arrêt de mort. Elle a pour nom clientélisme, et son corollaire est la corruption.
S’aventurerait-on à vouloir l’extirper, à envisager ne serait-ce que d’en discuter, et c’est aussitôt la levée générale...